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Des visées ailleurs

par Abdelkrim Zerzouri

Il ne faut pas être sorcier pour se rendre compte que l'initiative pour l'accès des pays du Sahel à l'Atlantique n'est qu'un bluff du Makhzen pour établir son influence dans cette région désertique et tenter de bénéficier du soutien de ces pays dans le dossier du Sahara occidental. Car, à regarder de près les contours de cette initiative, on constate clairement qu'elle est tout simplement irréalisable pour plusieurs raisons.

Les ministres des Affaires étrangères de quatre pays, le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad, ont annoncé, le 23 décembre leur adhésion à l'initiative internationale pour favoriser l'accès de leurs pays à l'Atlantique, la décrivant d'une importance stratégique qui offre de grandes opportunités pour la transformation économique de l'ensemble de la région en ce qu'elle contribuera à l'accélération de la connectivité régionale et des flux commerciaux, et à la prospérité partagée dans la région du Sahel.

Dans une Afrique soudée par le bon voisinage, un accès des pays du Sahel à l'Atlantique est une aspiration tout à fait naturelle, et il existe pour cela des voies autres que celle du Maroc pour y arriver. Mais, ce n'est vraiment pas ce qui urge pour ces pays qui se trouvent confrontés à de nombreux problèmes internes sur les plans politique et économique.

Et puis, pourquoi parle-t-on d'une « initiative internationale » alors qu'elle est marocaine ? Aucun autre pays, hors du groupe des quatre pays du Sahel et du Maroc, ne s'est joint à cette initiative. En proposant de lancer cette « initiative internationale » visant à favoriser l'accès des pays du Sahel à l'Océan atlantique, le 6 novembre dernier, le roi du Maroc devait bien penser à l'engagement des puissances étrangères pour concrétiser sa proposition. Dans cet esprit, le roi Mohamed VI avait assuré la mise à la disposition des États du Sahel, les infrastructures routières, portuaires et ferroviaires marocaines, sans aller plus loin.

Avouant que « pour qu'une telle proposition aboutisse, il est primordial de mettre à niveau les infrastructures des États du Sahel et de les connecter aux réseaux de transport et de communication implantés dans leur environnement régional ». Autant dire une entreprise titanesque que le Maroc n'a pas les capacités à réaliser. Qui peut alors mettre à niveau les infrastructures des États du Sahel et les connecter aux réseaux de transport et de communication implantés dans leur environnement régional quand on sait que ces pays se sont isolés de leur environnement régional et se sont mis sur le dos de nombreux pays occidentaux ? Le roi du Maroc appelle, ainsi, à une initiative internationale pour réaliser son initiative, et peut-être bien qu'il a une idée sur le pays qui est prêt financièrement à se lancer dans cette entreprise pernicieuse ! En sus de toutes les difficultés, le Maroc avoue également qu'il est impossible de concevoir la réussite de cette initiative internationale sans une réelle implication de la Mauritanie. Si les pays du Sahel arrivent jusqu'en Mauritanie, soit un accès à l'Atlantique par ce pays, pourquoi remonteraient-ils si loin au Maroc ? Le Maroc sait pertinemment que cette initiative internationale n'est pas réalisable dans ces conditions, mais ses préoccupations et ses visées sont ailleurs.