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![]() ![]() ![]() ![]() Il y a un texte
qu'il faut lire, absolument lire. Il a été écrit par un Palestinien américain,
Ahmad Ibsais (1). C'est un étudiant en Droit de
l'Université du Michigan qui est à l'avant-garde de la solidarité avec la
Palestine (2). Il écrit dans le bulletin d'information «State of Siege».
Il représente à merveille la génération de Gaza, cette nouvelle génération qui est née à la conscience politique dans ce drame historique imprescriptible, ontologique pourrait-on dire, que constitue pour le genre humain le martyre de Gaza. Son texte est d'une logique implacable, dure, d'une lucidité poussée à l'extrême, sans concession aucune et à la limite brutale. Il ne dénonce pas seulement Israël comme bien d'autres textes, mais les israéliens. Il ne dénonce pas seulement les Israéliens mais l'Occident tout entier. Il s'agit bien sûr de l'Occident géopolitique, de cet Occident hégémonique, dominateur et prédateur, que dénoncent, dans les pays occidentaux eux-mêmes, les immenses manifestations de solidarité avec le peuple palestinien. Il faudrait citer chaque phrase de ce texte de Ahmad Ibsais, tant il est dense, tant chacune de ses lignes est une information, une idée, une vérité, une réflexion, une conclusion. C'est pour cela que j'ai proposé à la rédaction du «Le Quotidien d'Oran» de le publier in extenso. A l'heure où j'écris je ne sais pas si cela va se faire. J'en donne donc ici le lien en Anglais et en Français (1), et j'ai choisi une citation du texte qui à mon avis, en résume l'esprit. Voici ce qu'il dit à propos de l'entreprise de deshumanisation menée par Israël en Palestine et à Gaza: « Mais peut-être que la condamnation la plus accablante de cette deshumanisation systématique n'est pas ce qu'elle révèle sur la société israélienne mais ce qu'elle expose sur le monde occidental dans son ensemble qui la rend possible ». Le fond du problème Ce texte, qui provient du cœur de la domination occidentale, les Etats-Unis d'Amérique, exhorte sans cesse à ne se faire aucune illusion, ni sur Israël, ni sur l'Occident. N'a-t- ilpas touché là au fond du problème. N'y a- t-il pas en effet des illusions persistantes, qui demeurent même chez ceux qui se battent le plus courageusement contre la domination israélienne. Ne faut-il pas chercher dans ces illusions l'explication de bien des revers, de bien des échecs, de bien des souffrances, de la résistance à la domination israélienne et occidentale sur le Moyen Orient. Il y a là, comme enfoui dans un inconscient accumulé de siècles d'aliénation et de soumission, cachée tout au fond de chacun, l'idée, non, le préjugé que l'Occident a des valeurs et des règles, bref qu'il est civilisé et qu'il ne saurait lui-même les enfreindre. Ces illusions sont mortelles. Des généraux, des responsables iraniens, des intellectuels, des scientifiques ont été tués dès les premiers instants des frappes israéliennes, comme au tir au pigeon. Ils dormaient tranquilles, parfois chez eux, sûrs probablement que les négociations de paix en cours avec Trump allaient ouvrir la voie à un accord, et qu'Israël n'oserait quand même pas. Eh bien, Israël a osé. Ces personnalités iraniennes n'étaient pourtant que la suite d'une longue liste d'assassinats, perpétrés dans les mêmes conditions, par les Etats-Unis et Israël, parfois en plein jour et à Téhéran même. Ismaël Haniyeh, le chef du Hamas et ancien Premier ministre de l'Autorité palestinienne, aurait-il jamais pu imaginer qu'Israël l'assassinerait en pleine négociation de cessez- le- feu, et qu'il assassinerait le négociateur lui-même. Avait-on jamais vu cela dans l'Histoire contemporaine ? Et il a été tué non pas au combat dans sa Palestine, mais en Iran, dans le pays hôte. Quelle honte à ce moment pour ses hôtes! Mais qu'allait-il faire lui aussi en Iran, au moment même où il s'ouvrait à Gaza un combat décisif ? Ne connaissait-il pas assez l'ennemi qui avait déjà tué quelques semaines avant ses enfants et ses petits-enfants ? Et il y a aussi, Nasrallah, chef lucide et rationnel s'il en est parmi les dirigeants de la résistance arabe, magnifique de courage, de persévérance et de combativité, qui est tué. Et où ? Dans son siège avec pignon sur rue. Peut-être avait-il l'illusionlui aussi que les israéliens n'iraient pas jusqu'à là et qu'ils avaient besoin d'un vis-à-vis ayant autorité, et avec qui parler. Peut-être avait-t-il cru qu'Israël allait respecter certaines règles de la guerre, celles qu'on ne tue pas les présidents, les chefs d'Etats, les dirigeants de la partie adverse. Israël parle désormais d'assassiner les chefs de l'Etat iranien, Ali Khameneiet Massoud Pezeshkian, ni plus ni moins. Le président Trump avait affirmé qu'il avait empêché ce plan d'assassinat mais n'était-ce pas encore là une ruse pour mieux tromper les dirigeants iraniens ? D'ailleurs l'Occident n'avait-il pas songé un temps et peut-être aujourd'hui encore, à tuer le président Poutine. Les médias occidentaux y appelaient sans cesse au début de la guerre en Ukraine (2). C'est dire le délire occidental. Et puis ces règles, ces normes occidentales des relations entre Etats, sont réservés aux « civilisés ». Mais, voilà, les Arabes, les Musulmans ne sont pas inclus dans la définition des « civilisés ». Les concernant, tout est permis. Allez- y. Qui pourra l'empêcher ? Les « civilisés » et les autres On pourrait allonger la liste des conséquences mortelles de ces illusions. Ces illusions sont peut-être le secret de ce lien invisible par lequel l'oppresseur domine l'opprimé, se le soumet, se l'aliène, le subjugue. Non pas seulement par sa force matérielle, mais par sa capacité à dominer son esprit, même bien après la fin de sa domination directe. Ne se faire aucune illusion, n'est-ce pas la condition pour enfin vaincre, trouver la sortie? C'est le jour où l'Algérie a abandonné toute illusion, des illusions qui avaient touché jusqu'à ses grands hommes, comme l'Emir Abdelkader, et ravager un temps ses élites, c'est le jour où elle a compris le message silencieux transmis par les processions interminables de ses ancêtres martyrisés, c'est ce jour qu'elle a été prête à se libérer. On ne célèbrera jamais assez la lucidité historique de ce groupe de jeunes qui a déclenché la Révolution du 1er Novembre 1954. Mais ces illusions, il faut le dire, peuvent revenir. Elles sont nourries et renouvelées sans cesse par ceux parmi les élites dirigeantes qui, pour une raison ou pour une autre, succombent aux charmes de la domination d'un Occident, en déclin certes, mais qui conserve de beaux restes. On peut aussi dire, à la décharge du monde arabo-musulman, que ces illusions en ont touchés plus d'un, et des pays apparemment mieux armés pour y résister. L'URSS s'est effondrée lorsque Gorbatchev, et le courant occidentaliste russe, a cru qu'il suffirait de liquider le communisme, le socialisme , l'OTAN et le Pacte de Varsovie, pour entrer dans le paradis occidental, et que s'ouvre une ère de paix entre l'Est et l'Ouest. Cela n'a rien changé. Le problème n'était ni le communisme,, ni le pacte de Varsovie, il était la Russie. Elle était trop grande, trop puissante encore, avec une trop grande volonté d'indépendance et de souveraineté en face de l'Occident, trop insoumise. Il fallait la circonvenir, l'encercler, l'achever après son effondrement. Les illusions de la Russie Même le Président Poutine, à un moment, s'était bercé d'illusions. Il avait ainsi essayé de faire partie du G7, et donc de l'Europe et de l'Occident sous les applaudissements des élites russes occidentalisées. Il avait même été berné, dans les accords de Minsk de 2014 et 2015 qui n'avaient servi à l'Allemagne et à la France, qu'à « gagner du temps pour préparer l'Ukraine à la guerre », selon les dires de leurs chefs d'Etat respectifs eux-mêmes. C'est après avoir compris ses propres illusions sur l'Occident, que Poutine a pu redresser la Russie, lui redonner des forces, et rejoindre à l'autre pôle la Chine. Celle-ci est peut-être la seule à ne s'être jamais bercée d'illusions, à cause de sa profondeur civilisationnelle quatre fois millénaire. Une seule expérience lui avait servi, la « Guerre de l'opium » que lui avaient imposée les puissances occidentales, pour n'avoir plus, à jamais, d'illusions sur l'Occident. Mais c'est un autre sujet. Le conflit qui se déclenche en Ukraine, a marqué, au fond, la fin de toutes les illusions pour la Russie. La Russie et la Chine se sont rejointes, créant un nouvel espace de développement humain, voire de civilisation, l'Eurasie. Les BRICS sont nés et se sont développés, renforcés. Et lorsque le président Trump essaie aujourd'hui de séduire la Russie, de lui faire miroiter un avenir exceptionnel dans l'alliance avec les Etats-Unis et son éloignement de la Chine, cela « ne marche plus ». La Russie semble dire qu' « on ne la lui refait pas ». Poutine reste intraitable : il exige que soient supprimées ce qu'il appelle « les causes profondes de la guerre », c'est-à-dire l'encerclement de la Russie par l'OTAN, et la guerre par procuration menée par l'Occident contre elle. L'expérience historique a servi. Mais voilà que l'Histoire se répète. Israël attaque encore une fois traitreusement. Et l'Iran se laisse surprendre. L'Iran s'est-il laissé endormir par les négociations qui étaient en cours avec les Etats-Unis, comme la Russie à Minsk ? Le pouvoir iranien n'a-t-il pas compris que le véritable objectif était de l'abattre et non le prétexte des armes nucléaires ? C'est, dans une forme et un contexte différents un remake des « armes de destruction massive ». Que le président Trump ait participé à la tromperie ou qu'il se soit laissé tromper, lui aussi, importe peu en définitive. Cette ambiguïté, cette duplicité éventuelle lui permettra en même temps de convaincre son électorat qu'il n'est pas belliciste, d'intervenir éventuellement, comme de se présenter en médiateur le cas échéant. De toute façon, les faits sont là, Israël militairement ne peut rien faire sans les Etats-Unis et les autres puissances occidentales. Les preuves d'ailleurs, s'il en était besoin, s'accumulent sans cesse. Le mépris Il suffit d'écouter le président Macron dire qu' « en cas de représailles, la France défendra Israël » pour comprendre ce dont est capable le camp occidental. Plus que le ridicule du propos, plus que l'insulte à l'intelligence qu'il représente, il faut y voir le mépris sans limite qu'il traduit pour le monde arabo-musulman. Peu importe, pour les dirigeants occidentaux, la cohérence, il suffit de faire parvenir la menace à l'Iran et ces alliés éventuels. La légalité, le Droit international, la morale même, n'ont rien à faire là-dedans. Le président Macron en profite aussi pour saisir l'occasion de se réconcilier avec Israël après sa fausse querelle sur la nécessité d'un Etat palestinien, d'ailleurs déjà vite oubliée. Preuve encore qu'il n'y a là aucune confiance à avoir. Le 17 juin, le porte-avions américain à propulsion américaine Nemitz fonce sur l'Iran avec son escadre. Un autre porte-avions serait en route. Trump confirme maintenant qu'il ne compte pas « éliminer (tuer) Ali Khamenei du moins pour le moment ». Il exige « une capitulation sans condition de l'Iran » (journal Le Monde' 17 juin). Il se disait non belliciste. Mais l'Iran n'est pas la Russie. Chassez le naturel, il revient au galop. L'Europe applaudit. Elle retrouve les Etats Unis comme elle l'aime. Mais jusqu'à quand ? Les Etats-Unis ne sont plus ce qu'ils étaient malgré les apparences. Les surprises ne manqueront pas dans cette nouvelle aventure américaine. Elle ne peut se terminer que par un désastre, comme les autres précédentes, et peut être plus encore.Décidément, l'impérialisme est un mauvais élève, surtout quand il radote. Ils sont capables de tout Après le génocide en cours à Gaza, après cette attaque traîtresse contre l'Iran, et celles qui ont précédé contre les pays voisins, on ne peut plus ne pas savoir qu'Israël et ses sponsors soient capables de tout au sens littéral du terme. Israël n'est pas un Etat comme les autres, il n'est pas un pays comme les autres. C'est ce que s'acharnent à démontrer chaque jour Israël lui-même. Il ne peut vivre sans la guerre. La preuve, il fait la guerre de façon continue depuis 77 ans. Netanyahu en est, non pas une excroissance monstrueuse d'Israël mais son expression parfaite, son résumé, son essence. Israël est le seul pays qui risque de disparaitre en cas de défaite. Est-ce normal ? Cela prouve l'absence de ses racines. Il est une entité, le mot s'impose de lui-même. Mais une entité de quoi? Eh bien de l'Occident, de l'Hégémonie occidentale. Il est la quintessence de ses tromperies, de ses perfidies, de ses génocides répétés. Il est son résumé. La résistance des Palestiniens de Gaza, dans son incroyable héroïsme, aura au moins ouvert les yeux au monde entier à ce sujet. Israël est un projet mortel conçu par l'Occident. Et vouloir l'amender, est une mortelle illusion. Le texte avec lequel nous avons commencé notre propos, se termine sur ces lignes, en disant au sujet de Gaza, de la Palestine et de la société israélienne: « La seule question qui se pose désormais est de savoir si le monde continuera à permettre cette solution finale ou s'il finira par la reconnaitre pour ce qu'elle est et agira pour y mettre fin.Car si l'histoire nous a appris quelque chose, c'est que les sociétés capables d'un tel consensus génocidaire ne retrouvent pas spontanément leur humanité. Il faut les arrêter. ». Les illusions des autres Mais il y a d'autres illusions. Elles sont le fait, celles-là, de l'Occident militarisé et d'Israël. C'est avec leur illusion qu'ils pourront vaincre la résistance des peuples d'Orient. Ces illusions ont leur origine dans le mépris et la sous-estimation qu'ils ont des autres peuples et leur croyance en leur supériorité originelle, malgré tous les signes actuels de leur sénilité et de leur déclin. Malgré la trahison de l'attaque israélienne et de la complicité manifeste des Etats-Unis et des autres puissances occidentales, le temps de la surprise passée, l'Iran a réagi. L'Iran, malgré tous les aléas, a lui aussi appris. Il donne la preuve qu'il n'avait pas perdu du temps ces dernières décennies, depuis la chute du Shah si chéri d'Israël et de l'Occident, et qu'il a accumulé des capacités technologiques, scientifiques, militaires. Il est devenu un pays capable de fabriquer lui-même ses armes pour se défendre, et être autonome en la matière. Il a une industrie de guerre tandis qu'Israël ne survit qu'avec les armes américaines et occidentales, et au rythme de leur livraison. Les israéliens, habitués à mépriser leur adversaire, à le sous-estimer, sont en réalité surpris par la riposte iranienne. Ils sont obligés aujourd'hui de se terrer dans leurs abris, preuve que leur courage n'existe que quand ils sont seuls à frapper. Il ne s'agit plus de frapper un peuple sans défense à Gaza. A Gaza même, la résistance surhumaine des Palestiniens est la preuve de leur supériorité morale sur Israël et ses protecteurs occidentaux. Les israéliens seraient-ils capables de résister ainsi, sous un déluge de bombes, dans la mort, dans la famine, la soif et la faim, non pas 618 jours comme le peuple de Gaza, mais seulement un mois, une semaine. Ils auraient depuis longtempsquitté « la terre promise ». Les Palestiniens donnent bien la preuve ainsi qu'il s'agit, pour eux, de leur terre, qu'ils y sont accrochés, enracinés. Entre les illusions des uns et des autres, celles des opprimés et celles des oppresseurs, il y a une différence majeure: les uns perdront leurs illusions, quand elles existent, tôt ou tard et se libèreront, mais pour les autres, quand ils les perdront, il sera trop tard. Notes (1) https://ahmadibsais.substack.com/p/the-genocidal-heart-of-israeli-society https://www.aljazeera.com/author/ahmad_ibsais_190919183810495 https://mondoweiss.net/author/ahmad-ibsais/ (2) https://www.youtube.com/watch?v=epmjiTZsxuA (3) «»Quand sur la Chaîne d'information LCI, on discute de «l'élimination» du Président Vladimir Poutine !» https://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5310737&archive_date=2022-03-15 |
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