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A demain ?

par Ali Brahimi

« Il ne faut pas remettre à demain ce qu'on peut faire le jour même »

Ce proverbe s'appliquerait aux pays maghrébins ne cessant de remettre, aux lendemains, les nombreuses opportunités offertes par l'Histoire, et ce, afin qu'ils puissent régénérer dans un cadre géographique, assaini de l'état d'esprit du tribalisme, les anciens dynamismes leur permettant d'affronter les innombrables ingérences externes lesquelles, conjuguées aux mésintelligences internes, ont fait précipiter certains dirigeants Maghrébins ainsi qu'une partie de ses élites respectives dans l'antagonisme voire la compromission..

 Anciennement ces comportements négatifs, ci-dessus décrits, ont été accentués par les ambitions démesurées de groupes d'intérêts faisant passer leurs envies liées au pouvoir avant les aspirations des peuples. Qu'ils soient sous -dépendances de roitelets, du temps de l'empire espagnol, puis de deys, et beys du genre : « tout est a toi o bey » d'où le mot beylik, du temps du « protectorat ottoman », ces groupes n'ont cessé de multiplier les agissements rétrogrades relayés par des modes de gouvernance instaurés en dehors de la volonté et du libre choix des populations autochtones aux concordances avérées, certes, mais malheureusement abêties car elles se complaisaient dans le déraisonnable. A l'évidence, l'irrationnel ne date pas d'aujourd'hui comme nous venons de le noter ci-dessus. A l'image du défunt monarque alaouite, Mohamed V, que des chefs de zaouïa marocaines l'auraient aperçu à coté de la lune durant son exil, à Madagascar, après la deuxième guerre mondiale. Le défunt Messali el hadj, le charismatique défenseur des masses populaires opprimées - comme l'indique le sigle du PPA -, n'était pas lui aussi loin, malgré lui, de ces histoires à dormir debout. A l'image, également, de la Tunisie du Moudjahid El Akbar et la Libye de El Kaïd Ethaouara, etc.

 En revanche, des approches rationnelles ont eu lieu en intermittence. Comme celle du défunt Emir Abdelkader et Abdelkrim le rifain et tant d'autres. A l'image, récemment, de la réunion, en 1958 au Maroc, des partis des trois pays pivots du Maghreb. A savoir le FLN pour l'Algérie ; le Parti de l'Istiqlal remodelé « monarchiquement » au Maroc ; et le Destour en Tunisie. Malheureusement, cette rencontre était truffée d'arrière-pensées, de non-dits, et qu'elle est survenue dans un contexte de grands chamboulements au sein de la quatrième république française, remplacée par la cinquième, conceptrice indirecte dudit conclave que seule l'Histoire déterminerait les raisons profondes de cette rencontre ainsi que le niveau de maturité et les intentions des uns et des autres.

 A ce dernier propos, le défunt roi du Maroc, Mohamed V, avait laissé entendre que les territoires sahraouis, à l'instar de celui de Tindouf, seraient récupérés en bonne entente avec les futurs dirigeants de l'Algérie après son indépendance . Pourquoi ne l'avait-il pas exigé, en son temps, directement aux autorités françaises ? Il est vrai aussi que le képi du Général de Gaule pointait à l'horizon. L'homme du 18 juin 1940 avait de mauvais souvenirs sur le Maroc et du Général Henri Giraud, entre autres préférés des USA, ainsi que les comportements du maghzen alaouite, ne s'alliant qu'au régnant du moment, et qu'il était déjà admirateur à tout ce qui est made in USA. En effet, l'Afrique du nord vivait au temps de la chanson de Johnny laâtar ya ma : Johnny le blondin ô maman.

 Il est utile de noter qu'en 1963, le Général s'était opposé fermement à l'invasion de Tindouf par l'armée Marocaine. Le roi Hassan II va le lui faire rappeler, à sa manière, en 1965, lors du kidnapping puis l'assassinat du défunt progressiste Mehdi Ben Barka?en France même. Et en Mai 1968, le Général reçut le coup de grâce défini de chienlit par le Général. C'était le temps des Dany Cohn-Bendit et celui des fameuses vedettes de Cherbourg prenant le large ; sous le nez de Général de France, en direction ?d'Israël.

 Enfin, après leurs indépendances respectives obtenues en rangs dispersés, les dirigeants de pays maghrébins, a chacun ses visées, ont donné l'occasion aux forces politiques coalisées de la rive nord de la méditerranée, exploitants précédemment leurs territoires, sachant combiner leurs intérêts et les zizanies entre les différents gouvernants maghrébins ne pouvant, pour leur part, communiquer que par des danses de serpents au son des flûtes de fakirs tout en laissant aux autres l'occasion de prendre la décision en leur nom.. A l'instar de la France s'opposant, cette semaine, par son droit de veto, au sein du fameux conseil de sécurité de l'ONU, au projet de résolution - d'ailleurs piètrement conçu et planifié du point de vue médiatique -, sur les récents actes qui se sont déroulés, ces derniers temps, au Sahara occidental envahi - récupéré d'après le maghzen alaouite - depuis 1975, et ce, à la suite de la marche verte conçue par le défunt roi Hassan II, et ses maîtres à penser, qui avait su profiter d'un ensemble de circonstances favorables à son entreprise aujourd'hui en face a de nouvelles réalités. En fait, le retour du boomerang lancé du temps des fauves?dinosauriens de la politique !

FRANCO, HASSAN II, BOUMEDIENNE ET GISCARD D'ESTAING

En 1975, Hassan II, en pleine possession de sa « baraka », avait dans les mains beaucoup d'atouts favorables à ses manœuvres dont la marche verte. Celle-ci avait coïncidé avec la disparition du caudillo Franco Francisco chef dictateur de l'Espagne connaissant assez bien les visées du Maroc. Le caudillo s'est retrouvé esseulé et que son entourage avait déjà d'autres desseins : Ceuta et Melilla. Giscard d'Estaing est le Président de France depuis plus d'une année. D'emblée, il considère que le Maroc est dirigé par une famille de sang royal et que, d'après lui se considérant de souche « noble », l'Algérie est à l'image d'un conglomérat de tribus disparates - Hassan II est parti plus loin dans ses insinuations -, et donc insoumises de nature. C'était ça le fond de la France coloniale. Elle préférait le burnous en terme de servilité du genre « Ouakha Daba ».

 Par contre, le défunt Houari Boumediene avait déclaré un jour : « Entre l'Algérie et la France, il y a une mer de sang ». Nous estimons qu'il l'avait dit non pas par rancœur, encore moins d'arrogance, mais que c'est la vérité pour tous les maghrébins dignes de ce nom. Et une autre réplique, redoutable, en réponse aux insanités des mentors de la droite française, après la disparition du Général De Gaule, stipulant que le pétrole Algérien est rouge - allusion à l'ex l'URSS - pour que les USA voient l'Algérie en rouge.

 En vain, car de valeureux hommes discrets veillaient au grain au sein des USA même. A l'image du talentueux défunt Rachid Zougar. Le Président Boumediene avait répondu a ces imbécillités : « Oui, certainement que le pétrole Algérien est rouge, car il est imbibé par le sang des martyrs ». Après la nationalisation des hydrocarbures, en 1971, par l'Algérie de la dignité et du tac au tac, Hassan II, saisissant le contexte de brouille algéro-francaise, voulait anticiper sur l'avenir. La mainmise sur le Sahara occidental constitue un enjeu de taille a plus d'un titre dans ce sens

HASSAN II, BOUMEDIENNE, OULD DADDAH

Après avoir ficelé méticuleusement le dossier de la marche verte escortée par des fanions dont celui des? USA, le défunt Hassan II avait ensuite préparé un autre plan lui permettant de contenir tout le territoire sahraoui. La Mauritanie qui était détentrice de Tirés El Gharb représentant le 1/3 du territoire s'est « désistée », en 1979 a Alger, au profit du Polisario. En vérité une combine de la part du Maghzen marocain qui va, justement, l'annexer a l'ensemble du territoire et le partager en quatre provinces : Boujdour, El-Aioun, Smara et Oued Edhab.

 Au préalable, le défunt Président Houari Boumediene s'est laissé dupé, nous semble-t-il, et ce, d'après sa colère plus tard, par le défunt Ould-Daddah Président de la Mauritanie laissant croire à un possible retournement contre le Hassan II. Un leurre ! Ce qui va accentuer les paroles véhémentes, de part et d'autre, relayées par les radios respectives notamment après la tentation du coup d'Etat avorté contre ledit Président mauritanien et les insinuations, allant dans le même sens, a l'adresse de Hassan II. Cette situation va alors déboucher sur tous les plans diaboliques. D'autant plus que l'Algérie est l'initiatrice, avec la Syrie, la Libye et l'Irak, du front de refus et de résistance contre les accords de paix, Israélo-égyptien, du camp David aux USA. Et le processus maléfique se met en place. Imparable ! Le Président Boumediene fut atteint par un mal terrible, voire mystérieux, l'emportant fin 1978.

HASSaN II, MITTERrAND, BENDJEDID

Après donc le soi-disant accord minutieusement combiné, intervenu en 1979 à Alger souligne-t-on, entre le Front Polisario et la Mauritanie, le Maroc s'est retrouvé seul possesseur de l'ensemble du Sahara occidental. Puis, une série d'événements se sont succédés tant au niveau de la région qu'au plan international. Des tentatives d'union, séparée du reste des pays magrébins, se sont rapidement disloquées. Tuniso-libyenne, ensuite Maroc Libye, puis Algéro libyenne?En somme, il ne s'agissait que du charivari. Le premier coup dur pour l'Algérie fut le retour au pouvoir de François Mitterrand. En effet, un ensemble d'agissements s'était mis en place. En premier lieu, les accords gaziers Algéro-Francais au prix que l'on sait. En 1986, la chute vertigineuse des prix du pétrole. Puis, le 5 octobre 1988. Et le comble, le début de la décennie noire. C'est au cours de ses premiers mois que le défunt Hassan II avait entrepris une croisière par mer en direction de l'Algérie. Un voyage pompeux ayant les relents d'une revanche offerte sur un plateau d'argent. Il avait même demandé de recevoir le dirigeant de l'ex FIS. Pour s'en « inspirer », disait-t-il, de l'expérience de la démocratie algérienne. Sale temps pour l'Algérie du 1er Novembre. Au préalable, l'Union du Maghreb Arabe est instituée à Tipaza, tout un symbole, que le président Mitterrand aimait visiter à chaque fois qu'il venait en Algérie. Cette union est créée en grande partie par le désir de la France, entre autres, d'avoir un gros marché au sud de la Méditerranée. Le Maroc et la Tunisie y trouvaient tout leur compte. Pour le reste, notamment les Sahraouis se sentant abandonnés et dont une grande partie ont regagné les territoires occupés par le Maroc, ils ne récupèrent que du? vent. Et des tornades. À l'image de notre pauvre pays qui sera dans l'œil du cyclone durant plus d'une décennie. Et dont les impacts ont engendré d'autres visibles aujourd'hui. Et peut-être pour encore longtemps

ET ACTUELEMENT ?

L'Algérie d'aujourd'hui a suffisamment de problèmes pour aller chercher d'autres noises ailleurs. Si position elle en a, nous pensons qu'il ne s'agirait que celle de la jeunesse maghrébine d'aujourd'hui et de demain. Et c'est à ce titre que le jeune Roi du Maroc se retrouve confronté à des jeunes sahraouis de son age en train de manifester a tort où a raison leurs souhaits et désirs. Face-à-face, entre Roi et assujettis ou bien totalement autonomes, sans intermédiaires garous ni gourous. En principe, ces jeunes n'ont d'autres complexes, à l'image de leurs aînés qui en ont beaucoup, que celui de vivre a l'air de leur temps. Est-ce pour demain ? Cela dépendrait, nous semblerait-t-il, de leur niveau de mobilisation d'aujourd'hui et de demain. Et dans la durée !!!