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Partout le même ciel - Roman de Hajar Bali. Editions Barzakh, Alger, 2025, 315 pages, 1 400 dinars Ils sont jeunes, encore lycéens, ils habitent Alger, ils ont des parents compréhensifs... C'est la fin des années 2010, au temps du bouteflikisme décadent (Le 3èmemandat de trop !?) et une société qui ose commencer à douter... et à le proclamer. On a donc Wafa, dix-sept ans, et Adel, vingt ans. Ils s'aiment d'un amour farouche et ardent... celui de nos 18-20 ans. Ils veulent inventer la vie, s'émanciper des pesanteurs familiales sans pour autant verser dans l'irrespect. Il y a, aussi, rencontré par hasard (en fait, nos deux tourtereaux ont tenté de cambrioler le domicile de la maman), Sami, un universitaire, quadragénaire misanthrope et marginal, ancien prof' de philo (il a démissionné de son poste, et vit avec sa mère une veuve pensionnée... à l'aise), encore portant beau. Désireux de les « récupérer », il devient leur pygmalion, et cherche à les initier à la mystique musulmane, la philo, la littérature. Un intellectuel « égaré », cherchant une « raison de vivre » et de croire en quelque chose de palpable, et le don de soi à celui qui ne peut vous contraindre, dont l'amitié, se fixant pour mission de « sauver » ces (« ses ») enfants perdus dans une société elle-même de plus en plus déboussolée. Un trio marqué par une relation fusionnelle dans une ambiance d'amitié, d'amour (s), de projets (d'émigration), de réussite commerciale, mais aussi et surtout de révolutionnarisme... intime et politique, le système ne pouvant plus être supporté et l'être humain, tout particulièrement le jeune, ne se sentant pas bien dans sa peau. On aura donc le Hirak... et bien d'autres choses. L'Auteure : Dalila Kadi-Hanifi de son vrai nom. Née en 1961, enseignante de mathématiques (Université de Bab Ezzouar/ Alger). Dramaturge, déjà auteure de deux romans, « Écorces » (2020) et « Partout le même ciel », d'un recueil de pièces théâtrales et d'un recueil de nouvelles. En plus d'une participation à un ouvrage collectif, « Alger, quand la ville dort » (Editions Barzakh, 2010), un recueil de nouvelles accompagnées de photographies. Extraits : « Il dit qu'il est le fils spirituel de Saint Augustin, qu'il a eu une vision à Souk Ahras, au pied d'un olivier. Il faisait une sieste en solitaire et a ressenti quasi physiquement une invitation à se purifier. Il n'est pas fou, c'est juste un intellectuel » (p 37), « Il y a beaucoup de maladies, en ce moment. C'est comme si les gens voulaient être malades » (p 54), « Ils se disaient militants communistes. Mais ils ne se mêlaient quasiment jamais au monde qu'ils prétendaient déchiffrer » (p 87), « Attachés à la foi sans rien y comprendre. Ils se repassent en boucle et en imagination les événements du film « El Rissala »/Comme nous/ Ah, il en a fait des dégâts, ce film. On vit un chevauchement temporel. C'est pour ça qu'on s'entretue régulièrement » (p 170), « Au Caire, le temps prend son temps » (p 172), « La grande majorité de ces jeunes est sans avis, leurs âmes sont vidées de l'intérieur. Pas d'interrogations, pas de joie de vivre, ils sont pourtant jeunes. Quelque chose les tourmente, qu'ils n'osent même pas appeler doute. C'est dur à vivre » (p 258). Avis - Un roman à l'écriture libre qui n'évite pas la poésie... Une tranche de l'Histoire contemporaine du pays. Souvent heurtée, à travers une belle histoire d'amour et des interrogations à n'en plus finir. On commence à lire... on hésite... mais on continue. Citations : « L'amour se nourrit de périls, de détresse et de manques » (p 40), « Faut être bourgeois, ou enfant gâté, pour penser mériter quoi que ce soit dans ce monde, et surtout au-delà » (p 43), « Les cheveux d'une femme rivalisent en puissance et en mystère avec Dieu. Cela explique que les hommes cherchent à les emprisonner » (p 54), « L'intimité, aux yeux du Tout-Puissant, est tellement sacrée qu'elle se doit d'être respectée, y compris par les anges » (p 135), « La beauté, c'est dangereux pour la raison » (p 137), « Il est rare que les gens heureux aient assez de tact, ou de dignité. Il est également rare que les malchanceux voient au-delà d'eux-mêmes. De leur échec » (p147), « Les frustrations, ça mène aussi à la guerre » (p194), « La soumission des femmes aux caprices ou aux stupidités des hommes est une humiliation pour eux » (p 212), « Le romancier est comme tout créateur. Il se refait en permanence. Il enlève des bouts ici et là, va chercher dans le passé d'autres bouts, fait surgir du tréfonds quelques éclairs de génie ou de noirceur. Ce modelage est à chaque fois unique et insatisfaisant pour lui. Quelque chose est imparfait. Alors, il recommence » (p 217), « Tant que la révolution n'a pas eu lieu, on n'en parle pas. C'est comme la mort » (p 240), « Tout se fabrique à partir du connu, du perçu, du pressenti. Rien ne sort de rien. Ce quoi change, c'est la façon de composer les enchevêtrements » (p 272), « Être une merde, c'est se définir comme élite, c'est se donner le droit d'établir des théories et des jugements » (p 296). Ecorces - Roman de Hajar Bali. Editions Barzakh, Alger, 2020, 273 pages, 900 dinars (Fiche de lecture déjà publiée en décembre 2020.Extraits pour rappel. Fiche complète inwww.almanach-dz.com/population/bibliothequed'almanach) On a l'arrière-grand-mère, « Son Altesse » Baya, 95 ans, la matriarche... puis la grand-mère, Fatima, la bru chérie choisie dès l'enfance et élevée pour ce faire, devenue veuve (du chahid Haroun -Vincent (lisez , vous comprendrez... les dégâts collatéraux de la guerre), un fils adoré, menuisier et surtout poète puis Meriem (dont l'époux Kamel , un « naïf » qui s'est retrouvé en prison pour longtemps, durant la décennie rouge, pour avoir fait trop confiance aux « barbus » du quartier qui se sont servis de sa menuiserie pour cacher des armes) et, enfin, l'arrière-petit-fils, le chéri et le protégé de toutes ces dames, Nour, 23 ans, étudiant en mathématiques, plein de vie et surtout d'espoirs... d'une « autre vie »... qui ne sait plus où donner de la tête pour s'échapper... d'un appartement de plus en plus exigu et, surtout, de la surveillance serrée de ces dames... Ce n'est pas fini : il y eut aussi Mayssa... la maîtresse cachée et premier (et unique ?) amour de Kamel(...) Un récit labyrinthique... Un morceau de société à l'image de la vie politique ? L'Auteure : Voir plus haut Extraits : (...), « Il n'y a pas de désert. Mais on avance plus vite là-bas. Je crois que c'est ce qu'il faut chercher. A avancer plus vite. A embrasser l'univers. Vite. Avant que... Avant que la lumière magnifique ne nous quitte » (p 213), « Quand on vient au monde, l'équation s'écrit. Nous nous agitons pour enlever des poussières alors que le moindre mouvement, le moindre vécu, introduit des paramètres à l'équation première. Elle s'épanouit, se renforce, finit par avoir raison de nous. Ce que vivent les gens détermine ce qu'ils sont. On n'y peut rien » (p 230). Avis - L'écriture compliquée d'une histoire compliquée d'une famille compliquée traversant l'histoire compliquée d'une société compliquée dans un pays... de plus en plus compliqué. (...) Citations : (...), « Comme la miséricorde de Dieu, l'amnistie est refusée aux plus faibles, aux moins chanceux, aux moins quémandeurs. On absout les plus visibles, on oublie les autres. L'exemple est ainsi donné, l'honneur de la nation est sauf. Les timides ne parleront pas » (p 87), « Le monde se transforme sans arrêt. C'est nous qui le freinons parce que nous nous donnons le droit d'en stopper les contingences » (p 93). |
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