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Adapter la GRH publique à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF): Le grand défi

par Boudina Rachid*

«Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas que les choses sont difficiles» Sénèque

La LOLF, ou loi organique relative aux lois de finances, n'est certainement pas connue du grand public. C'est pourtant un texte de loi d'une considérable importance. Derrière cet insondable sigle, se cache une loi, entrée en vigueur à la faveur de la loi de finances pour 2023. Sa grande particularité et son originalité c'est d'offrir aux gestionnaires une plus grande liberté de gestion et de conforter le pouvoir de contrôle du parlement que d'aucuns estiment qu'il est « victime » d'une asymétrie de l'information vis-à-vis du gouvernement en particulier dans le domaine budgétaire ».

La présente contribution s'attache à proposer ponctuellement les possibles modalités susceptibles de faciliterl'implémentation de la gestion des ressources humaines (GRH) publiqueau sein de l'administration.

1LA LOLF, c'est quoi ?

Pour l'essentiel, la LOLF vise à renforcer les moyens de contrôle de la dépense publique et à accorder une plus grande responsabilité aux gestionnaires de l'administration publique. La formule à la mode est de dire qu'on passe d'une « administration de moyens à une administration de résultats ». C'est principalement à partir du principe et de la technique de la fongibilité des crédits, dispositif très innovant s'il en est, que le gestionnaire public va pouvoir définir le schéma d'emploi de ses crédits dans la limite d'un plafond de crédits déterminés à l'avance,assortis pour la couverture des dépenses du titre I d'une masse salariale fixée en conséquence. En contrepartie de cette indépendance, qui lui permet de choisir l'affectation des ressources qui lui sont octroyées, le gestionnaire a l'obligation de rendre compte des résultats obtenus à partir des indicateurs de performance qui lui sont assignés.

Chaque programme de dépense est placé sous l'autorité d'un responsable. Concernant très précisément les dépenses de personnels, il revient au responsable en titre du programme de planifier la gestion de ses ressources humaines sous plafond des emplois et de la masse salariale qui lui sont notifiés. De fait, on se trouve en présence d'une nouvelle chaîne de responsabilités rigoureusement articulée à l'exécution du budget. Il résulte de ce chaînage que le responsable du programme doit négocier avec les directeurs respectifs des finances et celui des ressources humaines avant même d'exécuter les crédits mis à sa disposition, soit par lui-même, soit en procédant par délégation de gestion au profit d'un autre service de l'Etat, ou d'un organe territorial, qui auront à exécuter les dépenses qui en découlent pour son compte et en son nom (Art. 18 du décret exécutif 20-404 du 29 septembre 2020).

2 les contraintes d'une GRH en fonction publique

Il ne faut surtout pas croire que la GRH en fonction publique est aisée, surtout

lorsqu'on sait que le statut général de carrière est tout entier fondé sur le principe d'égalité, de transparence et de régularité. Plus sûrement encore, il trouve appui de manière emblématique dans le principe du concours qui permet aux citoyens de postuler sur un même pied pour accéder à un emploi public.

Autant dire, qu'il n'est pas question de nier ici qu'il existe une spécificité propre au secteur public, ou plutôt à l'administration publique. C'est pour dire qu'effectivement c'est un vrai défi qui s'impose au manager de la fonction publique lequel doit faire face à un modèle autoritaire qui repose sur une forte subordination aux lois et règlements. Le tout conjugué, laisse très peu de marge de manœuvre à l'administrateur au sens premier du terme. D'aucuns rétorqueront que ce n'est pas tout-à-fait propre à la fonction publique et s'empresseront d'argumenter que même le travailleur régi par le droit du travail se trouve dans une situation objective du fait que son contrat de travail est encadré et balisé par la législation sociale et autant par les conventions collectives et les accords d'entreprises. Ce qui, au bout du compte confine à une situation quasi statutaire. En théorie, la différence entre les deux secteurs c'est que dans le secteur de droit commun le travailleur n'a pas la garantie de l'emploi et qu'il peut être à la merci d'un plan social, qui, à défaut de solutions palliatives, qui sont parfois très difficiles à gérer et à digérer, se solde par une perte d'emploi. On a vu, que ce procédé est une épreuve lourde et stressante sur le plan émotionnel, psychologique et social. Le statut général de la fonction publique n'a rien prévu pour la circonstance, mais, on a vu quand même, que lors de certaines circonstances exceptionnelles, l'autorité politique n'a pas hésité de produire un texte, en l'occurrence le décret législatif du 26 mai 1994 en vue de préserver l'emploi et pour la protection des salariés susceptibles de perdre de façon involontaire leur emploi. Malgré les préventions dans la formulation du texte, le but n'était pas moins que de mettre en place un dispositif qui formalisait les modalités d'un recours aux compressions d'effectifs, sans discriminer entre la fonction publique et le secteur régi par le droit du travail. Si ça se devait se passer aujourd'hui dans la fonction publique on parlerait plutôt de départs anticipés à la retraite qui ne seront remplacés ou pas en totalité, de rationalisation des effectifs, d'un gel aléatoire de l'embauche si la situation économique l'exige, le tout aboutissant, directement indirectement à une compression des effectifs.

L'autre facteur qui gêne ou même empêche une gestion souple des ressources humaines de la fonction publique, c'est qu'il s'agit de gérer une masse importante d'agents publics. Cette occurrence place évidemment l'administration sous contrainte de soutenir une masse salariale qui pointe dans le budget pour 2025 à 5843 mds, soit environ 34.79 % du budget total. On a bien remarqué d'ailleurs, que tous les gouvernements qui voient leur champ des possibles très réduits en raison de contraintes financières importantes, qui conduisent à des déficits difficiles à supporter,ne tergiversent pas pour mener une politique d'austérité en limitant prioritairement les dépenses de personnel.

Pour autant, certains Etats, pourtant en situation budgétaire de confort, ne s'interdisent pas d'emprunter aux préceptes de la nouvelle gestion publique et cherchent à améliorer l'efficacité du service public et la qualité du service rendu, en essayant de maitriser autant que possible le coût qui en résulte. Ce n'est évidemment pas l'avis de tout le monde et des syndicats en particulier. Certains soutiendront que le but du service public n'est pas d'assu rer l'équilibre financier et encore moins de faire du profit et que c'est l'intérêt général qui doit prévaloir, de sorte que les citoyens doivent-être satisfaits, qu'importe le prix à payer. Bien évidemment, c'est perdu d'avance si on se bloque pour dire que les verrous du statut général sont à ce point rigides qu'ils interdisent la moindre flexibilité. Le défi sera précisément d'infuser au statut les adaptations pouvant concilier l'approche statutaire et les nouvelles règles budgétaires, dans un contexte qui s'inscrit dans l'exigence de faire plus et mieux avec moins de moyens.

3- la LOLF : une chance pour une stratégie renouvelée de la gestion des ressources humaines en administration publique

Ne soyons pas naïfs, ce n'est pas demain que la loi organique va bouleverser significativement les modalités de la gestion des ressources humaines en administration publique. D'ailleurs, l'ingénierie qui doit permettre de façonner une GRH publique alignée sur le nouveau paradigme budgétaire n'est même pas au stade du cadre conceptuel et encore moins de la validation du process de soutien qui doit l'accompagner. Ceci d'autant, que la que la loi budgétaire n'a pas donné des protocoles à suivre. C'est pour dire qu'à défaut de s'y atteler d'ores et déjà, les promoteurs de cette loi risquent de ne pas pouvoir éviter son choc en retour. La loi a beau dater de 2018, le challenge reste entier. Attention ! On ne parle ici que de la manière de transposer et d'ajuster la GR publique aux spécificités de la LOLF. Très précisément, il s'agit d'inventer les techniques et les procédures adaptées à l'appropriation de la loi nouvelle. Pour l'exemple, il faut déjà constater et se convaincre qu'il n'est plus besoin de s'interroger pour savoir si le vieux et infortuné Plan de gestion des ressources humaines (PGRH) est approprié ou appropriable à la LOLF : il ne l'est pas au titre de la double interrogation. La grande chance, c'est que justement la loi budgétaire offre la possibilité d'un rattrapage pour construire une nouvelle GRH publique neuve et hardie pour gérer le présent et prévenir le futur. Certainement qu'il faut maintenir le statut général, mais certainement aussi qu'il est urgent de trouver des maitres d'œuvre capables de transcender l'esprit du statut général et qui peuvent en même temps l'aménager et l'accorder aux méthodes de gestion, même de loin, du secteur économique, pour ne pas dire du secteur privé. A tout le moins, il faudra convenir d'un système qui pourra libérer les gestionnaires en leur proposant une plus grande flexibilité, que leur promet au demeurant la loi budgétaire, pour qu'ils soient armés en conséquence pour rendre compte des résultats qu'on attend d'eux.

L'appréhension du moment, c'est de savoir si les textes d'application publiés dans le sillage de la nouvelle loi suffisent à promouvoir une transition lucide et néanmoins efficace et sans heurts pour répondre aux conditionnalités de la loi. On peut redouter que la tâche soit immense, néanmoins elle n'est certainement pas infranchissable. Il appartient aux opérateurs de premier niveau, essentiellement la Direction générale du budget (DGB) et la Direction générale de la fonction publique et de la réforme administrative (DGFPRA) d'être imaginatifs et créatifs. Pour promouvoir et accompagner cette métamorphose. Ces deux structures, évidemment plus encore la DGB que la DGFPRA, doivent être capables de se sublimer pour composer et transiger de manière à conduire le changement attendu sans incidents et sans conséquences graves qui pourraient affecter le fonctionnement des administrations ou préjudicier aux droits des fonctionnaires. La DGFPRA, interviendra pour sa part en qualité de sous-traitant pour les questions de pure GRH, ou au titre des avancées de la réforme administrative, comme le laisse entendre le troisième tiers de son acronyme qui requièrent, entre autres, d'améliorer la performance et la rationalité de l'action publique. Toutefois, il faut savoir que la LOLF n'apporte pas par elle-même les solutions ou les préceptes pour une adaptation automatique de la GRH publique au changement profond qu'elle occasionne. L'ajustement attendu requiert donc de la DGB, comme maitre d'œuvre de la réforme et de la DGFPRA comme producteur normatif et DRH de l'Etat de s'y atteler pour concrétiser et faire aboutir les changements impératifs qui doivent impacter la GRH publique.

4-l'impératif d'une mise à niveau préalable

A ce stade, il s'agit de découvrir une gestion des ressources humaines, certains diront du capital humain, qui dépasse et surpasse les fonctions habituelles qui consistent à recruter, rémunérer le personnel, s'acquitter des obligations légales et veiller à l'amélioration des conditions de travail. À l'avenir, la GRH publique nouvelle imposera de déployer des pratiques performantes pour administrer, mobiliser et développer les ressources humaines en symbiose avec les grands desseins de la LOLF. Pour le moment, il faut déjà penser à renouer avec une GRH standard ou courante qui sait à tout le moins maitriser des outils qui respectent le cadre normatif de base, comme d'assurer la régularité des recrutements, donc des concours et des examens professionnels et d'être aux rendez-vous de gestion classiques induits par le statut général.

Après coup ou par la suite il s'agira de produire une gestion qui fait droit à une gestion collective impliquant une gestion prévisionnelle des effectifs qui projette les besoins de l'employeur sur un horizon triennal (tel que c'est commandé par le cadrage budgétaire à moyen terme dit CBMT)s'adossant à des projets de croissance ou d'acquisition dûment profilés. Tout comme il faudra garantir une gestion de qualité qui se préoccupera du quotidien des fonctionnaires, en s'attachant à suivre de près leur administration de manière individualisée (recrutement, notation, évaluation, avancement, formation, mobilité). C'est seulement de cette façon que l'administration pourra, d'une part disposer d'agents formés, compétents, motivés, positionnés sur des postes adaptés, avec un rôle et des responsabilités bien définis et offrir d'autre part de la visibilité aux fonctionnaires qui sauront conduire leur itinéraire professionnel de concert et en harmonie avec les buts de l'administration.

5- passer d'une gestion de moyens à une gestion par objectifs

Comme on l'a dit plutôt, la LOLF impose une gestion efficace et compétitive, ce qui obligera obligatoirement la GRH publique à aligner ses pratiques sur des objectifs précis et mesurables. En conséquence de quoi, il lui faudra apprendre à s'approprier les indicateurs RH performants pour évaluer l'efficacité de ses politiques et de ses pratiques.

6- responsabiliser les gestionnaires publics

Cet objectif implique de déconcentrer la gestion des effectifs et les crédits y afférents au plus près du terrain. De ce fait, les responsables de base devront disposer d'une autonomie accrue qui leur attribue le pouvoir de gérer l'intégralité des actes de gestion dans toute leur amplitude, allant du recrutement jusqu'à la sortie de carrière. A ce propos, on remarquera qu'il existe déjà un texte, soit le Décret exécutif n° 90-99 du 27 mars 1990 relatif au pouvoir de nomination et de gestion administrative, qui, paradoxalement, a tellement décentralisé cette responsabilité, qu'il en a résulté une atteinte même au principe fondamental d'égalité entre les fonctionnaires. En effet, en éclatant les instances paritaires et en multipliant les échelons décisionnels, on a ouvert la voie à des situations où des commissions paritaires composées des fonctionnaires appartenant à des corps hiérarchiquement inférieurs se sont permises de statuer sur le sort de fonctionnaires qui leur étaient supérieurs en grade et en responsabilité.

Ainsi, il en est advenu et il en advient toujours que cette responsabilité s'est transformée en facteur de distorsion et d'iniquité entre fonctionnaires. Certains secteurs de l'administration qui se reconnaitront, dont les représentations locales, n'ont pas été préparées comme il se doit continuent toujours de pâtir de cet excès de responsabilité qui a dérivé du décret susvisé.

7- Optimisation de la gestion des effectifs

En l'occurrence, il s'agira de proportionner et d'adapter les effectifs aux missions, plutôt qu'à des quotas fixes qui reposent sur des acquis dont la pertinence et la légitimité ne sont pas forcément justifiées. A l'avenir, il faudra inévitablement dépasser ce qu'on appelle « les services votés ». il s'agit d'un concept qui donne soi-disant une garantie sur l'avenir, mais qui en fait constitue un errement qui confine à l'exact contraire de la notion de planification. Celle-ci commande plutôt de développer des outils de prévision et d'anticipation des besoins, qui pour une partie se trouvent dans le commerce et d'autres qu'il faudra construire et créer selon les spécificités de l'administration concernée.

8- encouragements à la performance

C'est un vieux serpent de mer qui ne passionne pas vraiment les syndicats qui lui reprochent de faire le jeu des « petits chefs » qui ont tendance à plus récompenser le personnel ayant l'échine souple au lieu et place des personnels méritants. Par-delà cette anecdote qui dit ce qu'elle dit, au sens que tout effet a nécessairement une cause, la rémunération versus LOLF est appelée à introduire une part variable pour récompenser la performance individuelle et collective. Ce disant, il n'est pas question de recycler le système en vigueur qui, quelle que soit la dénomination qu'il emprunte, n'est rien moins qu'une méthode qui a permis de classer à la louche les corps et grades de la fonction publique, favorisant exclusivement le diplôme au détriment d'autres critères (diplôme et qualification ,responsabilité hiérarchique, responsabilité technique, technicité et spécialisation, mode de recrutement) auxquels a trouvé pertinence, en son temps et à raison, le statut général du travail (SGT). Tout ceci s'est produit alors qu'on a voulu construire une réforme statutaire qui, au final, a confondu vitesse et précipitation. Cette réforme n'a pas permis, en tout cas, de bâtir un système d'évaluation qui aurait abouti à une grille de classification juste, méthodique et cohérente. La preuve étant, que lors de la mise en œuvre de cette réforme, certains grades se sont retrouvés en dessous de leur classement hérité du système antérieur.

Le même empressement a prévalu au moment de la mise en place d'un régime de primes et indemnités, qui pour partie a servi à réajuster le classement de certains grades notoirement sous évalués, ou qui a fait du copier-coller entre des secteurs n'ayant pas les mêmes obligations ni les mêmes responsabilités. A décharge de ses concepteurs, ce modèle, toujours en vigueur d'ailleurs, ils ont besogné dans l'urgence pour mettre en place tout un packaging de textes promulgués d'un seul jet (le système de classification et de rémunération, quasi statut des contractuels, système de rémunération des titulaires des postes supérieurs fabriqué ex-nihilo, revalorisation et réajustement de la classification et la rémunération des titulaires des fonctions supérieures).

9- Modernisation des outils de la GRH publique

Sans exagérer, on peut dire déjà qu'il n'y a rien à inventer et que l'œuvre commande simplement d'adapter, avec humilité et sans fausse honte, ce qui se fait ailleurs et qui a fait ses preuves pour transposer ce qui est transposable tels que :

9.1) La fiche de poste

Il est plus courant de l'appeler fiche de fonction dans le contexte de l'administration. C'est un outil qui permet à la GRH de prendre racine en commençant par définir une situation de travail correspondant le plus et le mieux aux métiers de la fonction publique. Elle permet de donner une vue d'ensemble des tâches à réaliser et de répartir les responsabilités. Chacun doit connaitre les responsabilités de chacun et, chacun doit se représenter les attributions de chaque niveau de la hiérarchie. La fiche de poste est loin d'être un gadget, elle constitue plutôt un instrument de gestion dynamique, indispensable en vue d'être utilisée pour un recrutement ou pour conduire un entretien d'évaluation. Au-delà de ces avantages, elle peut constituer la brique de départ pour configurer un répertoire interministériel des métiers ;

9.2- L'entretien professionnel

L'entretien professionnel vise à rendre le fonctionnaire acteur de son évolution professionnelle. Il consiste en un échange entre le responsable et son agent qui, en fin de compte donne lieu à l'identification d'un parcours de formation aidant à développer les compétences du fonctionnaire en vue de concrétiser ses propres objectifs en cohérence avec les objectifs de l'administration sur le court, le moyen et le long terme.

9.3- L'organisation de l'activité administrative

L'administration ne donne aucune marge à ses fonctionnaires ou à ses servants pour définir les modalités d'organisation de la structure dont ils dépendent. Son activité repose sur des règles strictes fondée sur une division des responsabilités et une forte hiérarchie.

La nouvelle gestion publique appliquée à l'administration publique conçoit qu'il n'est pas contre-indiqué d'atténuer l'obéissance sans discernement aux règles et considère qu'il est nécessaire que l'administration puisse accorder des espaces de liberté et d'autonomie à ses employés. Il existe déjà des possibilités qui, sans remettre en cause le principe de la hiérarchie fondé sur l'organisation bureaucratique, permettent et reconnaissent, même si c'est à la marge, aux agents publics un intérêt légitime à participer, à travers leurs représentants,les syndicats, ou les comités techniques, aux résolutions portant sur les questions de sécurité, d'hygiène, les conditions générales du travail et à l'organisation et au fonctionnement des services. Ils doivent même et surtout pouvoir rendre des avis sur la modernisation des méthodes de travail.

Très étonnamment, le décret exécutif 20-199 du 25 juillet 2020, qui régit les commissions paritaires et les comités techniques s'est autocensuré sur ces questions qui sont aussi de la compétence des comités techniques, tels que la gestion des effectifs et les réformes statutaires.

9.4- La professionnalisation de la fonction RH.

Les professionnels de la GRH, que sont les directeurs des ressources humaines, souvent appelés directeurs des personnels, doivent dépasser le rôle classique qui se borne à « expédier » une gestion exclusivement à dimension statutaire et règlementaire. Dans le cadre de la LOLF, le challenge sera plus exigeant, du fait que cette fonction est appelée à être partagée avec une autre catégorie d'intervenants qui sont loin d'être des professionnels. On pense ici aux responsables de programmes, ainsi qu'aux responsables de l'action, désormais qualifiés d'acteurs de la gestion des crédits, tel que stipulé à l'article 21 du décret exécutif 20-404 du 29 décembre 2020 fixant les modalités de gestion et de délégation de crédits.

10- la GRH publique en mode LOLF : un nouveau paradigme

Comme on l'a déjà expliqué, la LOLF n'apporte pas par elle-même les solutions, ni les préceptes pour une adaptation automatique de la GRH au changement profond de logique qu'elle véhicule. C'est le chalenge de la DGFP, considérée comme producteur normatif et DRH de l'Etat, de produire ou de coproduire avec la DGB, l'ingénierie qui permet de s'aligner sur le nouveau parangon budgétaire qui oblige à repenser les responsabilités de chacun.

Ne soyons pas naïfs, on sait très bien que ce n'est pas demain que la loi organique va bouleverser significativement les modalités de la gestion des ressources humaines au sein de l'administration publique. D'ailleurs, la loi organique ne fait même pas allusion à cette problématique. Ce qui ne veut pas dire, qu'à terme, l'administration publique n'aura pas à encaisser le choc en retour de la LOLF. Il faudra s'y attendre plus que sûrement si on ne réagit pas d'ores et déjà à inventer les techniques et les procédures adaptées à l'appropriation des conditionnalités sous-jacentes de la loi. Ça ne sera pas pour autant une transformation profonde et définitive.En réalité, elle aura moins l'allure d'une conversion que d'une adaptation, forcément progressive, qui aboutira à assimiler les effets de la globalisation des crédits qui représente l'alpha et l'oméga de la réforme.

Dans le cadre de cette globalisation de crédits qui se subdivise en programme, considéré comme étant l'unité d'exécution du budget, ce qui nous intéresse ici c'est d'appréhender la manière qu'il convient pour gérer le programme GRH. On sait au moins, qu'il est placé sous l'autorité d'un responsable qui aura la charge de planifier la gestion de ses ressources humaines, sous plafond des emplois et de la masse salariale qui lui sont octroyés. Ceci étant, on se trouve en présence d'une nouvelle chaine de responsabilités rigoureusement articulée à l'exécution du budget.

Il en résulte tout un chainage qui commande au responsable du programme RH de négocier avec les directeurs respectifs des finances et des ressources humaines du ministère concerné, avant même de commencer àexécuter les crédits mis à sa disposition. Après quoi, soit, il passe à la phase exécution desdits crédits,soit par lui-même, soit en procédant par délégation de gestion au profit d'un autre service de l'Etat, ou à un organe territorial qui vont exécuter les opérations pour son compte et en son nom. (Article 18 du décret exécutif 20-404 du 29 septembre 2020).

Il faut avouer que le pari, sans être insurmontable, sera difficile à tenir, à tel point qu'il n'est même pas besoin de se poser la question de savoir si le plan de gestion des ressources humaines (PGRH), selon sa contexture actuelle, est ou n'est pas appropriable ou approprié à la LOLF.

La grande chance c'est que la loi budgétaire offre justement la possibilité d'un rattrapage pour construire une nouvelle GRH publique neuve et hardie qui, tout en respectant,dans leur essence ,les spécificités du statut général, intimera aux gestionnaires d'apprendre à mener leur gestion conformément aux caractéristiques de la loi et surtout à ses retombées sur le plan GRH.

L'appréhension du moment, la question préjudicielle, si on peut se permettre la formule, c'est de savoir si les textes d'application publiés dans le sillage de la LOLF sont parvenus au stade et en situation de transposer sans encombre la GRH publique dans l'univers de la nouvelle loi budgétaire. On peut légitimement redouter que la tâche soit immense, tant le système de fonction publique algérien est tout entier basé sur le lien statutaire, récalcitrant à tout changement en profondeur.

Ce qui incite à dire qu'il faut espérer que les structures qui doivent accompagner la transition, essentiellement la DGB et la DGFP, intervenant pour sa part en qualité de sous-traitant pour les questions de pure GRH, doivent-être imaginatives et réactives, en tout cas qu'elles soient capables de se transcender pour composer et transiger de manière à conduire le changement sans incidents et sans conséquences graves, qui pourraient affecter le fonctionnement des administrations ou de produire des effets dommageables pour les fonctionnaires.

11-les points d'impact potentiels de la LOLF sur la GRH publique :

11.1- La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

Il faut déjà reconnaitre que la LOLF, on l'a déjà assez souligné, donne l'occasion propice, voire impérative à l'administration de regagner le temps perdu dans le domaine de la gestion des ressources humaines, soit dans sa dimension présente, soit en matière d'anticipation et de prévision.Concernant cette dernière dimension, on observe que ni dans le passé et moins aujourd'hui, aucun projet du genre n'a été testé ou approché, ni de près ni de loin. Pourtant, on aurait pu s'inspirer des différentes expérimentations, qui sont légion, qui ont été menées par nombre de pays avec des variantes, certes contrastées, mais qui avaient toutes pour but d'anticiper les évènements pour préfigurer les solutions propres à améliorer le service public, autant dans ses finalités, que dans ses moyens et des pistes qui aident à son adaptation aux évolutions sociales, économiques et technologiques. On a donc compris, qu'il ne s'agit par de projeter des contingents de fonctionnaires ex-nihilo. Il s'agit de prévoir les attentes des citoyens, la mutation des métiers et des emplois, ou de prévenir la transition numérique, le tout qu'il faut concilier avec les contraintes budgétaires. A ce titre, il faut noter que nombre de pays n'ont pas hésité à emprunter, lorsqu'il le fallait, les thérapies offertes par la nouvelle gestion publique. Contraints eux aussi de souscrire au principe de l'annualité budgétaire, ces pays avant-gardistes dans ce domaine,ont trouvé moyen de s'y accommoder après des essais variés qui ont fini par être concluants. Il faut croire que les différents responsables de chez nous qui tenaient et qui tiennent à ce jour les manettes de la fonction publique, ou ceux du budget, n'ont pas osé franchir le pas. Pourtant, c'est à ce prix qu'on pourra passer d'une logique bureaucratique à une logique de nouvelle gouvernance publique. Avaient-ils peur, ont-ils peur de mal faire ? doutaient-ilsou doutent-ils toujours de leurs capacités ? On n'en sait rien. Mais comme dit l'adage, l'indécision est l'ennemi du progrès.

Pourtant, tout le monde sait maintenant que la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences n'est plus en option. Les dispositions de l'article 9 du décret 20-335 du 22 novembre 2020 stipulant que « les propositions formulées par les ministres (…) entrent dans le cadre du CBMT (cadre budgétaire à moyen terme) et dans la limite des plafonds fixés dans la répartition des dépenses par portefeuille de programmes au niveau de la note d'orientation », exigent que la gestion, celle des ressources humaines de l'Etat notamment, soit basée sur la prévention et l'anticipation. Tout pareillement, le décret exécutif 20-403 du 29 décembre 2020 relatif aux conditions de maturation et d'inscription des programmes, déclare en son article 3 que« (…) les crédits budgétaires et les résultats attendus des programmes doivent être évalués et justifiés en fonction des objectifs poursuivis (…). Tout cela, démontre qu'il n'y a pas raison plus explicite et plus engageante pour l'administration que d'instaurer la gestion prévisionnelle de ses ressources humaines, voire même une gestion préventive tout court.

Pour cette raison, il faut espérer que le schéma prévisionnel qui doit régir les ressources humaines en administration publique, ne doit pas s'en tenir à une gestion de masse ou à une simple gestion de volume des corps et des grades issus des différents statuts particuliers. La performance c'est de faire place et d'installer une gestion de proximité qui offre toute la lisibilité aux fonctionnaires qui pourront être associés à la construction de leur carrière.

11.2. Gestion des avancements de grade en régime LOLF

L'autorisation budgétaire devenant globale et ne détaillant qu'à titre indicatif les effectifs par corps et par grade, qui du reste, sont appelés à se fondre désormais sous un plafond d'emplois dont la prise en charge est assuréepar une masse salariale, au centime de dinar, incite à déduire qu'il est plus conséquent de reconsidérer les modalités de l'avancement de grade (pour être précis, l'avancement de grade concerne le passage d'un grade à un autre grade dans le même corps, tandis que la promotion de grade consiste en un passage d'un grade vers un autre grade d'un corps supérieur, ce qui malheureusement n'est pas spécifié comme tel par le statut général de la fonction publique). En effet, le dispositif actuel d'avancement des fonctionnaires, qui se contente d'échafauder un pyramidage statutaire en fonction des effectifs budgétaires vacants pour leur appliquer des pourcentages qui n'ont rien de pertinent et qui sont loin de bâtir ou destructurer l'administration de telle sorte qu'elle puisse définir les avancements de grades et les promotions selon ses besoins et en fonction des différentes strates qui la composent.

Le système en cours ne permet pas d'éviter un « gonflement » du haut de la pyramide, ou de son milieu ou du niveau inférieur. Il a davantage vocation de désorganiser le fonctionnement de l'administration.

Quoi qu'il en soit, le système en vigueur ne sera pas opérant dans le cadre de la LOLF, car il ne répond tout simplement pas à son objet ou à ses visées. A la place dudit système, il faudra construire une méthode qui interagit avec la LOLF, en allant fixer des contingents d'avancements (qu'importe si l'avancement de grade se fait sur examen, promotion au choix ou par l'obtention d'un diplôme supérieur), qui répondent à la nécessité d'équilibrer la répartition des corps et des grades pour armer le mieux possible l'administration à atteindre ses objectifs. Contrairement aux dispositions statutaires actuelles qui fixent les taux d'avancement propres à chaque grade, le nouveau régime devra plutôt déterminer un taux d'avancement amovible, fixé par chaque ministre, qui devra le définir en début d'exercice par voie d'arrêté pour l'ensemble des administrations du secteur et, qui variera nécessairement d'une entité à l'autre, étant supposé que chacune d'elle connait d'avance ses points forts et ses points faibles pour opter pour le profil le plus congruent à ses besoins. L'avancement de grade des candidats, remplissant évidemment les conditions statutaires pour être promus, sera prononcé selon le classement des concernés et dans la limite des postes ouverts, après application du taux, à la carte, préalablement décidé par le ministre concerné. Il faut encore le répéter et dire que le système actuel qui fige et plafonne chaque grade par l'application d'un pourcentage préalable ne répond ni aux sollicitations de l'administration, ni à celles des fonctionnaires. Au surplus, cette logique statutaire rigide est de nature à ne pas pouvoir faire face aux réalités de terrain que vivent les administrations tels que les départs massifs à la retraite, les nouvelles missions, une technologie nouvelle ou des réformes ou des restructurations de fond. Par contre, le nouveau système proposé, paraissant complexe, c'est évident,permet à l'administration de devancer ses besoins et elle aura aussi toute latitude pour réserver, si tel est son choix, les postes budgétaires restants au recrutement externe, toutes modalités confondues, (recrutements secs, mutations, détachements entrants, retours de positions spéciales). Cela-dit, dans cette situation, il faudra certainement que l'administration veillera surtout à ne pas dépasser le plafond d'emplois et la limite supérieure de la masse salariale qui lui sont accordés pour l'année budgétaire en cours.

Bien entendu, à défaut d'une connaissance fine de ses effectifs et si elle n'est pas attentive à la situation de chaque fonctionnaire, ou si le ou les ratios d'avancement retenus par le ministère ne sont pas pertinents ou ne répondent pas aux nécessités de ses services, l'administration pourra s'exposer à des situations qui conduiront à des accélérations ou à des ralentissements de carrière des fonctionnaires. D'où la nécessité pour la DGFPRA de construire et piloter l'énorme chantier d'un système de reconnaissance des ressources humaines (SRRH), fiable et sécurisé, qui sera popularisé par des essais réitérés en partenariat avec chaque ministère. Faute de pouvoir le créer localement, il conviendra de s'approprier un des nombreux modèles, les moins coûteux de préférence, qui sont sur le marché, qui finira par être assimilé, amélioré et amendé, en commençant gérer un ensemble de briques logicielles permettant d'automatiser un certain nombre de tâches liées à la gestion des ressources humaines et d'en assurer le suivi.

12- Un pilotage financier à plusieurs intervenants :

Comme on l'a dit plus haut, la nouvelle loi budgétaire conduit à démultiplier les gestionnaires opérationnels sur les crédits du titre I, relatif aux dépenses du personnel. Il en résulte les conséquences suivantes :

12.1La gestion s'opère en masse salariale. Elleest spécialisée par ministère et par programme, sous-programme et action. En vertu du décret exécutif 20-354 du 30 novembre 2020, la masse salariale exprime le coût total des dépenses de personnel (traitements, primes et indemnités, bonifications, contributions de l'employeur, prestations sociales à la charge de l'employeur, accidents de travail, pensions de service et dotations de rémunération aux EPA et autres établissements publics assimilés ;

12.2 Les crédits du titre I constituent un plafond absolu de dépense. Ce titre ne donne ni ne reçoit (cf. article 34, alinéa 1 de la loi organique) ;

12.3 Le budget affecté à la masse salariale s'effectue au premier dinar. Le concept des « services votés » disparait. Dans ce sens, l'examen d'ensemble de la dépense du personnel, comme les autres catégories de dépenses, se substitue à une discussion centrée autour de la variation marginale.

13. une GRH publique éclatée et une DRH partagée

L'autorisation budgétaire par corps et par grade, issue de l'ancienne loi organique, étant désormais reléguée aux oubliettes, a été remplacée par une enveloppe financière composée d'une masse salariale dévolue par programme, sous-programme et action, qui est appelée à ne pas être dépassée. Cela fait que les directeurs, responsables des ressources humaines doivent travailler la main dans la main avec les directeurs des affaires financières, appellation générique s'il en est, afin d'être simultanément garants du respect des règles de gestion statutaire et du non dépassement des crédits affectés à la masse salariale. Le souci, on peut dire, c'est que la loi budgétaire prévoit que certaines missions ou portefeuilles de programmes doivent être gérés au niveau de plusieurs programmes, pour ne pas dire de ministères. A première vue et par relation de cause à effet il pourrait advenir que les fonctionnaires d'un ministère donné soient gérés par un autre ministère, qui devra s'occuper de leur gestion statutaire ainsi que de leur rémunération et de leur servir par suite les primes et les indemnités découlant du statut particulier qui les régit. On aboutit de la sorte à un placement en activité d'un fonctionnaire dans un autre périmètre fonctionnel, qui n'exige même plus comme avant l'existence préalable d'un arrêté de placement. C'est la nature du programme qui réclame cette démarche. La délégation de gestion s'y substitue à la faveur des modalités prévues par le décret exécutif 20-404 du 29 décembre 2020.

On peut se poser la question si dans cette circonstance, le fonctionnaire concerné doit se déplacer physiquement dans les locaux d'un autre ministère ou qu'il doit tenir son rôle à distance. Cet exercice d'équilibre obligerait à faire preuve de beaucoup de polyvalence et de clairvoyance, d'où un vrai défi pour les gestionnaires qui sont condamnés à apprendre sur le tas une méthode qui exigera du pragmatisme et de la lucidité

14. Les mouvements budgétaires dans le cadre de la LOLF

14.1 La notion de vacance de postes

En vertu de la LOLF, la vacance d'emploi n'a de sens que dans sa dimension fonctionnelle. L'emploi vacant s'apprécie non plus comme une libération de poste budgétaire lors du départ définitif d'un agent, mais juste comme le moyen d'ajuster la gestion au plafond d'emplois et des crédits qui leur sont attachés. Ainsi, le gestionnaire concerné peut décider de recruter ou de ne pas recruter, ou d'utiliser le poste autrement. Les redéploiements entre programmes ne demanderont donc plus le préalable d'une autorisation pour les transferts des emplois, ni qu'il y'ait des arrangements croisés entre les uns et les autres. Les mouvements de postes pourront intervenir à la condition de respecter le plafond d'emplois et la ligne de faîte des crédits affectés à la masse salariale, de sorte que le gestionnaire puisse utiliser librement le départ d'un agent pour redéfinir un emploi, sous condition de respecter la non fongibilité des crédits du titre I relatif aux dépenses de personnel.

15. positions spéciales et notion de surnombre budgétaire

L'article 127 du statut général de la fonction publique détermine les positions statutaires et, à sa suite, le décret exécutif 20-373 du 12 décembre 2020 en détaille les modalités. Il est dit aux articles 138, 143, 152 et 155 du statut général qu'à l'issue de leur mobilité, les fonctionnaires concernés sont réintégrés dans leur grade d'origine, même en surnombre. Désormais et dans le contexte de la LOLF, la question sera simplement appréciée en concordance avec le double plafond que conditionne la limite supérieure des emplois accordés et des crédits autorisés. Aussi, dans la mesure où les prévisions de crédits sont fiables et les outils de suivi de gestion performants, les fonctionnaires en position spéciale de droit pourront réintégrer leur emploi sans autre formalité. Par ce fait, la notion de surnombre deviendra automatiquement caduque.

Ainsi donc, les fonctionnaires n'auront pas de crainte à se faire au sujet de leur réintégration. Le principe veut que la LOLF n'a pas vocation à remettre en cause les garanties reconnues aux fonctionnaires par le statut général, qui ne seront donc ni diminuées et encore moins dégradées. Le scénario fâcheux du blocage des retours de positions spéciales des fonctionnaires pourrait éventuellement se produire si l'administration omettait de mettre en réserve un emploi pour être utilisé à sa date de reprise. Dans la situation nouvelle promise par la LOLF, il appartiendra à l'administration de garder une sorte de provision dans son plafond d'emplois et dans sa masse salariale pour garantir la réintégration et la prise en charge immédiate des fonctionnaires concernés. En somme, la non fongibilité des crédits du titre I ne va pas faire obstacle au retour des fonctionnaires ayant épuisé la période de leur mise en positions spéciales.

16.la notion d'effectifs théoriques

L'article 2 du décret exécutif 20-387 du 19 décembre 2020 met en opposition les emplois budgétaires et les emplois réels. A ce sujet et à moins que l'explication nous ait échappée, il nous semble que la notion d'effectifs budgétaires au sens d'effectifs théoriques ne doit pas exister en vertu même de la LOLF. A la place, il y'a une masse d'emplois réels plafonnés et ajustés à la limite des crédits alloués au titre I, lequel est supposé exprimer les coûts complets des dépenses de personnel sans toucher ni retoucher les crédits du titre I qui sont grevés d'affectation, donc non sujets à rajouts ou à retrait.

17.prise en charge de personnels non titulaires

17.1 les agents contractuels

Le régime des contractuels est défini par le décret présidentiel 07-308 du 29 septembre 2007. Ce qui nous parle ici, c'est l'article 8 dudit décret en son alinéa 3 qui prescrit que « les effectifs par emploi, leur classification et la durée du contrat sont fixés, pour chaque secteur, au niveau de l'administration centrale, des services déconcentrés ou décentralisés et des établissements publics par arrêté du ministre des finances, du ministre concerné et de l'autorité chargée de la fonction publique ». Si l'on s'en tient aux articles 75 et 79 combinés de la nouvelle loi budgétaire, tout ce dispositif a vocation à sauter, pour la raison simple que les crédits votés s'effectuent pour chaque ministère par programme, sous-programme, par titre, et par dotation pour les crédits non assignés. Ces crédits sont accordés sans garantie de reconduction. En fait, ce dispositif d'exception contrevenait déjà à la loi organique 84-17 du 7 juillet 1984, relative aux lois de finances, plus précisément aux dispositions de son article 25 qui édicte « (…) les crédits ouverts au titre d'un exercice ne créent aucun droit de reconduction au titre de l'exercice suivant ». il est donc loisible de constater que l'arrêté susdit, qui prévoit que toutes les administrations doivent disposer d'une sorte de tableau des effectifs des contractuels, toutes versions comprises, enfreint la notion de l'annualité budgétaire, principe reconduit par la nouvelle loi budgétaire en ses articles 3, 6 et 14.

17.2 les personnels de la garde communale, des délégués et des chargés de mission et les assistants à la sécurité

Il ne faut pas se tromper, peu importe que le document de programmation des crédits et des emplois budgétaires, conçu à la faveur de la circulaire n° 8162 du 2 novembre 2002 émanant de la DGB englobe tout ce paquet d'emplois dans la catégorie des contractuels et si même effectivement ces emplois présentent un voisinage avec les contractuels de droit public, ils n'ont pas à strictement parler cette qualité. En fait, ces emplois, créés dans l'urgence sont sous statut d'emploi, de sorte que les dispositions qui les régissent doivent être fixées par leur décret de création. Seul l'emploi d'agent de prévention et de sécurité qui a migré vers les contractuels régis par le décret présidentiel 07-308 du 29 septembre 2007, devient en conséquence récipiendaire de la qualité de contractuel.

18.la question des vacataires.

Le décret présidentiel 07-308, mentionné ci-dessus, relatif aux contractuels, ne fait mention de la notion de vacataires que dans son article 73, finalisant les dispositions transitoires du texte et organisant les modalités de leur reclassement, sans qu'il leur soit dédié un texte à minima devant règlementer cette catégorie d'emplois. On sait qu'ailleurs, c'est la jurisprudence qui a permis de donner un contenu à cette notion en la définissant de manière générique comme « un recrutement destiné à l'accomplissement d'une tâche ponctuelle ». Plus justement, ils sont décrits comme étant « les collaborateurs occasionnels de l'administration,ne disposant pas de ce fait de droits particuliers dans leurs relations avec celle-ci ». Un critère encore plus décisif, d'origine jurisprudentielle, caractérise le concept comme étant « l'exécution d'un acte déterminé, l'absence de continuité dans le temps, une rémunération à l'heure, à la demi-journée ou à la journée et par l'absence de subordination directe à l'autorité administrative ». C'est le paradoxe d'une fonction qui existe sans être règlementée.

19.au sujet des tâches d'enseignement et de formation à titre accessoire

Cette préoccupation, objet du décret n°84-296 du 13 octobre 1984, moult fois complété et modifié, incite à argumenter, de prime abord, que les dépenses devant résulter des activités décrites par le décret ci-dessus sont normalement imputables au titre II de la nomenclature des dépenses induite par la LOLF.

Néanmoins, nombre d'administrations y recourent de manière pas très rationnelle en rémunérant au mois et sous le régime de la durée légale de travail cette catégorie de personnels qui deviennent par ce fait des « employés » de l'administration. Cet usage est tellement répandu que rien n'empêche le juge administratif, tenant compte de certains indices concordants, de se considérer comme étant qualifié pour apprécier si un agent exerçant de telles activités, n'a pas en réalité la qualité d'agent contractuel et peut donc requalifier en conséquence la relation que la personne concernée entretient avec son employeur comme étant un contrat en bonne et due forme. Cette remarque s'applique aussi aux vacataires lorsqu'il est remarqué qu'ils exercent leurs tâches dans les mêmes conditions que les contractuels.

Conclusion

La LOLF est dans sa troisième année d'existence, il reste cependant qu'une nuée de questions restent momentanément sans réponse. Parmi celles-ci, sans hiérarchie d'importance entre elles, on en citera quelques-unes qui interpellent aussi bien les responsables de service, même à très haut niveau, que le fonctionnaire lambda qui aspire à plus d'explications. En voici celles qui interrogent le plus :

> Avec les nouvelles missions de la LOLF, n'a-t-il pasle risque de que les priorités établies antérieurement soient bouleversées ?

> Techniquement et conceptuellement, la LOLF étant très prenante et exigeant du temps et des capacités d'assimilation et de compréhension, n'y a-t-il pas la crainte que les ministres eux-mêmes ou les responsables des établissements nationaux rechignent à apporter l'impulsion nécessaire à la mise en œuvre d'une réforme, qui peut les dépasser techniquement ?

> N'y a-t-il pas un risque de confusion entre stratégie, objectifs et indicateurs, surtout que le concept de gestion par programme peut outrepasser le périmètre d'activité d'un ministère ?

> Quel doit être le rôle de la DGFPRA, du fait que la DGB ne semble pas prête à opérer en tandem, d'autant qu'elle est bien partie pour faire cavalier seul dans la mise en œuvre de la réforme ?

> Comment concilier les acteurs de la gestion opérationnelle des programmes et une structure territoriale qui dépasse le périmètre d'une wilaya ? Dans ce cas de figure, à qui le gestionnaire du programme devra-t-il rendre compte ?

En fait, le chantier ne fait que commencer et c'est normal. Il faut s'y habituer et s'acclimater0 c'est toujours le sort des grandes réformes, comme la LOLF qu'on peut considérer qu'elle est la mère des réformes. C'est à l'évidence un changement profond qui s'inscrit dans une perspective plurielle qui renvoie à la problématique plus large de la réforme de l'Etat.

*Inspecteur en chef de la fonction publique retraité