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Facteurs défavorables

par Abdelkrim Zerzouri

Faut-il s'étonner que la proposition, lundi 27 juin, du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, au Conseil de sécurité, de nommer l'ex-ministre algérien des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, comme nouvel émissaire de l'Organisation pour la Libye, soit bloquée par les Emirats arabes unis (EAU) ? Des sources diplomatiques anonymes, non démenties, ont révélé la nouvelle qui tourne en boucle dans les rédactions, expliquant que le choix d'un ressortissant d'un pays frontalier de la Libye pose problème. Et que son travail serait «impossible». Parce que, malgré le fait que les sources en question confirment que «seuls les Émirats arabes unis ont refusé» de cautionner cette proposition devant le Conseil de sécurité de l'ONU, il faut bien croire que derrière le rideau, d'autres pays ont soutenu cette position. Les EAU, un pays membre non permanent au Conseil de sécurité, en tant que représentant du monde arabe, agissent en conséquence au nom de pays arabes.

D'ailleurs, selon plusieurs autres diplomates, les Émirats ont expliqué que «des pays arabes et des parties libyennes avaient fait part de leur opposition» à la nomination de l'ex-responsable algérien, sans identifier les pays et parties en question. Mais cela suffit pour avoir une idée claire sur les profondes divisions des pays arabes sur ce dossier libyen. Peut-être bien que le SG de l'ONU, qui sait pertinemment que la candidature de l'ex-ministre algérien des Affaires étrangères sera inévitablement bloquée, a agi de la sorte pour dévoiler au grand jour ces divisions entre les pays arabes, notamment les pays du voisinage, à propos de l'approche dans le règlement du conflit libyen. Et maintenant, quel nom sera proposé pour remplacer l'actuelle conseillère onusienne en Libye, l'Américaine Stéphanie Williams, dont le mandat arrive à terme le 31 juillet prochain ? La question ouvre un nouveau champ de tension et de pression entre Américains et Russes. La Russie s'oppose à la poursuite du mandat de Williams à la tête de la mission onusienne, et insiste pour nommer un nouvel émissaire qui sera exclusivement de nationalité africaine, comme le veut également l'Union africaine.

D'ailleurs, immédiatement après le blocage de la candidature proposée par le SG de l'ONU, l'ambassadeur russe adjoint à l'ONU, Dmitry Polyanskyi, n'a pas manqué de reprocher à l'Occident «de vouloir garder la haute main sur le dossier libyen». Appelant dans ce contexte Antonio Guterres «à avoir une approche réfléchie, équilibrée» dans sa recherche d'un nouvel émissaire, et à rejeter un «diktat du camp occidental qui considère la Libye comme son pré carré». Lesquelles déclarations ont été vivement rejetées par le Royaume-Uni et les États-Unis. Bien que le conflit diplomatique entre Russes et Américains ne date pas d'aujourd'hui, il est clair que l'ombre de la guerre en Ukraine vient compliquer davantage la situation sur le plan de la nomination d'un nouvel émissaire pour la Libye. Ajoutant à cela les divisions entre les Libyens eux-mêmes, et on aura pas mal de facteurs défavorables pour l'heure au règlement de ce conflit.