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Le crépuscule du contestataire: Son dernier passage à Marrakech

par Salah Lakoues

Dans les ruelles aux effluves d'épices et de jasmin de Marrakech, là où la lumière du soleil caresse la Koutoubia comme une amante passionnée, Rachid Nekkaz fit une apparition qui fit vibrer les pierres millénaires de la ville. Le lundi 17 mars, à l'heure où les ombres s'allongent sur les médinas, son pas hésitant se transforma en une marche envoûtante, défiant les lois invisibles d'un destin tout tracé.

Tel un funambule audacieux sur le fil ténu de l'histoire, Nekkaz, par ses mots enflammés diffusés sur YouTube, osa redéfinir la légende de la mosquée Koutoubia. Dans un discours qui se voulait une ode à un passé réécrit, il invoqua l'esprit d'un calife algérien et de ses alliances oubliées, tout en évoquant le Sahara occidental comme un territoire aux voiles de justice en lambeaux. Ce n'était pas qu'un simple passage dans la ville ocre, mais une incursion poétique dans les méandres d'un récit historique en devenir.

Ce dernier passage, empreint de la tension d'un crépuscule incertain, se mua en un drame théâtral. Les autorités, telles des sentinelles d'un palais ancien, intervinrent pour faire taire cette voix rebelle. Bref instant suspendu entre la rébellion et l'obéissance, Nekkaz fut brièvement retenu, avant que le vent de la libération ne le porte à nouveau sur les chemins sinueux de la contestation.

Dans ce décor de Marrakech, où chaque mosaïque raconte une histoire et chaque ruelle résonne des murmures du passé, le militant algérien laissa une empreinte éphémère mais indélébile. Son passage devint le reflet d'un combat ancien, celui de l'âme qui refuse de se soumettre, une métaphore vibrante d'un désir de renaissance pour une Afrique du Nord unie, où les frontières ne sont que des lignes sur le sable balayées par le vent.

Ainsi, dans la ville aux mille visages, le souvenir de ce passage se mêle aux légendes urbaines, rappelant que, parfois, c'est dans le tumulte d'une arrestation que naît la plus belle des révoltes poétiques.

Le Chant du désert : l'Odyssée de Rachid Nekkaz pour un changement authentique sous le ciel brûlant du Sahara, alors que le vent emporte les sables et murmure les légendes d'antan, une silhouette solitaire entame une marche qui transcende la simple protestation. Rachid Nekkaz, homme aux multiples visages - entrepreneur, activiste et rêveur invétéré - s'inscrit dans la grande épopée d'une Algérie en quête de renouveau.

Ce fut à In Salah, au cœur d'un désert qui semble avoir gardé les secrets d'un passé glorieux, que la première note de son hymne contestataire résonna. Face aux projets d'exploitation du gaz de schiste, perçus comme une menace pour l'environnement fragile du Sud et les réserves d'eau qui nourrissent la vie, Nekkaz se dressa avec la fougue d'un guerrier moderne. Ses manifestations, teintées de passion et de défi, ne se limitaient pas à dénoncer un danger imminent, mais s'inscrivaient dans un appel vibrant à la préservation de l'âme d'une terre ancestrale.

De In Salah à Alger, de chaque coin de l'Algérie - les 58 wilayas- résonnaient de ses pas. Sa marche à pied, longue de plus de 3.000 kilomètres, n'était pas qu'un simple périple géographique : c'était une traversée symbolique, une quête où chaque village, chaque colline, chaque oasis devenait le théâtre d'un dialogue sincère entre l'homme et sa patrie. Sous le soleil impitoyable et la fraîcheur des nuits étoilées, Rachid Nekkaz ralliait les cœurs, semant la graine d'un changement pacifique.

Les routes poussiéreuses se transformaient en artères d'espoir. Au fil des jours, les rencontres avec des habitants au regard fier et déterminé tissaient le récit d'un peuple qui refusait que son territoire devienne le laboratoire d'expérimentations risquées menées par des multinationales. Dans ses discours enflammés, il évoquait le besoin urgent d'un moratoire sur l'exploitation des ressources, un cri du cœur pour protéger non seulement l'environnement, mais aussi la dignité et l'avenir des générations futures.

Malgré les obstacles - arrestations impromptues, expulsion des lieux, et le regard méfiant des autorités - chaque embûche renforçait sa détermination. Car, pour Nekkaz, la politique n'est pas un jeu de pouvoir, mais l'expression authentique d'une volonté de transformation pacifique. Ses marches, teintées d'une poésie guerrière, rappelaient aux citoyens que le véritable changement se construit pas à pas, dans la solidarité, et dans le courage de défier un système qui semble souvent étouffer les voix dissidentes.

Ainsi, dans le tumulte des manifestations et la poussière soulevée par ses foulées, l'histoire d'un homme se conjugue au présent d'un pays en quête d'espoir. Rachid Nekkaz, par sa marche et par sa parole, incarne l'âme indomptable d'une Algérie qui aspire à un renouveau, où la liberté et le respect de la nature priment sur les intérêts économiques. Le désert, témoin silencieux de ses épreuves, garde en mémoire l'écho de ses pas - un chant éternel du changement.

Effectivement, loin d'être de simples coups d'éclat, ces actions incarnent une vision d'avenir pour l'Algérie. Elles ne relèvent pas d'une vaine quête de gloire, mais bien d'un engagement profond pour bâtir un pays nouveau, construit jour après jour par la vitalité et l'espoir de sa jeunesse. Chaque marche, chaque manifestation résonne comme un appel à la solidarité et à la transformation pacifique. En mobilisant les citoyens sur tout le territoire, l'initiative de Rachid Nekkaz se pose en véritable catalyseur du changement, offrant à ce jeune pays les outils pour se forger une identité forte et autonome, dans le respect de ses ressources naturelles et de son patrimoine culturel. Ces actions tracées dans le désert et au cœur des villes témoignent de la conviction que l'avenir se construit collectivement, et que la jeunesse, moteur de renouveau, est indispensable pour porter le flambeau d'une Algérie souveraine et éclairée.

Oui, l'engagement de Rachid Nekkaz pour les libertés individuelles ne s'est pas limité aux frontières de l'Algérie. Fidèle à ses principes de justice et d'État de droit, il a défendu le droit des femmes à disposer de leur propre corps, y compris celles qui portaient le niqab, en s'opposant aux lois qui leur imposaient des amendes en France et en Europe.

Sans être islamiste, mais au nom d'une certaine idée de la liberté, il a mis en place un fonds destiné à payer les contraventions infligées aux femmes verbalisées pour le port du niqab, dénonçant ce qu'il considérait comme une atteinte aux droits fondamentaux. Cette initiative, largement médiatisée, lui a valu des soutiens, mais aussi des critiques virulentes. Pourtant, il est resté fidèle à son credo : un État de droit ne peut pas dicter aux individus comment s'habiller, et les libertés fondamentales doivent être défendues sans distinction idéologique.

Dans cette démarche, il a incarné une posture cohérente avec son combat pour la démocratie et la justice. De la lutte contre le gaz de schiste à In Salah à ses marches à travers l'Algérie, en passant par la défense des libertés individuelles en Europe, Rachid Nekkaz a construit un parcours atypique, souvent controversé, mais toujours animé par une vision : celle d'un monde où les citoyens ont le droit d'exister sans contrainte arbitraire, quel que soit leur choix de vie.

Rachid Nekkaz, qui a lui-même connu les affres de la prison, dénonce avec véhémence ce qu'il perçoit comme un double standard judiciaire appliqué par la France. Selon lui, si Boualem Sansal, écrivain et figure controversée, est sévèrement sanctionné pour atteinte à l'intégrité territoriale, il est inadmissible qu'un ex-ministre comme Bouchouareb Abdeslam échappe aux mêmes rigueurs. Pour Nekkaz, cette inégalité de traitement ternit la crédibilité de la justice et appelle à une équité sans compromis. Ainsi, il demande à la France de cesser de faire preuve de favoritisme et d'extrader Bouchouareb Abdeslam, afin de rétablir un équilibre et de mettre fin à ce qui, selon lui, constitue une injustice flagrante.

Rachid Nekkaz se positionne comme un véritable catalyseur d'engagement pour la jeunesse. Pour lui, rien ne vaut une évolution pacifique et harmonieuse de l'Algérie, obtenue par le respect des règles et la participation active de chacun à la construction du pays. Son parcours, marqué par ses propres épreuves - notamment l'incarcération - et ses prises de position audacieuses, incarne l'idée que le changement se fait par le dialogue, la pédagogie et l'engagement citoyen.

Ainsi, en inspirant les jeunes à s'impliquer dans la vie publique et à défendre un état de droit équitable, il propose une vision où l'évolution sociale et politique se réalise de manière pacifique, renforçant ainsi le tissu démocratique et la cohésion nationale.

Sous le ciel infini du désert, où les vents chuchotent encore les récits des ancêtres, une nouvelle ère s'esquissait. L'Algérie, forte de son passé, s'engageait dans une transformation profonde, un voyage vers la modernité ancré dans les principes de la déclaration du premier novembre 1954.