Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Congrès du FLN : au-delà de 2019 !

par Abdellatif Bousenane

Le dernier congrès du FLN doit-il nous révéler un simple réaménagement de la maison « système », un grand dépoussiérage de printemps ou c'est plus profond que cela ? Y-a-t-il un consensus au sein de l'élite gouvernante concernant les futurs décideurs ? L'objectif fixé vise-t-il l'avant ou l'après-2019 ? Enfin, le FLN reste-t-il toujours fidèle à ses idéaux ?

Pour analyser cet événement, un certain nombre d'observateurs croient à la thèse selon laquelle ces derniers changements dans le gouvernement, les sociétés économiques et le FLN rentrent dans une espèce de compromis entre les différentes composantes de la classe dirigeante, surtout la présidence et le DRS, qui va déboucher sur la préparation de l'après- Bouteflika qui, à son tour, va partir éventuellement après les amendements de la Constitution prévues les mois à venir à cause des problèmes de santé. Cette hypothèse nous donne l'illusion d'être plus ou moins logique au regard des adhésions d'une bonne partie des membres du gouvernement à leur tête le Premier ministre et le président de l'APN. Le retour très probable d'Ahmed Ouyahia au RND rentre aussi dans cette perspective selon la même logique, car l'homme du « sale boulot » est comptabilisé, à tort, dans le camp des adversaires du président.

On se trompe de lecture

Néanmoins, si on contemple bien tous les « détails » des ces « manœuvres », on peut arriver à des conclusions tout à fait contradictoires avec cette première hypothèse. Le fait de changer le statut du parti pour nommer un président effectif et non pas d'honneur, comme c'était le cas avant, et designer à ce poste pas moins qu'un président de la République, cela est un indicateur très significatif, a mon sens, que M. Abdelaziz Bouteflika n'est pas prêt à partir et il est déterminé à terminer son mandat actuel. Par conséquent, la thèse la plus plausible dans ce sens c'est que, paradoxalement, le chef de l'État est plus fort que jamais malgré sa faiblesse physique et il devient ainsi après 16 ans de règne un président entier (quatre quart de président) puisqu'il contrôle désormais le gouvernement, les deux chambres du parlement, le conseil constitutionnel et même l'armée ! Même les redresseurs du FLN déclarent explicitement qu'ils sont d'accord avec lui et ils y sont très attachés, c'est à dire qu'ils ne sont pas à la solde d'autres « clans » ou hommes influents du pouvoir. Sans oublier le soutien sans faille des syndicats, surtout l'UGTA, et des autres organisations liées au pouvoir en place depuis toujours. Le retour de M. Ouyahia aux commendes du RND est également un autre indicateur qui va dans ce sens. Car, être chef du cabinet du président c'est être son confident, pour ne pas dire son premier allié. Contrairement à ce que pensent beaucoup de gens, le fils du système est très proche du président et il fait parti du cercle étroit. Et il sait très bien que sa chance d'être élu président de la République est compromise par le dernier chamboulement au FLN. Pour la simple raison que son parti, le RND, ne peut plus être majoritaire. Puis, les cadres du FLN qui n'acceptent pas un Premier ministre hors de l'appareil ne vont pas tolérer le fait que le futur chef de l?État ne sort pas de chez eux ! C'est quasiment inimaginable.

En tout cas et vu tous ces éléments, il n'y a aucun indicateur sérieux qui suppose qu'il y aurait une grande divergence de points de vue entre les différentes institutions. C'est un fait.

Le grand absent !

Le retour en force du FLN au rouage du pouvoir politique, sur un fond de procès, de scandales de corruptions et les appartements de Paris, ne se justifie pas seulement par le fait qu'il est le parti du président mais c'est aussi le résultat d'une réflexion pragmatique dans le cadre de la realpolitik chère au « système ». Cela veut dire que l'ex-parti unique est la première formation politique qui est représentée au fin fond du dernier point sur la carte géographique du pays, El-Hizb est tellement ancré dans l'Algérie profonde par ses bases militantes, par son nom et par ses réseaux, que n'importe quel régime politique ne se passera de ses services.

Par conséquent, l'application de l'article 120 demandée par M. Saidani, le secrétaire général, devient un détail devant cette constatation.

Autrement dit, ce n'est cet article qui a fait « émigrer » une grande partie des gouverneurs vers le comité central mais cette réalité du terrain et cette crise de représentativité politique où l'élite gouvernante n'a trouvé de salut que le retour au parti qui a le plus de chances de les éterniser au pouvoir ! Or, le grand absent dans cette « cérémonie », c'est le débat de fond, c'est de mettre sur la scène politique des sujets très importants pour l'avenir du pays. Le premier parti du pays, le parti historique et « populaire », oublie sa première mission qui est la défense de son projet de société et de ses idéaux. Le parti n'explique pas, à titre d'exemple, à l'opinion publique et à ses électeurs son avis sur la dernière sortie du Premier ministre qui a dessiné un tableau sombre sur les finances du pays et qui a promis un coup de tournevis dans le budget d'État lors de la LFC (loi de finance complémentaire) et les retombées très négatives de cette « austérité » ou la rigueur budgétaire sur le développement des infrastructures et donc de l'emploi.

En tout cas, le projet de société dont le volet populaire de la république constitue un pilier essentiel dans l'essence même du FLN est complètement noyé dans les considérations politiciennes et petits stratagèmes qui visent la redistribution des cartes et le positionnement des proches et des parents pour les échéances à venir.

Il faut noter tout de même qu'il y a beaucoup de nouveau élus au comité central qui ont des liens de parenté avec d'autres responsables ou ex du parti ! Cela pose un vrai problème de la crédibilité du discours de M.Saidani y compris la devise du congrès grandement affichée « le rajeunissement et le renouveau » !

Enfin, il ne suffit pas de contrôler les instituions de l'État, donc du pouvoir, pour dire qu'on a réussi ; il faut faire beaucoup plus d'efforts pour convaincre le peuple. En parlant de ses préoccupations, de ses malheurs, de ses problèmes et ses aspirations, très chères aux fondateurs de ce parti historique. Car rendre le FLN un parti élitiste est une trahison à l'esprit du premier novembre 1954 !