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L'«effet» Tiguentourine

par Belkacem AHCENE-DJABALLAH

«L'Algérie a agi avec responsabilité et professionnalisme et l'intervention rapide et décisive de l'Anp était un choix en la circonstance, rejetant ainsi la négociation afin que les criminels ne deviennent pas des négociateurs» (Revue El Djeich, janvier 2013. Extrait)

Il faut le reconnaître et le dire : le 16 janvier 2013, les Algériens se sont retrouvés «plongés» brutalement dans une atmosphère qu'ils croyaient avoir définitivement ou en grande partie quitté, avec une situation sécuritaire, peut-être pas totalement, mais en tout cas largement acquise. Et, cela a posé crûment une double problématique.

D'ABORD, CELLE DES CAPACITES REACTIVES DES FORCES DE SECURITE, SURTOUT MILITAIRES

Si respectées (ou si craintes, c'est selon) qu'on n'en parlait que peu ou pas du tout, se contentant de leur tresser des lauriers à tour de bras ou à les descendre en flammes (c'est selon).

Le 16 janvier 2013, le choc ! D'autant que personne ne s'y attendait... le Mali et le Sahel étant bien loin et les problèmes du quotidien bien trop près. Un choc ! Un peu comme les Américains avec l'attentat du 11 septembre ; la prise d'otages et la menace de sabotage des équipements ayant touché un gisement gazier, gage de notre sécurité économique, notre «pain quotidien». Un choc ! Après nous avoir enlevé des diplomates au Mali, ne voilà-t-il pas que les criminels viennent nous narguer, chez nous, et tenter le «chantage». Un méga-choc ! Avec la découverte d'un groupe de terroristes composé de mercenaires étrangers. Le danger était tel, l'«honneur» si «touché», que seul le résultat final était attendu avec impatience.

Par tous. On connaît la fin de l'histoire... Tragique certes, mais ayant ramené assez rapidement les «eaux en leur cours normal», avec tous les inévitables et regrettables dégâts dramatiques collatéraux ; des travailleurs algériens et étrangers ayant été pris en otages puis, pour certains d'entre-eux, exécutés lâchement par les terroristes.

Mis à part quelques «nostalgiques» des années Fis-Mia-Gia et /ou certaines parties d'un monde politique ou politicien en mal de repositionnement et/ou opportuniste, on a remarqué que certains partis ou associations n'ont exprimé de soutien aux forces de sécurité qu'après la conclusion de l' «opération» (jubilaient-ils en leur for intérieur de voir la sécurité des biens les plus importants du pays prise en défaut ? Qui sait ?) la société dans son entier s'est sentie concernée... On se souvient des réactions populaires et des effets «Oum Dumran» et les menaces physiques qui pesaient sur notre équipe nationale de football. Cette fois-ci, en moins démonstratif, mais une joie retenue, exprimée surtout en cercle restreint ou privé.

Dans la foulée, on a découvert (surtout les plus jeunes, ceux qui n'ont pas fait encore leur service national, tout particulièrement, une jeunesse en mal d'identité, et certaines personnes âgées nostalgiques des années 60-70 et toujours critiques quand il s'agit de «décideurs»... qui gagnent leurs galons dans les salons) que l'Anp avait des forces discrètes mais professionnelles et efficaces car «spéciales» : Gir, Gis, Troupes aéroportées (commandos)... formées, entre autres et surtout, à Biskra et sur le terrain... ayant fait leurs preuves dans leurs combats passées contre le Gia, le SPCC, Aqmi... et les contrebandiers et les trafiquants d'armes et de drogue (dans le cadre de la sécurité des frontières et la souveraineté du pays).

Une découverte publique d'autant plus sécurisante ou apaisante qu'elle intervenait en pleine déprime sociétale : inflation galopante, prix «flambants», équipe nationale de football «flottante», des chefs de partis s'étripant pour le «koursi», présidents et responsables sportifs se rejettant les «balles, grèves sauvages, émeutes locales pour le logement et le travail... Pas de quoi pavoiser et même une finale de Can n'aurait pu apporter du réconfort. Donc, à quelque chose chose malheur est bon !... et, ne pas s'attarder sur ceux, d'ailleurs surtout, qui ont fait «un pacte avec le désespoir des peuples» et font une lecture personnelle ou idéologisée de «notre» jeune démocratie républicaine : certes incomprise, moquée, incomplète, imparfaite, maltraitée, détournée, violentée, à moitié voilée... tout ce qu'ils veulent, mais «mazalat wakfa».

ENSUITE, CELLE DES CAPACITES INFORMATIONNELLES

En matière d'expression publique et de com' institutionnelle, il faut le reconnaître, au niveau des services de sécurité, bien des efforts ont été faits, tout particulièrement depuis 1990.

Cela avait commencé avec la Gendarmerie nationale... qui a littéralement «inondé» les rédactions, régulièrement, grâce à ses chargés de la com', de chiffres, de données et d'analyses de situations. La Police a suivi par la suite. Tout particulièrement en ce qui concerne la vie citoyenne.

L'Armée, réputée (à travers les siècles et les pays) pas trop bavarde, sans être une «grande muette», n'apparaissait que peu, même lorsqu'elle était «provoquée», faisant, bien souvent, le dos rond, et se contentant d'une communication protocolaire plus ou moins «lissée», mais acceptable. D'autres «chats à fouetter» ! Puis, pour ne pas tomber dans les polémiques inutiles.

Seul bémol, l'information sécuritaire qui, en raison de ses spécificités, devait rester en retrait, avait produit, surtout durant les années 90, des «incompréhensions», des «malentendus» et des rapports distendus avec les journaux et les journalistes. A cause de tout cela, certains ont même «goûté» de la geôle... Mais, ceci s'est, depuis, bien tassé, les uns connaissant bien mieux les besoins de la presse, des journalistes et des publics, et les autres sachant bien que l'info' sécuritaire, arme à double tranchant, peut facilement se transformer en boomerang ou même en dynamite entre les mains de personnes malveillantes ; ceci dit sans tomber dans la paranoïa du «complot ourdi à l'extérieur», et Dieu sait qu'il y en a, tout près ou bien loin de nous.

L'information sécuritaire (ou de guerre) a ses mécanismes et il est difficile d'y déroger. On l'a vu avec les forces armées américaines et occidentales en Irak, en Afghanistan, en Libye... Ces forces ont même remis au goût du jour les «correspondants de guerre» embarqués et, parfois, en uniforme. On le voit avec les forces armées françaises au Mali... où l'info' est fournie au compte-goutte... à des envoyés spéciaux triés sur le volet. Peu d'images sinon celles de camions, d'avions (beaucoup plus des transporteurs que des appareils de combat) et de tanks qui vont et qui viennent et encore moins d'infos. Comme si de rien n'était ! En fait, l'objectif est de fabriquer une image : ce n'est pas une «guerre», mais une simple «opération de soutien» pour nettoyer et sécuriser une région tombée entre les mains de gangsters -terroristes et utilisant le «parapluie» de l'Islam. Surréaliste, mais assez bien menée comme stratégie.

De l'info, de l'info et encore de l'info ! Pour le journaliste et le grand public, c'est évident. Mais cela reste insuffisant. Surtout que nos concitoyens sont devenus, en un peu plus de deux décennies, des «avale-tout». Vite... et plus. Il faut faire avec ! Il s'agissait seulement de «trouver» et d'adopter la formule la plus satisfaisante.

Avec notre Armée, on percevait, déjà depuis un certain temps, un changement d'attitude. Au départ, une simple «bise» (c'est un vent froid soufflant du nord). Qui s'est dernièrement transformée en véritable «tempête» du désert, suite à l'attaque terroriste du site gazier de Tiguentourine. Une intervention, rapide et efficace, des Forces spéciales. De la com' musclée et efficace. Qui «parle» d'elle même ! Cela suffisait, les informations détaillées étant fournies par le ministère de l'Intérieur puis par le ministère de la Communication et, enfin, par le Premier ministre... et, demain, par la Justice. Ni plus, ni moins. C'était amplement suffisant. Et, à mon sens, même le commentaire de la revue El Djeich n'était nullement indispensable. Fallait-il ou faudrait-il, mettre l'accent (peut-être sous d'autres formes communicationnelles, sans tomber dans la «langue de bois» et sans style panégyrique ) sur les «corps spéciaux» de l'armée afin qu'ils puissent servir de modèles de compétence, de courage et d'engagement, défenseurs des idéaux de la Démocratie, de la République et de la Souveraineté nationale, à une jeunesse à la recherche de héros. «Diana» et non «talibanisés» !