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ERRANCES DOULOUREUSES !

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

Le vagabond de Sétif Roman de Rachid Ezziane. Les Presses du Chélif, Chlef 2025, 129 pages, 650 dinars



Sétif, carrefour et rond-point du Centre-est du pays . Sétif connue aussi pour sa fameuse statue de Aïn El- Fouara, protectrice de sa fontaine « miraculeuse » et objet de fantasmes ...les uns – beaucoup- chargés d'amour et de respect et quelques autres , hélas, chargés de haine. La statue d'Aïn El Fouara, joyau patrimonial de Sétif, incarne depuis plus d'un siècle une beauté à la fois fière et insoumise. Sa présence fragile et puissante dérange autant qu'elle fascine. Souvent vandalisée, cette figure féminine est devenue le symbole d'une lutte profonde autour de la mémoire, de l'identité et de la place du féminin dans une société en pleine mutation.

Sétif, c'est , aussi, pour l'auteur , le réceptacle d'une belle histoire d'amour.

Imad, jeune étudiant algérois, abandonne tout : famille et études universitaires...pour se réfugier à Sétif et ce, afin de tenter de retrouver Yasmina, connue sur les bancs de l'Université et qui n'a plus donné de ses nouvelles.

Sans repères précis, dans une ville heureusement accueillante, il cherche sa dulcinée. Une tâche difficile dans une ville aussi grande et aussi peuplée. Peu à peu, sans ressources régulières, tout habité par sa recherche , mais sans toit et sans emploi , il rejoint la communauté des miséreux , dormant à la belle étoile (sic !)et se nourrissant des restes trouvés dans les poubelles des restaurants de la ville...et , quelquefois, pas toujours, de la pitié des nantis . Ici, il se lie d'amitié avec un autre miséreux, Tchipo qui devient son ange gardien.

Il y a , aussi, la statue de Ain-El Fouara en qui il a placé toutes ses espérances pour qu'elle l'aide , avec ses conseils et ses regards, à retrouver Yasmina. Deux mondes qui se côtoient et quelquefois s'interpénètrent, créant une vie faite d'un mélange de rêves et d' espérances, de réalité et de surnaturel. Yasmina sera bel et bien retrouvée...Où ? Comment ? Une belle (mais douloureuse) histoire d'amour... !

L'Auteur : Né le 14 avril 1955 à Zeddine, dans la wilaya de Ain-Defla. Ancien professeur de philosophie,cadre d'entreprise, auteur de plusieurs ouvrages (dont « De la Kabylie à la Nouvelle Calédonie :le roman de nos frères déportés » et « de nos sœurs égorgées » (qui raconte le martyre des institutrices de Sfisef assassinées par les terroristes islamistes le 27 septembre 1977) et chroniqueur de presse.

Extrait : « Dans les hammams , la nuit, quand ils se transforment en lieu de « dormance » , une autre humanité s'exhibe à elle-même, sans vergogne ni pudeur.Les corps se relâchent.Se dénudent.Les regards flirtent , se croisent, disent les frustrations refoulées depuis des lustres.On chante.On parle à haute voix.On chuchote .On se rase.On se rebiffe dans un coin pour pleurer sa solitude.On fume un joint baudelairien. On rêve éveillé.On essuie la boule de tabac à chiquer sous le matelas.On s'allonge sur le lit en pensant au lendemain. On attend le jour pour entrer dans l'autre humanité » (p 11),

Avis - Un roman...un conte...émouvant, le sujet tournant autour d'une belle histoire d'amour ...inaccompli et de (deux) vies miséreuses dans une ville fleurant bon l'aisance et la sérénité . Un texte , plus qu'un simple récit, qui nous plonge dans un Sétif à la fois réel et mystérieux, où s'entremêlent l'errance, la quête amoureuse et l'histoire

Citations : « Le destin donne et prend.Des fois, il prend plus qu'il n'en donne.Parfois, nous agissons en contre-sens du sort et le destin se cabre et dévie de son chemin. Et, il n'y a pas de plus douloureux qu'un destin à qui on a forcé la main » (p 30), « L'homme s'habitue à tout. Il est l'être de l'apprivoisement.L'homme dompte et de se fait dompter.L'homme est unique et il est toutes les autres créatures à la fois. L'homme est une énigme » (p 32) « Qui ne risque rien ne vivra que le temps d'un frisson.Mais celui qui se porte à bras le corps, quoiqu'il advienne, effleurera le ciel par le rêve et la convoitise » (p 56), « Quand le bonheur s'affiche en grande pompe, il s'affiche en géométrie variable. Il dompte le destin et t'apporte ton dû sur un plateau d'argent sans même bouger de ta place » (p 72), « Ceux qui doutent ne vivent pas longtemps.La longue vie est à ceux qui vivent dans la certitude.La certitude rassure. L'assurance est mère de toutes les convictions » (p 77), « Dans la vie tout est simple et tout est si compliqué.Il n'y a pas de plus près à l'homme que la mort et de plus loin que demain. Mais, tous les hommes croient au contraire de l'équation.Et, tous croient à leur éternité « (p108)



De nos sœurs égorgées - Roman de Rachid Ezziane. Editions Les presses du Chélif, Chlef 2022.153 pages, 800 dinars (Fiche de lecture déjà publiée en avril 2O22. Extraits pour rappel . Fiche complète in www.almanach-dz.com/defense/bibliotheque d'almanach)



Ils étaient 12 . Tous enseignants. Tous issus de familles modestes et/pauvres. Tous habitaient à Sfisef, un « village néant », un « sosie à l'insignifiance » . Tous devaient se rendre chaque jour de l'année scolaire 1997 , en minibus (un vieux fourgon) ou en taxi « clandestin », en aller-retour à des heures fixes, à quinze kilomètres de leur établissement scolaire situé à Ain Adden . Parmi les douze, il y avait onze femmes : Zahia (mère de deux enfants) , Hassina (affectation nouvelle avec le rêve d'aller à Alger pour devenir journaliste) , Faïza (fille unique projetant d'aller en Belgique rejoindre son oncle ), Alia (fan de poésie), Nacera (qui travaille pour toute la famille, le père ayant été assassiné par les terroristes), Karima (la toute belle, habitant un appartement « plus vétuste que des habits en haillons », voulant être historienne ), Assia (d'une famille aisée), Fadhila (unique fille) , Rabha (au corps chétif, grand fan des équipes nationales de foot et de hand... surveille constamment par un frère qui faisait de tout une affaire d'honneur), Samia (orpheline de père , institutrice stagiaire), Aicha (qui venait de se marier et attendait un enfant). Toutes heureuses de se retrouver et de retrouver leurs classes et leurs élèves. Mais , le visage crispé et la peur au ventre. Car ...

Au maquis terroriste, il y avait une « fatwa » interdisant aux femmes d'enseigner ou d'aller à l'école. Émise par un « fou de Dieu » au surnom sanguinaire : « Dhib El-Djiâane » , le loup affamé, déjà coupable , par égorgement, de mille et meurtres , toujours d'innocents (femmes, vieillards, bergers, automobilistes, enfants ...).

Après une journée d'enseignement bien remplie, c'est le retour au domicile , toujours dans le même fourgon , suivi par un taxi avec quatre passagères .

Sur le chemin de retour, elles seront toutes (ainsi qu'un instituteur) égorgées par la horde sauvage. Onze « vierges » dont deux étaient mariées), ayant refusé le « diktat » de l'intolérance ont préféré se sacrifier plutôt que de vivre enchaînées, « car nul ne peut prétendre avoir vécu s'il n'a pas vécu à la délectation de la liberté»

Plusieurs années après, Sfisef a quelque peu pansé ses blessures... à un prix très, très fort. Puis vint Bouteflika qui, sous l'effet de discours «magiques», a imposé la «Concorde» et la «Réconciliation», comme si la «Rahma» ne suffisait pas...», avec un peuple devenue masse qui suivit les «enjeux» sans rien comprendre» .On en a oublié les victimes...» «Dhib El-Djiâane» le loup affamé, abandonné, traqué, solitaire, affamé, saisissant l'offre» ne tarda pas à se rendre... et, il continue à purger sa peine d'emprisonnement à perpétuité en compagnie de ses cauchemars et de sa folie

L'Auteur : Voir plus haut

Extraits : (...). « Cette réconciliation avait surtout profité plus aux assaillants qu'à leurs victimes. « Cette paix à sens unique » avait fait naître chez tous ceux qui ont été écorchés dans leur chair comme une deuxième mort des leurs » (p115)

Avis - Emouvant.Se lit d'un trait...surtout pour arriver au châtiment du meurtrier

Citations : (...), « Dans « l'offensive », il reste en arrière ; dans la fuite, il prend la tête de la course. Telles est la meilleure tactique des lâches, sans foi ni loi » (p 87), « Il n'y a pas de lucidité sans liberté, et de liberté sans courage « (pp 115-116)