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De la reconnaissance

par Hadj Ahmed Bey

Qu'est-ce que reconnaître ?

Il y a l'analyse sémantique, étymologique, philosophique..., l'approche juridique (Convention de Montevideo, déc. 1933), il y a les tortueux louvoiements polysémiques politiques et diplomatiques. Mais le plus souvent il n'y a que d'incorrigibles bavards à la tribune de ce grand théâtre que les peuples ont cessé de fréquenter.

« Reconnaissance » admet au moins deux sens et aussi deux vertus

Le premier est l'expression d'une gratitude, la contrepartie d'un bienfait, le crédit accordé à un tiers pour son geste charitable. Le second admet son prochain comme un autre soi-même et lui ouvre la porte de l'identité, comme le reflet spéculaire de lui-même. Sous cet angle de vue, reconnaître revient à « se » reconnaître.

Rien de tel dans la démarche médiatiquement orchestrée depuis quelques jours entourant la reconnaissance de la Palestine en tant que nation digne de siéger au sein des nations.

1.- Confusion sciemment entretenue entre la reconnaissance d'un gouvernement et la reconnaissance d'un Etat en droit conforme d'ailleurs à toutes les résolutions des Nations Unies depuis 1948. Il ne s'agit pas ici de la reconnaissance de l'Autorité palestinienne incarnée par ce pitoyable M. Abbès dont l'existence est décorative, et encore moins par ce qui reste de Hamas.

Ce dont il est question, c'est de l'existence l'idée de Palestine et de Palestiniens, au moment même où les sionistes s'appliquent méthodiquement à les faire disparaître au point que bientôt, si la « communauté internationale » continue à tergiverser, il n'y aura plus grand-chose à reconnaître.

2.- Les derniers wagons de l'histoire.

La France, le Royaume-Uni, le Canada, le Portugal... ne sont pas à la pointe du droit et de la justice. Loin s'en faut. Précédés depuis longtemps par près de 150 pays, ils se réveillent et se précipitent sur le devant de la scène, pressés par leurs opinions publiques jusque-là étouffés par une communication orwellienne, une chape de plomb totalitaire qui les isolait de la connaissance des événements du monde.

15 décembre 2011. L'Islande a été le premier pays occidental à faire un pas que les autres suivront à mode moutonnière selon les circonstances et le degré de pression exercé par les réseaux sionistes indigènes sur les exécutifs locaux.

Puis vint le tour du Saint-Siège louvoyant entre 2013 et 2015 et de la Suède en 2014. Le rush a commencé en mai 2024 avec l'Espagne, l'Irlande et la Norvège.

Les Etats (selon les partis qui les animent) ne pratiquent qu'une reconnaissance, celle de leurs intérêts. Tout le reste est littérature. Le président français, poitrail au vent, se présente aujourd'hui en défenseur des libertés. La « Patrie des Lumières » et « des Droits de l'Homme » a beaucoup hésité puis a fini par se résoudre à rejoindre « vaillamment » le peloton, à la remorque des événements.

3.- Courage, fuyons...

« Si infâmes que soient les canailles, ils ne le sont jamais autant que les honnêtes gens. » Octave Mirbeau

« Historique », « exceptionnel », « extraordinaire », « courageux », « gaullien »... voire « monstrueux », « abominable », « infâme », « déloyal »... les médias français se perdent dans les qualificatifs et dans les querelles de bac à sable. Sur 36 000 communes, seule une cinquantaine a osé hisser le drapeau palestinien au fronton de leur mairie.

Dans les coulisses, la « minorité écrasante » des réseaux sionistes encadre le courage des candidats aux prochaines « municipales ». Mais que vaut la reconnaissance d'un président démonétisé dont la popularité plane à une altitude vertigineuse de 17% (avec la magnanimité des sondeurs), renié par ses anciens premiers ministres (Philippe, Barnier, Bayrou, Attal), dégradé par les agences de notation, raillé par la Maison Blanche, interdit de téléphone par Moscou, honni par la communauté juive qui le qualifie de traître... ?

« C'est le choix du président de la République. Ce n'est pas le mien » déclare son ministre de l'Intérieur (déjà en 2027) qui aurait été immédiatement mis à la porte si la France était dirigée par un chef d'Etat à la hauteur de sa charge. Certains commentateurs assimilent le geste de Macron à celui de de Villepin (février 2003) au fait que tous les deux sont sans effets concrets, relèvent de la rhétorique inefficace et improductive, précisant que le discours de l'ancien ministre des affaires étrangères français n'avait pas empêché l'attaque de l'Irak par G. W. Bush. De Villepin a empêché Washington de la légaliser et J. Chirac de la déclarer « hors du droit » même si, par la suite, le « réalisme » l'a emporté sur le respect des principes...

4.- Theodor Roosevelt est de retour avec une cohorte de domestiques

Israël et sa principale colonie (les Etats-Unis) semblent isolés, notamment au sein du Conseil de sécurité. Mais la réalité est toute autre. Ces barbares malveillants se moquent de l'avis des autres nations et de leurs résolutions. Le seul droit qu'ils reconnaissent est celui dérivé des rapports de forces qu'ils parviennent à imposer au reste du monde.1 Et tant que l'Atlantisme produit des lavettes...

Les « en-même-tempstistes » de tout bord, rêvent d'un ersatz de Palestine, d'une Palestine démilitarisée, rabougrie, privée d'eau, d'économie propre, de tout moyen de défense et, à la limite, privée de mémoire et d'identité. Un jour il faudra bien mesurer le prix économique astronomique de cette campagne génocidaire et se demander qui s'en est réellement acquitté, et cela commence par l'« allié » Zelensky qui se plaint depuis le « 07 octobre », que les armes qui lui étaient destinées aient été détournées au profit des sionistes.

L'ordre du jour à l'ONU est à la tragédie palestinienne. Pas à l'Ukraine qui n'est plus d'actualité. D. Trump a d'autres priorités. Pauvre Zelensky ! Pas une seule fois, son nom n'a été prononcé.

Ordinairement célébré, au cœur des événements internationaux, il a fait tapisserie. D. Trump lui a fait la charité d'un entretien. Les médias qui suivaient la session de l'ONU n'étaient obsédés que par le retour des Etats-Unis au cœur de la guerre à la Russie, alors que pour la Maison Blanche, l'Ukraine n'a qu'une seule utilité : remplir un tiroir-caisse au bénéfice de l'empire militaro-industriel américain, par ses « alliés » européens.

5.- Effet boomerang. La rançon de l'hubris.

Tout compte fait, Netanyahu rend un immense service à la cause palestinienne. Certes, le coût de ce service est à la hauteur de la monstruosité du personnage et de ce qu'il représente, exorbitant, conforme aux « performances » de ces engeances depuis bien avant 1948 : des centaines de milliers de victimes et des destructions à ranger dans l'histoire aux côtés des deux dernières guerres mondiales. L'occident sait y faire en matière d'holocauste.

Rééditer l'abomination américaine (de l'Alaska au détroit de Magellan) qui a fait disparaître des millions de « natifs » est une illusion. Les sionistes oublient au moins deux détails :

- Même s'ils s'appliquent à en cacher l'horreur (en tuant des journalistes et en interdisant l'accès à la Palestine), tout est vu et mémorisé. On ne peut plus exterminer en cachette, à la va-vite. Ils peuvent tuer beaucoup de mères et d'enfants. Mais la Palestine ne peut plus mourir.

- Le temps s'accélère et les positions dominatrices ne peuvent plus tenir des siècles. De plus, l'occupation territoriale n'est plus gage de puissance. L'espace se rétrécit, la géographie s'efface devant l'histoire et devant l'intelligence technologique. Le combat des illuminés à la barbe hirsute est obsolète.

6.- Le poisson pourrit toujours par la tête.

Aussi abominable soit le traitement infligé aux Palestiniens et à la conscience malheureuse universelle, le véritable objectif du couple américano-sioniste est la domestication du « sud global » et ici, de sa version régionale arabo-musulmane, des rives de l'Atlantique à l'Océan Indien.

La Ligue Arabe, l'Organisation de la coopération islamique (OCI), la Ligue musulmane... et toutes sortes d'organisations diverses et variées similaires sont les avortons du pacte du Quincy négocié en février 1945 entre Ibn Saoud et F. D. Roosevelt, de retour de Yalta.

Leur principal but est d'organiser pour paralyser et neutraliser. Tout pays qui a le sens du respect de lui-même devrait sortir de ces enceintes qui puent la lâcheté et l'indignité.

Bien avant tout le monde, l'Algérie, peut se flatter d'avoir hébergé en novembre 1988, la création de l'Etat de Palestine, une déclaration d'indépendance écrite par Mahmoud Darwich et proclamée par Y. Arafat.

Mais, aussi indignée soit la population algérienne, comme celles de la plupart des pays du monde, les plus grandes manifestations de soutien à Ghaza, ce n'est ni à Alger ni dans les avenues des grandes villes algériennes qu'elles déploient leur colère, et pas seulement contre les sionistes et leurs soutiens euro-américains.

Les « Arabes » gagnés par le « réalisme » (ils se reconnaîtront) qui parlent maintenant de « deux Etats » sont en fait gagnés par une reddition abrahamique dissimulée qu'ils n'osent délivrer à leurs peuples. Cette capitulation cachée, tardive, derrière le droit international ne reçoit que mépris des sionistes convaincus de leur victoire contre ces ectoplasmes incapables de se tenir debout, qui arrivent bardés d'un droit et d'une Résolution de 1948 que plus personne ne respecte.

Pour arrêter le massacre en cours à Ghaza et la colonisation rampante de la Cisjordanie, il aurait fallu d'une décision d'une extrême simplicité : que l'Egypte, la Jordanie, le Maroc et les Emirats arabes unis, Bahreïn, Maroc, Soudan et la Turquie rompent toutes leurs relations avec Israël.

L'idéal serait que Bahreïn exige le départ de la Vème flotte, que les bases militaires américaines soient fermées et que les comptes bancaires arabes soient clôturés en Europe et leurs fonds rapatriés ailleurs...

L'annonce d'un tel projet suffirait à produire un effet salutaire sur la paix mondiale. Chacun peut imaginer l'impact de cette simple menace sur les marchés financiers internationaux. Que l'on songe à la panique qui saisirait les agioteurs derrière leurs écrans.

L'état de l'économie des pays les plus pauvres concernés n'en serait pas davantage affecté.

Mais pour cela, il faut se remettre debout et mettre une culotte.

Ne rêvons pas.

A l'exclusion de ceux qui ont l'habitude de se salir les genoux, pointent cependant, à l'horizon des possibles, des alternatives crédibles, solides, vraisemblables.

Le temps va vite et les rapports de forces en mutation dessinent un avenir qui arrive à grands pas....

Les Grands mamamouchis en gandouras, la tête et la panse gavées de royalties pétroliers devraient songer à ne pas rater ce train.

8.- L'Occident déchristianisé et amnésique

Le message du fils de Marie a été très vite, très tôt détourné et dénaturé. Il a servi de prétexte aux Croisades, utilisé pour oindre des monarques, couvrir les plus abominables desseins... Le Christ ne s'est jamais compromis dans la fondation d'un nouveau culte. Toute son action a été conduite dans le sillage d'Abraham (aujourd'hui dévoyé) et de Moïse. Chez nous, on parlait de « redressement révolutionnaire » pour remettre le train sur les rails qu'il avait quittés. Et, comme on le voit, il n'y a rien d'irréversible dans les déchéances de l'histoire.

« Vous avez pétrifié la parole du seigneur » a-t-il lancé aux administrateurs du culte au Sanhédrin, les enjoignant de retrouver le chemin tracé par ceux des leurs qui les ont précédés.

Les confusions trinitaires ont tôt fait de subsumer l'essentiel. Et l'essentiel, c'est Paul qui le délivre dans son épître aux Galates, 3:28.2

« Il n'y a plus ni Juifs ni non-Juifs, il n'y a plus ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme. Vous êtes tous un. »

Les Occidentaux ont oublié le message du Christ pour qui l'humanité est une et indivisible.

9.- Dieu s'adresse au monde3...

« Plus haut monte le singe, plus il montre son c... » François Olivier.

Sa Majesté Trump, énième du nom, a daigné descendre de son nuage pour venir entretenir le bas-monde de son Royaume et du destin de l'univers. Le monde médiatique s'est appliqué à taire le verbatim qui suit :

« Il y a un an, notre pays faisait face à de sérieux problèmes. Mais grâce à mon administration notre pays est à nouveau sur le devant de la scène. Il n'y a aucun autre pays qui arrive à notre hauteur. Les Etats-Unis ont l'économie la plus forte, les frontières les plus fortes, l'armée la plus forte, les amitiés les plus fortes et l'esprit le plus fort de tous les pays du monde. Nous sommes dans l'âge d'or des Etats-Unis. (...)

« La bourse américaine a battu 48 records ces derniers temps ». (...) Elle se porte mieux que jamais et vous tous dans cette salle vous en bénéficiez. » « Ces investissements arrivent aux Etats-Unis de partout dans le monde. (...) Ce qui fait de nous le meilleur pays au monde pour faire des affaires et nombre d'entre vous vous dans cette salle investissez aux Etats-Unis, et on a prouvé que c'est un excellent investissement.

Durant mon premier mandat, j'ai bâti la plus belle économie de l'histoire du monde. Mais cette fois-ci l'économie sera encore plus belle, encore plus grande. Les chiffres surpassent les records que j'avais établis lors de mon premier mandat. » (...)

« Sur la scène mondiale, les Etats-Unis sont respectés comme jamais auparavant. Il y a deux, trois, quatre ans, on se moquait de nous partout dans le monde. » (...)

I am the World.

« J'ai réalisé que les Nations unies n'étaient pas au rendez-vous. Je me pose la question : quel est l'objet des Nations unies ? « On peut se demander si les Nations Unies sont encore capables de jouer un rôle productif. Je suis ici pour vous proposer l'amitié et le leadership des Etats-Unis pour que nous puissions forger un monde plus prospère, un monde de sécurité. Et c'est un monde où tout le monde sera bien plus heureux. »

« Nous avons négocié les accords d'Abraham, des accords très importants, mais notre pays n'a pas été félicité pour cela. Tout le monde dit que je devrai recevoir le prix Nobel de la paix pour chacune de ces réalisations. »

10.- L'ONU est, à l'évidence, morte de sa belle mort. L'arbitraire autocratique américano-sioniste l'a achevée. Le temps ne serait-il pas venu de revoir de fond en comble les institutions internationales et mettre en place une concertation mondiale pacifiée pour la tenir hors de portée des pouvoirs exorbitants hérités de ce qui reste des monstres enfantés par l'histoire.

11.- Reconnaître ses torts.

« Reconnaître » admet une troisième acception, une vertu géopolitique qui préserverait le monde de drames à venir.

Pendant qu'il est encore temps, Israël et les pays occidentaux qui le soutiennent ne devraient-ils pas reconnaître les torts faits à ce peuple-martyr impitoyablement et vainement expulsé de lui-même depuis plus de 60 ans ?

Reconnaître ses torts va aussi dans le même sens que reconnaitre ses dettes pour les solder honorablement, avant d'y être contraint.

Si l'Occident est convaincu d'avoir des leçons à donner au monde, pourquoi courageusement ne saisirait-il pas cette occasion pour tenter d'en convaincre le reste de l'humanité qui a tant souffert de ses « bienfaits » ?

Notes

1- Les États-Unis envisagent d'imposer des sanctions dès cette semaine contre l'ensemble de la Cour pénale internationale (CPI) en représailles aux enquêtes qu'elle mène sur des crimes de guerre qui auraient été commis par Israël à Gaza. Washington a déjà imposé des sanctions ciblées à plusieurs procureurs et juges de la Cour, mais sanctionner l'institution elle-même constituerait une escalade majeure. (Reuters, L. 22 septembre 2025)

2- Confirmé dans la première épître de Paul. « En effet, nous avons tous été baptisés dans un seul et même Esprit pour former un seul corps, que nous soyons Juifs ou non-Juifs, esclaves ou hommes libres. » (Corinthiens, 12:13).

3- ...à ses compatriotes et, accessoirement, à ses homologues éberlués présents dans la salle des Nations Unies. D. Trump à la tribune des Nations Unies, mardi 23 septembre 2025.