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Stratégies néo-coloniales et unité algérienne: La permanence d'une résistance

par Salah Lakoues

Diviser pour régner, un vieux réflexe impérial. Depuis des siècles, les puissances coloniales ont perfectionné une méthode simple mais redoutable : diviser pour régner. Fragmenter les sociétés, exacerber des identités locales, manipuler les représentations politiques ou ethniques pour mieux affaiblir un État et s'approprier ses ressources.

L'Algérie, dont l'unité s'est forgée dans le feu d'une guerre de libération sans équivalent, reste l'un des rares pays à avoir systématiquement déjoué ces stratégies. Et pourtant, les tentatives n'ont jamais cessé - hier comme aujourd'hui.

La continuité historique des stratégies de fragmentation

Les politiques de division, héritage direct du colonialisme, perdurent sous des formes plus subtiles dans l'ère post-indépendance.

Les puissances occidentales, cherchant à préserver leur influence géopolitique et économique, notamment sur les pays riches en ressources naturelles, ciblent en priorité les nations disposant de pétrole, de gaz ou de richesses minières. L'objectif : recomposer des territoires affaiblis pour mieux contrôler les flux énergétiques.

Dans ce contexte, l'Algérie n'a jamais cessé d'être un enjeu stratégique majeur.

Bureaux arabes : les premiers laboratoires de la division

Durant la colonisation française, les bureaux arabes ont été l'outil privilégié de l'administration coloniale pour entretenir rivalités tribales, régionales et socio-économiques.

Leur mission était claire : empêcher l'émergence d'une conscience nationale unifiée.

Cette stratégie, pourtant méthodique, n'a pas empêché l'apparition d'un sentiment national puissant qui culminera en 1954.

De Gaulle et la tentation de la partition

Pendant la guerre d'indépendance, le général de Gaulle a testé plusieurs scénarios visant à découper l'Algérie, y compris des projets de partition autour d'enclaves stratégiques :

Maintien d'un « État pied-noir » au nord, Sanctuarisation du Sahara pour ses richesses pétrolières, Fragmentation régionale basée sur des identités instrumentalisées.

Quatre années durant, il s'est épuisé à élaborer des stratégies de division.

Mais la cohésion du peuple algérien - dans les maquis, dans les villes, dans la diaspora - a rendu ces plans inapplicables.

L'échec français fut total.

L'unité nationale : Une constante historique

L'Algérie n'a jamais plié face aux projets de division.

L'un des moments les plus éclatants de cette vérité fut inscrit dans l'histoire le 11 décembre 1960.Ce jour-là, alors que la France coloniale tentait de préparer la partition du pays, des millions d'Algériens sont descendus dans les rues d'Aïn Témouchent, d'Alger, Oran, Constantine et de dizaines d'autres villes.

Des foules immenses, disciplinées et puissantes ont porté un message unanime et clair :« L'Algérie est une, l'Algérie est indivisible, l'Algérie sera indépendante. »Cette manifestation fut un défi direct à l'armée coloniale, aux blindés, aux couvre-feux et aux balles. Elle a rendu impossible le projet français de diviser l'Algérie en zones « européennes » et « musulmanes ».

Le 11 décembre 1960 fut un référendum populaire avant l'heure, une proclamation collective affirmant que l'unité nationale ne se négocierait pas. Depuis ce jour, aucune tentative de partition, qu'elle soit interne ou externe, n'a réussi à s'imposer. L'Algérie est restée un bloc uni. Et elle le restera.

La diaspora algérienne : une force et non un levier de manipulation

Contrairement à d'autres expériences internationales où la diaspora est instrumentalisée pour affaiblir l'État d'origine, les tentatives de manipulation de la diaspora algérienne ont toujours échoué.

Déjà durant la guerre d'Algérie, les travailleurs algériens en France constituaient un bras logistique, financier et politique essentiel du FLN, au point de devenir une branche stratégique du combat pour l'indépendance.

Aujourd'hui encore, les tentatives modernes de fragmentation via des réseaux extérieurs ou des cercles identitaires instrumentalisés restent sans effet durable.

L'unité historique, mémorielle et politique de cette diaspora en fait un rempart et non une brèche.

Le cas du Soudan : quand la division devient chaos

Le Soudan offre un exemple frappant de fragmentation encouragée de l'extérieur.

En 2011, l'argument religieux a servi de justification à une partition présentée comme solution politique.

Résultat : un Sud-Soudan plongé dans une guerre civile permanente, devenu un terrain d'ingérences étrangères et d'exploitation incontrôlée des ressources.

La balkanisation, qui devait stabiliser, n'a fait que détruire.

La Libye : une fragmentation orchestrée

L'intervention de 2011 a ouvert la voie à un éclatement de l'État libyen en deux entités rivales :

Un gouvernement reconnu à Tripoli,

Un pouvoir militaire dominant l'Est et la majorité du territoire. Les fractures anciennes – identitaires, tribales, régionales – ont été réactivées, encouragées et instrumentalisées.

Aujourd'hui encore, la Libye reste un espace vulnérable, menacé de pourrissement « à la somalienne », où les intérêts énergétiques jouent un rôle déterminant.

L'Irak : la stratégie de la division appliquée au pétrole

Après 2003, l'Irak est devenu l'un des laboratoires les plus flagrants du néo-colonialisme contemporain. Fragmentation communautaire, effondrement institutionnel, divisions confessionnelles exacerbées...

Tout y a été mis en œuvre pour neutraliser un pays disposant de l'une des plus grandes réserves de pétrole au monde.

L'objectif était transparent :

Un État affaibli ne peut contrôler ses ressources ni peser géopolitiquement.

L'Algérie face aux nouvelles formes de déstabilisation

À la lumière de ces précédents, les tentatives contemporaines visant à instrumentaliser la question kabyle ou à mobiliser des réseaux en diaspora ne relèvent ni de l'innocence ni de la liberté d'expression.

Elles s'inscrivent dans une ligne directe de stratégies de division, visant à tester les lignes rouges algériennes.

Mais l'histoire récente et ancienne le montre :

L'Algérie oppose une résistance unique sur le continent, faite de :

Cohésion populaire,

Mémoire partagée,

Institutions forgées dans la lutte,

Vigilance stratégique constante.

La leçon algérienne

L'Algérie demeure l'un des rares pays à avoir systématiquement déjoué les opérations de fragmentation qui ont détruit tant d'autres États.

Sa cohésion nationale, son histoire révolutionnaire et sa vigilance diplomatique en font un cas d'école : un pays que l'on ne divise pas, un pays que l'on ne soumet pas.

« Ceux qui tentent encore de fracturer l'Algérie finiront, comme leurs prédécesseurs, brisés par l'unité d'un peuple que nul empire n'a jamais réussi à soumettre. »