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Développement local: Renforcer l'attractivité économique des communes, le challenge de Saïd Sayoud !
par Cherif Ali* Des
responsables locaux coupables de mauvaise gestion et de tricherie ont été
limogés par le passé « Ces comportements n'ont pas leur place dans l'Algérie
nouvelle », avait mis en garde Abdelmadjid Tebboune.
Sur les 1541 communes que compte le pays, 950 sont pauvres et sans ressources financières leur permettant de répondre aux besoins de leurs citoyens. L'État, à l'évidence, n'est plus en mesure de supporter, à lui seul, les charges de ces collectivités locales, comme cela a été le cas jusqu'à présent ! Les pouvoirs publics n'ont pourtant pas économisé leurs efforts pour renforcer les financements propres des communes, en peine perdue, sommes-nous tentés de le dire, dès lors que ces dernières restent excessivement dépendantes du budget de l'État. Plus de la moitié d'entre elles, soit 62%, sont déficitaires, alors que les communes les plus riches ne représentent que 7% de l'ensemble des APC. Quant au reste, elles « vivotent » comme elles peuvent, et le service public s'en ressent bien sûr ! Les communes vont souffrir à cause de la baisse du taux de la taxe sur l'activité professionnelle (TAP) ce qui va impacter gravement leur trésorerie, même si, croit-on savoir, cette taxe sera compensée par une subvention à partir des recettes pétrolières. En valeur absolue, c'est une perte de près de 80 milliards de dinars pour l'ensemble des communes ! Pour la précision, rappelons que 58% des recettes communales proviennent de la TAP, 35% de la TVA et que les autres impôts ne représentent que 4% de la fiscalité locale. Du côté du ministère de l'Intérieur, on a toujours parlé de nouvelles mesures visant à faciliter le recouvrement des impôts, comme la taxe foncière, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. On a évoqué même la possibilité d'engager des huissiers de justice ou de mettre en place des équipes spécialisées pour assurer ces recouvrements qui sont dus aux impôts. On a entamé aussi des négociations avec le ministère des Finances pour voir dans quelle mesure on peut donner de nouvelles prérogatives en la matière aux élus, ou comment faire pour que des cimenteries et autres carrières d'agrégats implantées, par exemple, à Meftah ou à Tissemsilt puissent profiter aux communes où elles sont implantées. Des vœux pieux, peut-être pas connaissant Said Sayoud, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales et des Transports Il semble décidé de secouer le cocotier, maintenant que «le programme rattrapage dans les zones d'ombre» avec une enveloppe de plus de 341 milliards de dinars, a permis de réaliser «plus de 29.000 projets, soit l'équivalent de 98,7%». Rappelons au passage, que «les efforts consentis ont touché près de 6,2 millions d'habitants, avec notamment le raccordement de plus de 580.000 habitations au réseau d'eau potable et de plus de 100.000 habitations au réseau électrique, outre la réhabilitation et la rénovation de 9.000 km de routes et l'ouverture de 5.000 km de pistes dans ces régions ». Rappelons que le Premier ministre d'alors, avait insisté lourdement lors de la dernière rencontre gouvernement-walis sur cet aspect; il avait parlé de la nécessité de l'établissement de «contrats de performance entre les maires et les walis ». Les uns et les autres sont, en principe, tenus de rendre compte, non seulement des taux de consommation des crédits, mais aussi et surtout de la valeur ajoutée en matière d'investissement, de postes créés en matière d'emploi, de ressources propres valorisées et de nombre de problèmes réglés. Un sacré défi pour des responsables locaux habitués aux ordres du pouvoir central et, surtout, à dépenser sans compter ! Le temps n'est-il pas venu pour les maires de faire face, seuls, à toutes les dépenses budgétaires ? Ne doivent-ils réfléchir et trouver comment innover et gérer leur budget ? Loin des subventions d'équilibre octroyées jusque-là très généreusement par les pouvoirs publics ! Il faudrait pour cela, crise oblige, rogner sur les budgets, reporter des projets non prioritaires et surtout chercher de l'argent pour investir et créer de l'emploi localement. Des APC disposent, pour certaines, de ressources patrimoniales très importantes, mais peu d'entre elles font l'effort de les récupérer ou de les valoriser : un chiffre pour illustrer ce propos : le rendement des biens immobiliers des communes ne dépasse pas les 7% des ressources locales ! Mais sinon à quoi faudrait-il s'attendre des réformes à venir ? On croit savoir que cela touchera essentiellement, voire exclusivement, le domaine économique. Peu d'informations ont circulé, par exemple, à propos des codes de la commune et de la wilaya. Il en est de même des finances et de la fiscalité des communes, le nerf de la guerre ! L'on a évoqué l'importance à accorder au rôle économique des communes à l'effet de permettre l'émergence d'une « véritable » économie locale qui constitue un « des fondements du développement et de la croissance économique de notre pays ». Les élus auront dans ce sens une large manœuvre pour participer au développement local à travers notamment « la création des zones d'activité et le lancement de projets créateurs d'emplois et de richesse. » Sur le plan législatif, les maires n'auront plus à se plaindre de blocages administratifs Il leur appartiendra d'innover en la matière pour améliorer les conditions de vie des citoyens de leur localité, mais certainement sous l'œil de l'administration, qui veillera sur le respect des procédures réglementaires. La libération des initiatives est évidente si on parle de la révision des textes régissant les collectivités locales, mais la décentralisation absolue du pouvoir de décision attendra encore. Un élargissement des prérogatives des présidents d'APC, de sorte que la commune devienne le centre de décision au niveau local, et une dépénalisation « effective »de l'acte de gestion constituent par ailleurs les deux conditions essentielles pour relancer l'investissement, la croissance et le développement sur le plan local et national. En théorie, une libération de l'initiative locale contribuerait à l'amélioration du vécu des populations locales, mais il y a des conditions à remplir par les élus locaux, eux-mêmes, dont la compétence et l'intégrité notamment. Deux critères qui n'ont pas toujours été remplis lors des précédentes mandatures ; il n'y a qu'à voir le nombre d'élus poursuivis devant les tribunaux ou condamnés à des peines privatives de liberté pour s'en rendre compte. Toutefois, il faut rappeler cette vérité : les communes ne disposent pas, contrairement à ce qu'on pense, du pouvoir fiscal. Elles sont tributaires de la redistribution de la fiscalité ordinaire par le biais du Fonds commun des collectivités locales, qui s'est transformé entre-temps en Caisse de garantie des collectivités locales, tout en gardant ses vieilles habitudes et sa frilosité légendaire. Il y a aussi ces inadéquations entre cette redistribution et les missions attribuées aux communes, dont la plupart trouvent d'énormes difficultés pour financer des projets et surtout à prendre en charge l'entretien des établissements scolaires et autres centres de santé. De ce qui précède, que compte faire Saïd Sayoud pour dynamiser l'économie locale ? 1. Il a appelé à une révolution économique à travers l'implication de la société civile, le soutien à l'investissement et l'exploitation des potentialités locales. 2. Il a insisté sur le fait que le développement ne se limite pas aux projets matériels, mais doit aussi inclure la justice sociale et une approche participative, impliquant les élus locaux et les citoyens. 3. Il a également mis en avant des projets stratégiques et des programmes comme « Adil » pour renforcer les capacités locales et créer des emplois durables. 4. Il encourage les autorités locales à faciliter l'investissement privé, à simplifier les procédures et à créer un climat favorable pour les investisseurs. 5. Il a identifié des régions comme In Guezzam, en raison de sa position stratégique, comme un potentiel axe économique et commercial africain, grâce à ses atouts économiques, agricoles et touristiques. 6. Il a rappelé que la priorité des projets doit être la pérennité et la création d'emplois stables. Mais sinon est-il possible de gérer les communes comme des entreprises ? Selon les experts, il faut arrêter de croire que les communes, en Algérie, ont des vertus « créatrices de valeurs » tout comme les entreprises, dès lors que ce ne sont pas les mêmes règles commerciales, comptables et juridiques qui les régissent ! Elles ne disposent également ni de l'expertise ni du professionnalisme des entreprises et de leurs gestionnaires. Et donc la vision prospective d'un maire gérant sa commune comme une entreprise économique apparaît comme utopique au regard des difficultés listées supra. À moins que les urnes à venir, ne nous surprennent avec l'émergence d'une génération de maires« entrepreneurs » qui viendraient booster l'économie locale à travers la création de richesses et d'emplois, si rares en ces temps de crise ! Et avec cette condition sine qua non : un élargissement des prérogatives des présidents d'APC, de sorte que la commune devienne le centre de décision économique au niveau local, et une dépénalisation « effective »de l'acte de gestion qui constituent les pré requis pour relancer l'investissement, la croissance et le développement sur le plan local et national. *Ancien Cadre supérieur de l'Etat |
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