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Trump: son discours hallucinant aux Nations Unies

par Djamel Labidi

On savait du Président Trump qu'il dirigeait une révolution réactionnaire, maintenant on sait que cette révolution est ultraréactionnaire. Il en a parlé à l'ONU, hier 23 septembre, sans ambages, exactement comme dans ses meetings, comme s'il s'adressait aux américains.

Il n'a fait aucune différence entre le niveau national et le niveau mondial, comme si la politique intérieure des Etats Unis et sa politique étrangère était une même chose, comme si le monde appartenait aux Etats Unis: les mêmes mots, les mêmes thèmes que dans ses meetings, «l'immigration menaçante, le mensonge de l'Ecologie, le terrorisme», et jusqu'à la dénonciation de son prédécesseur l'ex président Biden, sans se soucier de protocole, de tradition, pour dire exactement tout ce qu'il veut, sans aucun frein, sans aucune retenue, sans surmoi. Il parle d'un ton monocorde, sans une virgule, passant d'un sujet à l'autre sans transition. Il parle avec un aplomb stupéfiant, une assurance totale, donnant des chiffres, des pourcentages incontrôlables, et parfois, d'évidence, invraisemblables,mais ceci ne semble pas du tout le préoccuper, le plus important étant qu'ils frappent l'opinion.Il y a aussi, dans ce discours, une méfiance marquée envers la science. Comme il avait parlé dans son premier mandat de l'arnaque du coronavirus, il dénonce cette fois ci celle du changement climatique.

Le discours est d'une brutalité inouïe. L'assistance composée des représentants des nations du monde, semble sidérée. Elle va d'ailleurs applaudir à la fin comme soulagée par les dernières paroles de Trump, qui, habilement, tempère son propos par un hommage aux peuples, aux nations rassemblées, à leur richesse culturelle. Technique d'évidence de l'homme d'affaire qui alterne le chaud et le froid et qui détend l'atmosphère après avoir tétanisé l'adversaire. Mais ici, l'homme d'affaire a le pouvoir et il est à la tête de la nation, peut être encore, la plus puissante du monde, et on devine, en lui, une sorte d'ivresse de pouvoir et de puissance qui se développe rapidement, dans un narcissisme extrême. C'est peut-être le plus inquiétant.

Les Nations Unies

Tout le discours est empreint d'un mépris sous-jacent envers les Nations-Unies. Il est clair que le président Trump ne supporte pas les Nations Unies, Et preuve que «les Nations Unies ne servent à rien», il leur reproche de n'avoir rien fait, même pas une lettre d'encouragement, concernant «les 7 guerres qu'il a arrêtées» mais il dénonce avec violence la reconnaissance de l'Etat palestinien, sans se soucier de la contradiction avec sa posture d'homme de la paix.

Il n'a pas de mot assez dur envers l'ONU, y compris sur sa gestion interne qu'il qualifie de catastrophique et de corrompue. L'exemple qu'il donne de la gabegie qui aurait présidé à la réfection du siège, en est selon lui la preuve. On apprend, de sa propre bouche à cette occasion, qu'il aurait fait une offre de 500 millions de dollars «bien moins couteuse et bien plus avantageuse» qui aurait été rejetée. Et il s'étend, en véritable promoteur immobilier, sur la qualité des matériaux qu'il aurait, lui, utilisés. Tiens, tiens, n'y aurait-il pas, là, de plus une odeur de règlement de comptes, chez quelqu'un qui ne fait même plus la différence entre la dimension personnelle, et la dimension politique. Il dira même, à un moment, que lorsqu'il n'aime pas quelqu'un «c'est total et définitif». Il semble même rappeler à l'assistance qu'ils sont à New York, c'est-à-dire chez lui, aux Etats Unis.

Du jamais vu, du jamais entendu dans le discours d'un chef d'Etat. On a à certains moments l'image d'un PDG qui parle de son entreprise, et la vante: «en six mois, j'ai fait ceci et cela, «j'ai attiré 1700 milliards de dollars d'investissement, les Etats Unis sont désormais la plus prospère des nations, le pays vit un âge d'or», etc..

Il y a dans le discours trumpiste, une nation qui dit à toutes les autres «qu'elle est la plus grande du monde, la plus forte du monde, qu'elle a la plus grande armée du monde, la plus grande économie du monde», qui est puissante et qui menace ses adversaires, clairement, même pas à demi-mot, de la même façon qu'il menace, dés le début de son intervention, le pauvre fonctionnaire de l'ONU qui a commis le crime de lèse-majesté de lui donner un prompteur en panne.

Le discours de Trump et le discours de Poutine

Ce qui est frappant dans le discours trumpiste ce sont les convergences avec le discours Poutinien, comme un miroir, mais un miroir inversé. Les mêmes thèmes sont traités: nation, identité, l'héritage ancestral, les relations entre nations, la spécificité nationale, la souveraineté, mais là, où il y a chez le président Poutine un nationalisme qui se veut libérateur, égalitaire à travers un monde multipolaire, il y a chez le président Trump, un nationalisme de domination, qui est affirmé, qui est exprimé sans fausse honte, qui s'exprime avec un mépris souverain de tous ces peuples, de toutes ces nations d'où provient «cette émigration barbare et menaçante» pour «la civilisation occidentale, la chrétienté et le monde libre», comme il le martèle. C'est mot pour mot la fameuse thèse du «grand remplacement» si chère à l'extrême droite européenne.Il est allé jusqu'à accuser le maire de Londres de «vouloir établir la charia».Celui qui parle ainsi appartient à une nation qui a volé sa terre, son pays à ses premiers habitants pour ensuite les massacrer, se livrer au plus grand nettoyage ethnique de l'Histoire, et opérer, mais réellement ici, un «grand remplacement». Est-ce une coïncidence que c'est le même programme qu'il propose pour Gaza sous prétexte de lutter contre Hamas.

Le président Trump est apparu, ou a voulu apparaitre ce jour-là, porteur d'une vision et choisir la tribune de l'ONU pour la diffuser dans le monde. Ce discours sonne comme un coup d'envoi à une opération globale dans tout l'Occident, comme un appel à la prise de pouvoir de toutes les forces ultranationalistes qui en Europe développent les mêmes thèmes et partagent la même vision idéologique.

Cette situation n'est pas sans avoir quelques similitudes avec certains traits du national-socialisme. On trouvait dans l'idéologie fasciste et nazie tous les thèmes du socialisme, défense des travailleurs, dénonciation de la bourgeoisie et des injustices, luttes desclasses. Les nazis avaient emprunté ces thèmes aux partis socialistes et communistes de l'époque, mais en les détournant vers une orientation hégémonique, suprémaciste, raciste.

De de la même façon, aujourd'hui dans le trumpisme, il y a les mêmes thèmes que le discours poutinien, et plus généralement celui des Brics, sur «l'identité des peuples, la richesse des cultures, la nécessité de les respecter, la souveraineté» mais dans une direction xénophobe, ultranationaliste, L'Histoire pourrait-elle se répéter ?