Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Covid: l'autre lutte anti-«terrorisme»

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Le plus bel exemple concernant la lutte contre la Covid-19 nous vient de l'étranger. Des Etats-Unis (70% de gens vaccinés). D'une femme. Une prof'. S'étant auto-testée positive en plein vol (Chicago-Reykjavik), elle avait alors décidé, au lieu de rester à sa place jusqu'à la fin du vol et se contenter du port du masque, et pour ne pas transmettre le virus aux autres 150 passagers, volontairement, de s'enfermer durant cinq heures dans les toilettes de l'avion, tout en partageant son «expérience» sur les réseaux sociaux. Tout cela, bien sûr, avec l'aide du personnel de bord qui lui fournissait nourriture et boissons.

On peut tout dire des Américains (et d'autres pays occidentaux), sauf à propos de leur manque de réalisme face aux situations les plus dramatiques et à leur conscience collective face aux dangers qui, soit les touchent directement et personnellement, soit mettent en danger leur nation et ses intérêts. Ainsi face aux élucubrations de leur ancien Président D. Trump concernant la lutte contre pandémie de la Covid, ils sont arrivés à dépasser leur peur et/ ou leur dilettantisme en se pliant, peu à peu, aux prescriptions médicales et aux nécessités administratives.

Mais que peut-on dire de nous? Un certain échec ! Et ce, malgré tous les efforts de l'Etat pour mettre à la disposition du plus grand nombre de citoyens les vaccins et ce, aussi rapidement que possible, malgré les difficultés objectives, étant donné la survenue brutale et inattendue du virus meurtrier, bien de nos concitoyens, hélas encore nombreux, nourris à la communication charlatanesque ou/et complotiste distillée, soit par les réseaux sociaux, soit par des médias infantilisants, soit par des médiateurs incultes, ainsi qu'à un comportement individuel de « résistance » à toute demande, et encore plus à toute prescription de l'Etat. Un échec certain, lorsqu'on voit dans les rues et magasins de nos villes et villages les gens déambuler, sans un minimum de respect pour les gestes barrières, se moquant même du Delta, de l'Omicron? Lorsqu'on sait que le taux de vaccination a atteint (1-26 décembre) à peine 28% de la population dont l'âge est supérieur à 18 ans et que le taux général de toute la population varie entre 10 à 11%. Lorsqu'on sait que 357 patients étaient en soins intensifs dont 90% non vaccinés et alors que 100% des personnes placées sous respiration artificielle n'étaient pas vaccinées. Actuellement, 3.600 personnes sont hospitalisées dont 600 à Alger (Le Soir d'Algérie, mercredi 5 janvier 2022). Misère de misère! Alors que des millions de doses de vaccin sont encore en stock et risquent la péremption. Lorsqu'on entend des médecins et autres spécialistes émérites s'escrimer, jusqu'à la fatigue et au découragement, à expliquer les dangers encourus et les bienfaits de la vaccination dont une troisième dose et celle des enfants de 12 à 17 ans.

Pour simple information, il y a peu, les animateurs scientifiques, les jumeaux français Igor et Grichka Bogdanoff, 72 ans, et grands sportifs, sont morts les deux à quelques jours d'intervalle, n'ayant pas cru dans le vaccin. Et d'autres, et d'autres chez nous souvent inhumés à la hâte et dans un certain anonymat. Seuls témoins, silencieux pour l'éternité, l'alignement des tombes dans des cimetières, et des employés surchargés.

En fait, c'est toute la stratégie d'information et de communication qui est à revoir pour faire face à ce nouveau terrorisme, non en limitant la liberté de circulation et de travail, sans «em?les anti-vax» et sans clouer au pilori les non-vaccinés, en revenant aux règles alors édictées, au tout début de la pandémie quant aux sanctions, et en « matraquant » les citoyens non par des fetwas et prêches politico-religieux ou des démonstrations médicales (parfois se contredisant, ce qui limite les impacts) mais surtout par des images chocs et des chiffres aussi détaillés que possible sur les décès par Covid, pas seulement des personnalités et autres célébrités, mais surtout de tous les autres. Bousculer les certitudes obsolètes et ridicules et étaler publiquement les effets de la catastrophe.

Une communication (conçue et réalisée par des communicants spécialisés) qui montre que derrière les statistiques et les chiffres, il y a des vies et montrer aux générations à venir ce qui est (a été) vécu. Sauf si on estime que, chez nous, la vie humaine n'est rien. Sauf si on veut tout oublier comme on nous a poussés à le faire pour la décennie noire et ses victimes. Et, pour finir, une phrase à méditer : «Ce qui tue, ce n'est pas la mort. C'est la vie coupée sans annonce» (Eugène Ebodé, « Madame l'Afrique».

Roman © Apic Editions, 2010).