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Ce que disent les morts - Roman de Jugurtha Abbou Editions Dalimen, Alger 2025, 229 pages, 1400 dinars C'était le temps de la pandémie du Covid. Des morts par centaines à travers le monde et par dizaines en Algérie. En plus du confinement, on s'est retrouvé obligé d'enterrer les morts à la va-vite, souvent sans la présence des parents, des proches et des amis (lorsqu'ils étaient eux-mêmes encore en vie !). On s'est retrouvé aussi face à une pénurie de places dans bien des cimetières. Se basant sur cette réalité ( ?), l'auteur a profité du large (sic !) public (sept décédés -appartenant à des familles différentes - enterrés dans une même tombe... une fosse commune), pour déclencher un véritable débat sur la vie de chacun d'entre-eux, ses problèmes, ses espoirs, ses relations avec les autres, mais aussi sur la société en général. Le grand déballage, quoi ! En toute liberté, bien sûr. Donc, sept spectres et sept histoires : un ancien maquisard de l'Aln, ancien condamné à mort, racontant sa frustration d'une indépendance confisquée ; une jeune fille, enfant d'un père corrompu et violent (qui ne lui a pas pardonné d'avoir posé tête nue sur une photo prise lors de la célébration de l'indépendance du pays); une autre femme, fille de maquisard, révoltée par l'idéologie rétrograde de l'école fondamentale; un jeune homme passé d'une vie insoumise au maquis islamiste; une autre femme ayant souffert de l'intégrisme ; un personnage atteint par la vanité de la luxure dans l'opulence générée par un père enrichi illicitement et un jeune psychologue en proie aux craintes et désillusions mais cultivant l'espoir de lendemains meilleurs... Tout cela écouté par Rezki, un petit commerçant amateur d'alcool, se réfugiant dans le calme du cimetière, loin du tumulte des vivants de son village, avec l'accord du maître des lieux, le fossoyeur... un solitaire... dépravé clandestin. En définitive, les morts de nos cimetières racontent la vie beaucoup mieux que les vivants eux-mêmes. Il est vrai qu'ils n'ont plus rien à craindre... de ceux qui ne savent pas leur «dernière heure». L'Auteur : Né en 1984. Spécialiste en psychologie sociale. Il a été membre du Conseil national puis Secrétaire national à la communication du Ffs. Déjà plusieurs ouvrages dont un de poésie (2019), deux romans et plusieurs contributions journalistiques. Il anime aussi un club de lecture pour enfants. Extraits : «Pourquoi, bon sang, les humains, même sous terre, ne ratent-ils pas l'occasion de donner libre cours aux querelles et aux polémiques» (p 30), «On dit, chez nous que celui qui a beaucoup d'enfants possède la force et celui qui a beaucoup d'argent détient le pouvoir» (p 51), «Il est de ces amours non prononcés que les gestes d'attention ne trompent pas «(p 59), «Tout était interdit à la fois. Il était permis d'être islamiste, mais il n'était pas toléré de décréter le régime impie. On pouvait être communiste, mais on ne devait pas dénoncer les politiques libérales de ce pouvoir. En somme, soyez ce qu'ils veulent faire» (p 75), «Nous n'avons pas de pays de rechange tout de même... Si, si, nous l'aimons. Même ceux qui l'ont ruiné l'aiment. Eux l'aiment comme un gâteau à se partager, et nous, comme une fleur à voir pousser» (p 83), «Ce n'est pas le pays que nous détestons. Ce sont le pilleurs, les usurpateurs, les charognards qui l'ont jeté dans le chaos; ceux-là nous les maudissons» (p 146), «Notre génération ne s'est pas figée dans une posture victimaire. Nous avons pu nous départir de la mainmise tutélaire. On pouvait facilement vivre sans nos parents, mais jamais sans nos smartphones» (p 157). Avis - Une tombe (ou fosse) collective (durant la pandémie du Covid), voilà un biais assez original pour raconter -en toute liberté- la vie. Attention, pas mal de coquilles, ce qui rend la lecture malaisée ! L'impression numérique a pas mal de jours devant elle avant d'atteindre le (presque) parfait. De plus, une mise en page «expédiée». Et, indication de l'imprimerie absente. Citations : «La guerre, c'est l'ennemi qui te tue et le supérieur qui t'insulte, c'est l'adversaire qui veut ton péril et la maman qui t'espère en vie. C'est la merde que tu manges et la gadoue dans laquelle tu patauges» (p 115), «Combien de temps faut-il à l'homme pour reconnaître ses torts ? Certains ne le font qu'au crépuscule de leur vie, d'autres attendent d'être sous terre pour avouer leurs erreurs» (p119), «On raconte qu'un Algérien est parti travailler au Japon. Le lendemain de son arrivée, il a dormi jusqu'à midi. Vous savez quoi ? On l'a enterré vivant, car on l'a pris pour mort» (p 128), «On meurt à tout âge. C'est ce qui rend la mort fascinante et éprouvante à la fois» (p 165), «La mort est une créature invisible que tout le monde voit venir, mais que personne n'aperçoit franchir le seuil de la porte «(p 174), «Qu'est-ce que le malheur, sinon de vivre et de mourir loin de ceux que le cœur a toujours aimés ?» (p 197), «Ce n'est pas la vie qui est mauvaise, c'est plutôt le sens que nous lui donnons qui peut être bon ou mauvais» (p 201) , «La mort, disait Einstein, n'est pas la pire chose de la vie. Le pire, c'est ce qui meurt quand on vit» (p205). La pensée d'Aït Ahmed. Face aux tragédies algériennes - Essai de Jugurtha Abbou. Tafat Editions, Alger 2022, 216 pages, 1000 dinars (Fiche de lecture déjà publiée en février 2023. Extraits pour rappel. Fiche complète inwww.almanach-dz.com/viepolitique/bibliotheque d'almanach) Hocine Aït Ahmed (1926-2015) est, sans doute, l'un des militants actifs de la lutte armée pour la libération du pays qui, par ses positions, a laissé le plus une empreinte intellectuelle dans la vie politique et idéologique du pays. Ses activités sur le terrain, et ce depuis sa prime jeunesse, sont connues et incontestables (et, d'ailleurs incontestées). Un CV long et aux étapes glorieuses... Un résistant infatigable jusqu'à son dernier souffle, tout particulièrement contre tous ceux (dont des anciens frères de combat anticolonialiste) qui, selon lui, n'étaient ni démocrates, ni respectueux des droits de l'homme, ni... ni... (...). Dans ce livre donc, l'auteur nous ramène aux débuts du parcours d'Aït Ahmed dans son village dans la commune d'Aït Yahia en Kabylie, pour expliquer les éléments qui ont forgé sa pensée, passant par sa prise de conscience et les massacres du 8 Mai 1945, puis portant la guerre comme instrument de la politique, jusqu'à être ambassadeur de la révolution. Le Maghreb démocratique des peuples, rendre l'Etat à la nation, à la recherche des solutions politiques, l'Assemblée constituante, les questions de liberté, des droits de l'Homme, de l'identité, de la condition féminine, de l'islam et la laïcité, autant de points abordés dans la pensée d'Aït Ahmed. Aussi, l'essayiste revient sur les positions de Aït Ahmed face au système (...) À travers cette œuvre, Jugurtha Abbou se fixe le but de «représenter de façon succincte la vision de Hocine Aït Ahmed et sa pensée politique, économique et identitaire». L'auteur, dans un souci d'appuyer son texte, a enrichi chaque passage par une, voire plusieurs citations de Hocine Aït Ahmed, puisées de ses livres, ses messages, ses entretiens de presse et de ses discours. Une révélation ( ?) : selon Ait Ahmed, «la raison véritable du coup d'Etat du 19 juin 1965 est que trois jours auparavant, un communiqué commun Fln-Ffs a été publié dans la presse nationale annonçant le début de la sortie du parti unique et la reconnaissance d'un deuxième parti». Des accords «qui allaient déboucher sur la démocratisation du pays». L'Auteur :. Voir plus haut Table des matières : introduction/ 12 chapitres/Conclusion/ Bibliographie Extraits : « Le 1er Novembre a commencé le 8 mai 1945 » (Aït Ahmed cité, p16), (...). «Pour Aït Ahmed, il n'y a pas mille chemins, la situation exige un changement radical, progressif et pacifique. Radical, cela signifie le changement du Système et non des personnes (...). Progressif parce qu'on ne peut pas aller d'une dictature vers une démocratie sur un coup de tête (...). Pacifique parce qu'aucun changement violent ne peut mettre les jalons d'une véritable démocratie (...) » (p187). Avis - Un essai ? Bien plutôt une étude qui présente Hocine Ait Ahmed sous toutes ses coutures... politiques. (...) Citations : « Si la noblesse d'une cause suffisait à en assurer le triomphe, celle de l'Algérie n'eut pas eu besoin de révolution pour triompher » (Aït Ahmed. Étude remise au Cce, de la prison de la Santé, avril 1957. p 43), « Il y a des faiseurs de rêves, il y a des briseurs de rêves, Aït Ahmed a fait partie de la première catégorie tandis que d'autres... » (p 48) , (...). « La politique, c'est aussi le devoir de rendre des comptes » (p 61), « L'islam contient des valeurs civilisationnelles, mais la technique de sacralisation est une technique du pouvoir absolu » (Aït Ahmed. Libération/France, 15 décembre 1989), « Mon pays souffre d'une étrange maladie : l'algériasclérose. Ses symptômes ne trompent pas : mal-être, mal de vivre, tristesse, frustration et soumission, perte des valeurs de solidarité et de courage... » (Aït Ahmed, cité p 108. Jeune Afrique, 1986), « L'Histoire, on la fait d'abord, on l'écrit ensuite » (Ait Ahmed cité p 191. La Nation) |
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