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Ghannouchi sur le départ ?

par Abdelkrim Zerzouri

L'après 25 juillet se dessine en Tunisie. La nouvelle Constitution tunisienne, adoptée à une majorité écrasante de plus de 94% des voix (et une abstention de près de 70%), et des élections législatives, annoncées au mois de décembre prochain, bousculent rudement la classe politique tunisienne.

Le parti Ennahda, qui a dominé la scène pendant une décennie, est le premier à subir les effets de la «nouvelle phase», qui devrait permettre de passer «d'une situation de désespoir à une situation d'espoir», selon l'expression du président tunisien, quelques heures, après l'annonce des premiers résultats du vote sur la Constitution, le 25 juillet dernier. Le président du mouvement Ennahda, Rached Ghannouchi, inamovible depuis son installation à la tête de ce parti islamiste, en novembre 1991, et qui a résisté à toutes les tentatives de le dégommer de la tête du parti, a assuré le 10 août dernier, dans une interview accordée à l'Agence turque ?Anadolu', qu'il est prêt à quitter la présidence du parti au cas où une solution au «problème tunisien» serait proposée. Selon certains observateurs, il ne s'agit là que d'une manœuvre politique, qu'il a bien pris soin de conditionner par une proposition d'une solution «au problème tunisien».

De quelle solution au problème tunisien parle-t-il, et cette solution n'est-elle pas représentée dans son départ sans condition de la scène politique, comme le lui ont proposé des hommes politiques tunisiens ? Rached Ghannouchi a avancé que face à l'intérêt de la Tunisie, s'attacher à la présidence de son parti ou à une quelconque autre présidence lui importait peu.

Dans la même interview, Ghannouchi exprime d'une voix claire, toute son opposition au président tunisien, estimant que la majorité du peuple tunisien est dans une «lutte continue contre le processus du président de la République Kaïs Saïed», et qu'il n'est pas question de s'adapter à la «nouvelle réalité». Vraisemblablement, tout dépendra de la volonté des partis politiques, de leurs cadres et militants, de se repositionner au sein de la nouvelle configuration qui se dessinera après les législatives avec leur participation ou non. Dans ce contexte, certains ne sont pas tentés par la politique de la chaise vide, notamment au sein d'Ennahda, qui voit l'avenir du parti et son intérêt dans le retrait de son président Rached Ghannouchi.

Les développements en cours sur la scène tunisienne vont-ils apporter de l'eau au moulin de l'opposition interne à la direction de Rached Ghannouchi ? Active depuis une dizaine d'années, mais sans efficacité, l'opposition interne peut avoir son mot à dire sur l'avenir du parti, qui joue son va tout dans les prochains mois. Mais, toute cette effervescence politique risque de ne pas être du goût des Tunisiens, qui vivent des jours très difficiles à l'ombre d'un taux de chômage très élevé et un pouvoir d'achat en chute libre, et qui attendent, dans ce sens, des solutions à leurs problèmes socio-économiques. L'avenir de la Tunisie et de sa classe politique dépendent étroitement de la relance de la machine économique.