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Vieil Oran: Un patrimoine en péril à défaut d'un «projet urbain»

par Houari Barti

Les assiettes foncières récupérées à l'issue des démolitions des immeubles menaçant ruine dans le vieil Oran représentent une superficie globale de l'ordre de 100 hectares, selon des chiffres communiqués par les services de la wilaya d'Oran. Par ailleurs, le CTC fait état de quelque 693 immeubles classés rouge ce qui, pour beaucoup, représente d'ores et déjà, un potentiel foncier supplémentaire non négligeable, absolument, à récupérer pour répondre aux besoins de renouvellement urbanistique de la ville. Mais pour les défenseurs du patrimoine architectural de la ville d'Oran et de ses quartiers historiques, «ce recours à la démolition ne doit en aucun cas être une option systématique». L'on estime ainsi que « beaucoup d'immeubles doivent être sauvegardés pour leur intérêt architectural, historique ou tout simplement fonctionnel », avant de dénoncer des pressions opérées par des lobbies proches des promotions immobilières pour imposer l'option de la démolition, très lucrative pour eux, au détriment de celle de la réhabilitation. Le vieux quartier de Sidi El Houari est, plus que jamais, au cœur de cette bataille entre partisans du «tout promotionnel» et «les défenseurs de l'option de la sauvegarde» de ses immeubles car estimant qu'il s'agit d'un patrimoine à sauvegarder.

Interrogé sur ce dossier où les pouvoirs publics jouent le rôle d'arbitre, Kouider Metaïer, président de l'Association de sauvegarde du patrimoine «Bel Horizon», dresse d'abord un constat amer. Pour lui, «la politique du bulldozer, dite de la ?tabula rasa' qui a fait tant de dégâts à Oran, continue à être la seule politique qu'on propose pour le vieil Oran. On démolit sans discernement, sans études préalables, comme s'il s'agissait d'éradiquer un bidonville.» Il rappelle qu'en 1984 déjà, «on a rasé complètement la Scaléra, quartier dit espagnol, historiquement habité par des dockers et des pêcheurs avant qu'on pénètre dès 2003 au cœur de la vieille ville avec les démolitions des rues Montebello et Bassano, puis en 2014 avec la destruction du quartier Welsford». En quelques années, a-t-il déploré, Oran perd un quartier et une trentaine de rues et monuments historiques, dont certains classés.

Il rappelle également, à ce propos, le «gel» du modeste budget consacré à l'étude du «PPSMVSS» (plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé) destiné au quartier de Sidi El Houari. «S'il n'y a pas d'argent pour l'étude, cela signifie une situation intenable pour le site et la voie ouverte à la spéculation et à la destruction de la carte d'identité de notre ville qui a résisté tout au long de son histoire millénaire aux envahisseurs, aux tremblements de terre, aux épidémies et à plusieurs guerres, mais qui ne résistera pas aux prédateurs du foncier», a-t-il souligné.

Résultat: non seulement il y a eu un déplacement de populations sans précédent avec les relogements qui s'opèrent mais, en plus, les habitants du quartier de Sidi El Houari qui restent réclament la démolition des bâtisses vidées car présentant un danger de squat ou d'effondrement. «C'est comme si la politique du bulldozer se fait remplacer par celle du pourrissement», se désole le président de Bel Horizon. Dans ce pessimisme ambiant, et au vu du contexte politique actuel, est-il est toujours possible de construire une alternative ? Avec les segments les plus actives de la société civile, l'Association Bel Horizon propose, affirme M. Metaïer, un retour vers la ville pour exploiter les opportunités qu'offre paradoxalement la politique du relogement et de « débidonvillisation ».

Pour lui, l'immense potentiel que représentent les 100 hectares récupérés et les quelque 693 immeubles classés rouge est une véritable opportunité « pour un retour vers la ville avec une méthodologie globale qui a fait ses preuves dans d'autres villes du monde».

C'est le projet urbain, explique-t-il, «outil consensuel et intersectoriel qui, en préconisant un retour de la ville sur elle-même, pense la ville durable, la ville où s'articule l'urbanisme et l'architecture». Un outil qui, selon M. Metaïer, «règle de manière méthodique la réaffectation des terrains et bâtiments récupérés, réglemente les cas des démolitions, de réhabilitation et de restauration selon les cas en particulier s'agissant du centre historique qui, en dépit du fait qu'il soit érigé en secteur sauvegardé, continue à se dégrader de manière inquiétante et voit sa population le quitter par manque de perspective ».