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L'eau peut aussi être source de malheur

par Farouk Zahi

L'eau cet élément vital, peut annoncer par l'absence de précipitations ou par ses fortes chutes, les sinistres de la sécheresse ou de l'inondation. Dont l'un et l'autre cas, l'homme se trouve souvent démuni devant le désastre. Si dans le premier cas, il ne peut être exclusivement tenu pour responsable dans les bouleversements de la biosphère, il n'en demeure pas moins qu'il est, la plupart du temps, responsable des gros remaniements des sols par la mécanisation de ses outils de travail. Les collines, talwegs et ravinements disparaissent inexorablement sous les coups de boutoir des engins à chenilles de plus en plus efficaces et destructeurs. On fait inconsciemment le lit du désastre annoncé. Le génie humain atavique de la vallée du M'Zab, a toujours fait que l'on construise sur les collines surplombant l'oued impétueux ; présentement, la désinvolture et la suffisance technologique vis-à-vis des éléments de la nature ont vite fait de rendre à celle-ci ce qui lui été spolié. L'histoire de l'humanité est pleine d'enseignements que l'individu oublieux s?évertue à tenter de mésestimer. Il en paie toujours le prix fort, souvent dans la douleur. « La crue de la Garonne de 1875 est restée célèbre, non pas heureusement en raison des dégâts qu'elle provoqua, mais parce qu'elle donna au maréchal Mac-Mahon, alors président de la République, l'occasion de montrer qu'il conservait intact ce bonheur d'expression qui procurait de si rares jouissances à ses contemporains. En effet, parvenu dans les environs de Toulouse et découvrant l'ampleur de l'inondation, il eut cette envolée magnifique: «Que d'eau! Que d'eau!»(http://dinoutoo. pagesperso-orange.fr/histo/mac2.htm).

 Voici, la déclaration d'un homme politique en face d'un cataclysme dont seule la nature, en est capable et que l'histoire aura enregistrée avec toute la clémence des désemparés. Mais qu'on ne vienne pas dire aujourd'hui et à un moment de grande affluence télévisuelle que ceci n'a rien de particulier et qu'il faut voir ce qui se passe en Amérique, au Pakistan et ailleurs. Notre pays, en zone semi-aride comme tout le monde le sait, n'a rien à voir avec les tornades encore moins les ouragans ravageurs tels que Katarina qui a dévasté la Louisiane et les moussons du continent indo-pakistanais. Honte à nous, qu'un un père de famille périsse noyé dans un regard de visite dont le tampon a été enlevé pour permettre l'écoulement des eaux pluviales. Que ne trouve-t-on pas dans ces pièges- avaleurs d'hommes, de la carcasse décharnée d'animaux, au fœtus putréfié en passant par l'objet hétéroclite. Obstrués presque hermétiquement par les restes de sacherie en plastique, ces regards masqués par l'eau en rétention continueront à endeuiller d'autres familles. La bêtise humaine aura toujours quelques raisons pour se justifier. Aussi bien à Bab El Oued qu'Annaba, les risques sont mille fois connus et les gestes pour y parer éprouvés. La sagesse populaire recommandait aux gens de la steppe, dont les orages d'été paradoxaux pouvaient être dévastateurs, d'appliquer cette règle d'or pour éviter d'être emportés par les flots : « Sillonne avant l'écoulement » ; et c'est ainsi qu'en plein canicule le pasteur transhumant se mettait à creuser une rigole autour de sa tente, sans que le ciel radieux ne présage d'aucun orage. On prévenait en amont ; la réaction après coup n'est qu'illusoire gesticulation. Les cataclysmiques inondations du M'Zab et de la Saoura en 2008, ne semblent pas avoir été porteuses de leçon. Et c'est en plein période pluvieuse annoncée depuis près d'un mois par BMS que certaines collectivités locales, ont commencé récemment le curage ou plutôt le déblayage des cours d'eau par pelleteuses entières, sous l'objectif des caméras de la Télévision. Cette manie de s'agiter pour « le Chef » n'est certainement pas prête à faire long feu de sitôt.

 On ne semble pas se soucier des règles de l'art lors de l'exécution des travaux, mais on ne manque jamais d'évoquer les malfaçons, quand celles-ci, apparaissent au grand jour, avec le plus souvent de fâcheuses et parfois même de tragiques conséquences. Le sous dimensionnement des conduites dans un réseau unitaire (eaux usées et eaux pluviales), l'obstruction hétéroclite et l'absence criante d'entretien participent sans coup férir à l'engorgement du drainage.

 La prosaïque brouette et les petits instruments de curage, déclassés par l'encombrante pompe suceuse qui ne se trouve pas partout, ont été relégués au rang de reliques. D'ailleurs, c'est la non utilisation de ces instruments rudimentaires qui fait intervenir ce « mastodonte » moderne dont l'action est parfois aléatoire ce qui fera recourir à l'antique pioche. L'inéluctable disparition de l'avaloir à grille surmonté d'un tampon est pour beaucoup dans la dégradation du mobilier urbain. Les rigoles pavées de pierre, permettaient non seulement l'écoulement déclive des eaux, mais protégeait la couche d'asphalte du décapage hydrique. L'on aura remarqué qu'avec la couche de bitume, qu'elle soit à chaud ou à froid, la courbure de la chaussée n'est jamais perceptible. Tout est plat et parfois même, carrément gondolé constituant de véritables mares. Les geysers d'eau projetés par les véhicules sur les piétons font, désormais, partie de l'ordinairement admis.