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L'Algérie, un peuple indivisible

par Mustapha Aggoun

Il faut atteindre un degré presque spectaculaire de falsification morale pour agiter la résolution 1514 de l'ONU comme une arme, dans l'espoir insensé de diviser un peuple souverain, stable, uni, multiethnique, qui a façonné sa liberté non pas dans des bureaux feutrés, mais dans les montagnes, les maquis, les rues, les prisons, et sur les cadavres de ses fils et de ses filles.

Ceux qui osent aujourd'hui convoquer ce texte anticolonial pour en faire un instrument de morcellement savent pertinemment qu'ils commettent une fraude historique et pourtant ils insistent parce que la manipulation n'a jamais eu besoin de cohérence, seulement d'écho. Depuis la France, parfois avec une complaisance qui frôle l'obsession, certains cercles politiques, certaines officines idéologiques, certains lobbies hostiles trouvent encore et toujours utile de tenter de raviver des lignes de fractures imaginaires, et parce que les choses ne se font jamais seules, on retrouve derrière eux les soutiens les plus bruyants du sionisme politique, qui n'hésite jamais à encourager le chaos chez les autres pour préserver ses propres intérêts.

C'est un vieux schéma, une vieille recette : affaiblir un pays en attisant la discorde et en utilisant ses propres enfants comme leviers de destruction, pour cela on recrute des supplétifs, des voix achetées, souvent en exil, parfois en perte de repères ou poursuivis par la justice, toujours sans scrupules, on leur offre une visibilité, un strapontin médiatique, un faux statut de « représentants » d'un peuple qu'ils ne côtoient plus, qu'ils ne comprennent plus, et qu'ils ont cessé d'aimer pour mieux servir d'autres maîtres, on leur dicte les mots, on leur souffle les discours, on les érige en symboles alors qu'ils ne sont que des ombres, mais le stratagème est déjà usé.

Il ressemble à ces vieilles pièces de théâtre qui, malgré le changement de décor, conservent toujours la même intrigue : un pouvoir étranger manipule une poignée de « volontaires », les décore de termes nobles militant, activiste, défenseur des droits et les envoie fracturer la cohésion d'un peuple qui n'a aucune intention de se laisser diviser, ce qui rend ce spectacle encore plus grotesque, c'est qu'il repose sur la résolution 1514, un texte adopté en 1960 alors que la majorité des pays africains étaient déjà debout, déjà en lutte, parfois déjà libres, l'Afrique n'a pas attendu l'ONU, l'Afrique a souffert, s'est soulevée, s'est rebellée, a affronté des empires entiers, ce n'est pas l'ONU qui a libéré l'Afrique, c'est l'Afrique qui a imposé au monde de reconnaître son combat, et parmi tous ces peuples insurgés, l'Algérie tient une place à part parce que son histoire est une suite presque ininterrompue d'insurrections, de résistances, de soulèvements depuis le XIXI” siècle, parce qu'elle a combattu la colonisation la plus longue, la plus brutale, la plus systémique qui ait frappé le Maghreb, parce que la France coloniale a tout essayé : la division, le fer, le feu, la torture, l'assimilation forcée, les codifications racistes, les déplacements de populations, les famines provoquées, les génocides locaux, cent trente-deux ans d'efforts pour briser un peuple, et pourtant ce peuple est resté un bloc, un seul bloc.

C'est cela que ceux qui manipulent aujourd'hui depuis Paris préfèrent oublier, la France coloniale, armée, organisée, puissante, industrielle, soutenue par des alliés, dirigée par un appareil politique déterminé, n'a jamais réussi à vaincre l'unité de ce peuple, pas une seule fois, pas même lorsque la machine coloniale tournait à plein régime, pas même lorsque tout semblait perdu, pas même lorsque des villages entiers disparaissaient sous les flammes ou l'exil, pas même devant le supplice, devant la destruction, devant le fer, alors on peut rire ou pleurer de voir aujourd'hui quelques supplétifs, quelques mercenaires idéologiques, quelques néo-harkis de la parole, espérer réussir ce qu'un empire entier n'a jamais pu accomplir, avec quoi comptent-ils vaincre ? Avec des tweets ? Avec des plateaux télé en France ? Avec des financements douteux ? Avec le soutien de ceux qui rêvent d'un Maghreb faible et fragmenté ? Avec les sionistes ?

L'Histoire les regarde, elle rit d'eux, car l'Algérie n'est pas un simple territoire, c'est une mémoire vivante, c'est un million et demi de martyrs, c'est des générations entières qui ont refusé de plier, c'est des visages, des noms, des villages, des chants, des drapeaux, des pleurs, des victoires, c'est une terre où chaque pierre porte la trace d'un combat, où chaque famille a son martyr, où chaque région a versé son sang, et ce peuple, que l'on dit parfois dispersé, multiple, bigarré, n'a jamais connu l'éclatement, il a connu les blessures, les épreuves, les larmes, mais pas la division, pas la compromission, pas l'implosion qu'espèrent tant ceux qui bricolent leurs stratégies depuis l'étranger, parce que l'Algérie, dans les moments dangereux, ne se divise pas, elle se rassemble, parce que l'Algérie, face à la discorde, ne vacille pas, elle se redresse, parce que l'Algérie, confrontée à la subversion, ne cède pas, elle s'unit, et face aux néo-harkis modernes, qu'ils soient idéologiques, médiatiques ou politiques, l'Algérie ne tremble jamais.

Cette terre a survécu à l'empire français, elle survivra à des vidéos YouTube, elle a vaincu l'oppression armée, elle vaincra les manipulations numériques, elle a résisté à l'assimilation forcée, elle résistera aux discours téléguidés, elle est sortie debout des pires catastrophes, elle restera debout face à des ambitions dérisoires, l'Algérie de l'Histoire, l'Algérie de la Révolution, l'Algérie des martyrs ne connaîtra jamais la fragmentation, elle ne connaîtra que l'unité, une unité qui se renforce d'autant plus lorsque d'autres tentent de la détruire, et ceux qui croient pouvoir fissurer ce bloc avec quelques slogans mal traduits, quelques résolutions mal comprises, quelques alliances mal avouées, découvrent trop tard cette vérité simple : on ne divise pas un peuple qui s'est libéré ensemble, on ne manipule pas une nation qui s'est construite dans le sacrifice, on ne déchire pas une terre trempée dans le sang de ses enfants, voilà pourquoi l'Algérie restera une, une hier, une aujourd'hui, une demain.

Ceux qui rêvent du contraire finiront, comme tous leurs prédécesseurs, dans le grand cimetière des illusions perdues, il suffit de parcourir l'Algérie, vraiment la parcourir, pour comprendre que ce pays n'a jamais été une addition froide de régions ni un patchwork forcé de peuples séparés, des montagnes de Kabylie aux confins du Hoggar, des plaines de l'Ouest aux oasis du Grand Sud, chaque ville, chaque village, chaque ruelle même, porte en elle cette mosaïque vivante, une diversité ancienne, organique, qui n'a jamais empêché les Algériens de se reconnaître, de se tendre la main, de se marier, de s'entraider, de tisser naturellement une trame sociale où la distinction n'a jamais eu sa place, ici on partage le pain, l'eau, les saisons et les épreuves bien avant de partager un drapeau, ce qui nous lie vient de loin, très loin, et personne n'a jamais réussi à y mettre la moindre fissure durable, alors quand surgit aujourd'hui cette idée absurde, folle, idiote, dangereuse, née dans des esprits qui rêvent de divisions et de frontières imaginaires.

Il devient nécessaire de parler clairement, car tout Algérien digne de ce nom, attaché à l'honneur de ses ancêtres et au destin du pays pour lequel des hommes et des femmes sont morts, résistera à cette tentative de déchirer ce qui nous unit, cette idée n'est pas seulement une attaque contre l'Algérie, c'est une insulte à la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour la souveraineté, pour la dignité, pour que jamais plus une puissance étrangère ne dicte qui nous sommes et comment nous devons vivre ensemble, et comme si l'histoire n'avait pas déjà laissé assez de cicatrices, voilà que certains, aujourd'hui, rejouent les vieux rôles d'autrefois, des rôles de soumission, d'allégeance, d'abandon de soi, ces «néo-harkis» modernes, que rien ne retient de l'erreur et qui s'affichent en France avec une fidélité presque servile, lancent des appels aux anciens harkis comme s'ils cherchaient à ressusciter la page la plus tragique et la plus douloureuse de notre histoire.

Une posture d'esclave devant des maîtres qui, jadis déjà, leur avaient offert l'exil en échange d'une loyauté qui n'était pas la leur mais celle des puissances qui rêvaient d'une Algérie à genoux, mais ce qu'ils ignorent ou feignent d'ignorer, c'est que le pays qu'ils tentent d'humilier est plus solide que leurs illusions, ils oublient que l'Algérie est faite de liens profonds, d'un tissu humain dense et indéchirable, construit par des siècles de coexistence et par la lutte commune contre l'occupation, ils oublient que rien, absolument rien, ne peut diviser un peuple dont la terre entière porte les traces du même combat, et ils oublient surtout que chaque fois qu'une telle idée apparaît, chaque fois que quelqu'un tente de fragmenter l'unité, les Algériens se relèvent comme un seul corps, car ce peuple n'a jamais été un simple peuple, il est une mémoire, une fidélité, un héritage, et face à cette folie importée, face à cette tentative de raviver les logiques coloniales, unis, debout et fiers, nous serons toujours là pour dévoiler, dénoncer et faire échec à cette entreprise bâtie sur la haine et la rancœur, l'Algérie n'appartient pas à ceux qui veulent la diviser, elle appartient à ceux qui l'aiment, la défendent, la portent et refusent que l'on rejoue sur son dos le théâtre tragique d'hier.