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Paroles en stratégie

par Sid Lakhdar Boumediene

De nos jours fleurissent les techniques de communication pour les débats. Tout est «éléments de langage» et gestuelle. Il en est une qui est très ancienne et usuelle dans les débats politiques et les discussions privées, parfois spontanée, c'est le fameux «vous savez bien que j'ai raison» ! Une affirmation qu'on lance à l'autre lorsqu'on n'a aucun argument et qu'on veut asséner avec des mots courts et tranchants une vérité que la personne ne peut nier. Elle tombe comme une sentence solennelle sur la tête de celui qui la reçoit, comment pourrait-il renier sa propre connaissance des faits ? Nous en avons beaucoup d'autres, comme «tous les Algériens le savent» ou «sont d'accord avec moi». Là, c'est le poids entier de la société qu'on fait peser sur la tête de la pauvre personne qui encaisse l'affirmation. Qui est-il pour contredire la parole du peuple ? Avec ce genre d'affirmations, vous mettez forcément la personne dans un embarras, elle est en position défensive. Elle a perdu le début de la bataille, car elle est obligée de se justifier sur sa contradiction avec elle-même ou le peuple. Alors que l'affirmation n'est en général étayée par aucune statistique probante et que le locuteur n'en sait absolument rien. Il en est une autre, tout aussi commune, «toutes les études sur ce sujet le démontrent».

Et là, vous êtes également déstabilisé même si vous savez très bien que la personne n'a également pas lu une seule ligne de ces études et ne sait peut-être même pas qu'il en existe à ce sujet. Une dernière comme exemple, l'une des plus vieilles techniques de marketing, la fameuse blouse blanche du médecin, du chimiste ou du dentiste dans une publicité. Il est le garant de la qualité scientifique du produit. Il vous assure que 100% des scientifiques du domaine le recommandent. Sur quoi cela repose ? Vous n'en savez rien, mais la blouse blanche a pour objectif de vous mettre en situation de non-spécialiste et donc d'accepter avec modestie l'affirmation. Pour toutes ces phrases, comment répliquer car même si vous êtes une personne qualifiée, il n'est pas possible de connaître ou se souvenir de l'ensemble de la littérature sociologique, politique ou scientifique. Sauf à répondre qu'il s'agit d'un mensonge, ce qui provoquerait la foudre de la personne et vous seriez jugé comme incapable d'assumer votre incompétence en vous réfugiant derrière la violence verbale. Il faut donc réagir avec intelligence et ruse en sachant qu'à toute technique de déstabilisation en communication, il existe une technique de communication en contre-feu. L'une des plus connues est : «Vous savez très bien qu'il y a beaucoup d'autres études qui disent le contraire». Vous n'en savez pas plus que votre contradicteur mais vous renversez la position de défense en une position d'attaque, l'embarras se retourne contre lui. Le souci est que vous savez que l'exercice a des limites intellectuelles. Si vous tombez sur une personne qui n'en a pas, cela peut tourner au ridicule et à l'inefficace. En conclusion, à «comme il a dit lui», si vous êtes «lui», vous devez répondre : «Je l'ai dit mais il saura mieux le dire, écoutons-le».