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Le Barça ou le triomphe d'une philosophie

par Adjal Lahouari

Le monde entier attendait ce «clasico». Les médias ont parlé d'un milliard de téléspectateurs. L'attente n'a pas été vaine et le spectacle aura été superbe, sauf évidemment pour les Madrilènes. C'est le cinquième «clasico» que le FC Barcelone remporte consécutivement, avec un goal-average qui est très significatif sur la supériorité du Barça: 16 buts marqués pour 2 encaissés. Et pourtant, le Réal était impressionnant, n'ayant pas goûté à la défaite depuis avril 2010, soit huit mois. Ses récentes victoires, tant en championnat d'Espagne qu'en ligue des champions ont convaincu les observateurs les plus sceptiques. Solide en défense, actif au milieu et percutant en attaque avec le duo Ronaldo-Higuain, le Réal faisait vraiment figure d'épouvantail, même pour des Barcelonais pourtant réguliers dans leurs performances si l'on excepte «l'accident» face au promu Hercules d'Alicante. Tout récemment, le team Azulgrana a retrouvé son efficacité en Liga mais demeurait tout de même second derrière le Réal. Le choc Barça-Real, ce n'est pas seulement un match à enjeu sportif. Car l'histoire atteste que le club catalan a subi dans la décennie 20 les inimitiés du pouvoir central madrilène sans oublier les évènements tragiques du temps de la dictature de Franco. Même le sigle du FCB a subi l'autoritarisme de l'ennemi honni. C'est ce qui explique les velléités d'autonomie de la part de la région catalane. A cela, il faudra ajouter le feuilleton relatif au transfert de Di Stefano au début de la décennie 50. Contacté par les dirigeants du Barça, Di Stéfano atterrira finalement au Réal qu'il aidera efficacement en championnat et en coupes d'Europe (5 victoires). Depuis l'arrivée de Johan Cruyft, une réelle philosophie de jeu s'est installée au Barça. Depuis plusieurs décennies donc, il existe en Catalogne une certaine idée du football où la technique et le collectif sont les vertus premières. Afin de pérenniser cette philosophie, un centre de formation «La Massia» a été ouvert et constitue un vivier de grande qualité. A titre d'exemple, sur les 14 joueurs qui ont participé à ce triomphe historique, 11 sont sortis de ce centre. Seuls, Abidal, Alves et Villa ont été recrutés.

 Du côté du Real, c'est une tout autre conception qui prévaut. C'est le recrutement tous azimuts de vedettes consacrées avec des erreurs de casting monumentales.

 Raul icône du club, a été poussé vers la porte de sortie et poursuit avec succès, sa carrière en Allemagne. Shneider, Robben, Van Der Vart et Huntelard, également chassés de la «Maison Blanche» (pas si blanche finalement!) et sont allés se couvrir de gloire en Italie, en Allemagne et en Angleterre où il n'est pas facile de s'imposer. Outre un effectif impressionnant, le nouvel entraîneur Mourinho a réclamé sept recrues. Il en a obtenu six et pas des moindres avec les internationaux Carvalho, Ozil, Khedira, Di Maria, Pedro Léon et Canales. Auréolé par ses victoires en Angleterre avec Chelsea et à l'inter de Milan, le médiatique Mourinho était, aux yeux des dirigeants madrilènes, l'entraîneur idoine pour briser l'hégémonie du Barça de ces deux dernières saisons. Au vu des premiers résultats, tout le monde a cru en la «méthode» du Portugais , avec un jeu en profondeur, en contres avec les rapides Ronaldo et Higuain, secondés par Benzema et Di Maria. Face à un adversaire catalan au jeu, collectif bien au point, on a constaté la faillite de cette méthode.

 Car, pour contre-attaquer, il faut avoir le ballon. Or, un pic effarant de 75% de possession du ballon a été enregistré en faveur des hommes de Pep Gardiola. Face à un adversaire de la stature du Réal Madrid, un tel constat est très significatif de l'extraordinaire performance catalane. Il est vrai que le milieu du FCB composé par les Xavi, Iniesta et Busquets constitue l'une des forces du nouveau patron de la Liga.

 Ce n'est pas tout, car les latéraux Abidal et Alvès constituent des points d'appui sur les côtés. A partir de sorties de ballon «propres», les Barcelonais ont dominé outrageusement leurs adversaires.

 La rapidité des attaquants Messi, Villa et Pedro a fait le reste. A certains moments, les Barcelonais ont ridiculisé les Madrilènes qui répliquèrent par la violence et les actes d'anti-jeu. Un exemple que l'arbitrage espagnol est en total décalage avec le niveau du football développé dans la péninsule : Messi, après avoir reçu un coup de coude asséné par Carvalho a écopé d'un carton jaune ! Ramos, vers la fin de la rencontre, a commis sur le prodige argentin un véritable attentat. Par ailleurs, alors que son équipe était menée au score, Mourinho fit entrer en jeu un récupérateur, Lassana Diara et un défenseur, Albiol! Peut-être pour éviter une déroute plus large. En tout cas, cette victoire du Barça, c'est la consécration du football collectif où l'intelligence peut s'exprimer de façon harmonieuse. C'est le triomphe d'un patient travail de formation sur la politique effrénée des stars. Maintenant, il y a lieu de s'interroger sur les retombées de ce cuisant revers sur l'avenir du Réal Madrid.

 Déjà, dans les milieux autorisés, on parle d'un recrutement massif lors du tout prochain mercato. Décidément, du côté de la Maison Blanche, on ne semble pas retenir les leçons.