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Le grand gâchis

par Yazid Alilat

La session de juin 2015 du baccalauréat dans notre pays est comme les précédentes depuis quelques années. Ce n'est pas tant une erreur dans un énoncé d'une épreuve pour cet examen capital dans la vie d'un lycéen qui est catastrophique. Non, ce qui est grave et humiliant pour le système scolaire national, c'est qu'un office chargé de préparer cet examen de passage à l'université puisse se tromper de cette manière. Car, en fait, ceux qui président aux destinées de l'ONEC n'avaient-ils pas eu tout le temps de revoir les épreuves et les corriger éventuellement avant de les donner aux candidats le jour J ? Ce n'est pas la première fois que des erreurs se glissent dans les épreuves des grands examens et concours en Algérie. Mais, comme le phénomène a pris des proportions inquiétantes, il est temps d'interpeller les responsables d'un tel gâchis. Car il s'agit en réalité d'un véritable gâchis dans lequel patauge l'école algérienne. Une école démembrée par des réformes à répétition, des élèves devenus cobayes d'expériences aveugles qui, même si elles avaient été faites sciemment, n'auraient pas détruit avec une telle ampleur le système scolaire algérien. Et on arrive aujourd'hui à contempler un tel désastre avec une candide réaction, celle d'un responsable du ministère de l'Education nationale qui ne trouve rien de mieux à dire que l'erreur dans la paternité d'un poème de Nezzar Kabbani attribué à Mahmoud Darwich «n'est pas grave» dans le fond. Quelle tristesse ! Et cela est affirmé par un haut responsable du ministère de l'Education nationale qui n'a pas condamné, ni stigmatisé, encore moins ne s'est insurgé contre cette cocasse situation, mais seulement qu'il y aurait «des sanctions» après «enquête» ! Comme si l'école algérienne est devenue un laboratoire où toutes les dérives, tous les excès et toutes les médiocrités sont permis. Comme si l'école algérienne, que des générations d'Algériens avaient bâtie pierre par pierre depuis l'indépendance nationale, n'est plus qu'un simple passage obligé dans la vie de chaque Algérien. Et que la médiocrité est également une phase, un passage obligé que doit emprunter cette même école au fil de sa vie. Il n'est plus étonnant ainsi que des responsables de syndicats d'enseignants, complices parfois de cette médiocrité qui s'est installée au sein du système éducatif observent des grèves à répétition à l'appui de revendications salariales mais jamais contre la déliquescence dans laquelle l'école a été plongée depuis les années 1990. Jusqu'à enfanter des candidats au bac qui font preuve de mille et une ingéniosités pour réussir un examen en faisant le plus court des raccourcis : la triche. Est-il étonnant, dès lors, qu'à l'université algérienne on ne fasse plus la différence entre Mahmoud Darwich et Nezzar Kabbani ? La réforme de l'école algérienne, à partir de l'école primaire, promise par Benghebrit, est urgente. Certes. Mais, peut-on faire du neuf avec du vieux? Là aussi, la réforme du système éducatif, pour qu'il retrouve sa crédibilité et le Chemin du Savoir et de la Leçon bien apprise, doit être accompagnée par le départ en retraite de ces fonctionnaires «à vie» qui squattent depuis trop longtemps l'école algérienne.