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En attendant l'ouverture du port sur la ville: Des projets pour valoriser le littoral côtoyant la pénétrante routière

par Houari Saaïdia

Alors que la connexion routière côtoyant le rivage par enrochement sur mer et se frayant un long tunnel en falaise se profile à l'horizon, on pense déjà à la reconfiguration de tout l'espace adjacent appelé à se métamorphoser pour être à jour avec la nouvelle vocation de cette bordure maritime de la ville. L'idée-force est simple : valoriser les ressources paysagères que créera sur son passage cette grande voie littorale.

S'il est vulnérable, bien qu'il demeure jusque-là un espace clos hors de portée de la ville, le littoral d'Oran-ville n'en reste pas moins très attractif. Comment préserver et valoriser durablement un patrimoine naturel riche et hautement convoité ? Comment réussir l'équilibre entre protection de cet espace naturel (déjà existant) et développement des activités humaines (qui devront y émerger) ? Telles sont les vraies questions. De toute évidence, l'arrivée de la route -en voie d'achèvement- devant connecter le port d'Oran avec la grande ceinture est-ouest via Canastel, a déjà secoué le cocotier de la vue étroite, ouvert les horizons d'une ville qui veut vivre et s'épanouir, avoir un pied dans l'eau qui lui était longtemps interdit au nom du tout sécuritaire.

La route, avant même qu'elle ne s'ouvre, apporte déjà donc la délivrance, l'émancipation, la vie, l'effloraison, le développement, le raz-de-marée en sens inverse. Avec, en perspective, beaucoup d'activité, beaucoup d'ambiance, de mobilier multifonctionnel, d'aménagements de tourisme, de détente, de jeu, de loisir... sur la bordure de son profil autoroutier sur 8 km, côté mer comme côté falaise. C'est en tout cas ce que nous promet la maquette du maître d'œuvre retenu à l'issue d'un concours d'architecture et de paysage relatif à l'aménagement de la zone maritime côtoyant cette pénétrante portuaire. Une mise en concurrence de bureaux d'études qui a permis de choisir le meilleur « look » à donner à la ligne d'effleurement ville-mer, le profil conciliant le mieux environnement littoral et aménagement urbain.

Il faut noter dans ce contexte que le premier fruit précoce de cette méga-pénétrante est cette plage mi-naturelle mi-artificielle située aux « Genêts », en contrebas de la falaise. Jadis point de baignade sauvage et de pêche à la ligne, cette petite crique située en contrebas de l'escarpement rocheux à hauteur de « Four Point by Sheraton » s'est transformée début 2019 en une station balnéaire 600 mètres sur 100 de plage sablonneuse.

PLAGE ARTIFICIELLE DES GENÊTS: LE PREMIER JALON

A mi-chemin entre le naturel et l'artificiel, cette plage réalisée à titre gracieux, disait-on à l'époque de l'ex-wali Mouloud Cherifi, par l'entreprise turque Makyol en charge du projet routier de la pénétrante portuaire, se voulait par définition un havre de paix réconciliant deux espaces qui se tournaient le dos jusqu'ici, la ville urbaine et le port-ville. Elle se voulait aussi le premier jalon d'un ensemble d'aménagements dans cette zone de contact entre la terre et la mer, ou ce qui pourrait être appelé superficiellement une micro-ZET en milieu citadin. A l'origine, c'était une plage rocheuse sauvage, qui offrait à peine un tout petit bout de surface en galets à l'avant-plan, avec quelques petits récifs à fleur d'eau. En raison de sa proximité avec le périmètre de sécurité du port, elle a dû forcément subir, comme tant d'autres endroits mal lotis, les aléas de la décennie noire, devenant au fil des ans presque une zone interdite. Un no man's land. A terme, la plage artificielle des « Genêts » devait contenir deux jetées par enrochement, abritant deux plages de baignade avec espaces de solariums inclus, ainsi que deux zones dédiées à la pêche à la ligne. Le plan de masse prévoyait également un poste de maîtres nageurs, un poste de protection civile, un abri, un vestiaire douche, un poste de police, entre autres. Le talus abrupt surplombant la plage devait être dégradé, adouci, gazonné et en partie boisé, avec à la clé des accès piétons et un circuit de promenade serpentant dans le relief en pente douce, ainsi que des tentes adossées sur le monticule à l'arrière-plan de la plage. Enfin, celle-ci devait être ensablée par une épaisse couche sur une surface de l'ordre de 600 mètres de longueur et 100 mètres de largeur. Cependant, le projet n'a pas été mené à bon port puisque plusieurs détails manquent au regard de la fiche technique présentée au début du chantier par les Turcs. Le plus beau, c'est que l'exploitation du site n'a pas été faite à ce jour malgré l'écoulement de trois saisons estivales depuis sa réception. Accordons le prétexte de la conjoncture liée à la pandémie, tout en mettant table rase sur l'antécédent, et espérons que la mise en service de cet investissement -c'en est un à tout point de vue- n'est qu'une partie remise.

VALORISER DE NOUVELLES RESSOURCES PAYSAGÈRES

Il est par ailleurs tout à fait évident que pour les pouvoirs publics locaux et les aménageurs (publics et privés) le projet de valorisation de cet espace côtier doit contribuer au développement de la ville d'Oran et la promotion de son image. Ce pan d'espace, en effet, constitue une zone restée longtemps à l'écart des évolutions successives qu'a connues la ville d'Oran et qui concentre un certain nombre de problèmes qu'il devient urgent de résoudre. Officiellement, il s'agit donc de faire d'Oran « une ville au bord de l'eau » -ce qu'elle n'a jamais été- de lui permettre d'acquérir ainsi une nouvelle identité et de diffuser une nouvelle image d'elle-même.

En attendant d'en savoir plus sur le contenu de l'étude du projet, on peut supposer sous toutes réserves qu'il est question de zones résidentielles de haut standing à aménager, des hôtels, des espaces polyvalents pour bureaux, des centres commerciaux et des lieux de loisirs..., le tout autour d'une marina. Par ailleurs, finalisée et devant être soumise à débat depuis plusieurs années, l'étude du plan de réaménagement du port d'Oran en vue de son ouverture sur la ville, sous l'effet d'entraînement que provoquera inévitablement le passage de la pénétrante autoroutière en voie d'achèvement, n'a pas été encore présentée à la wilaya.

L'intérêt qu'il revêt et l'enjeu qu'il présente étant trop importants pour qu'il soit réduit en une petite séance technique en vase clos, le plan d'aménagement du port d'Oran devait, on s'en souvient, faire l'objet d'un débat général, d'après l'annonce faite en avril 2019 par le wali d'Oran d'alors, Mouloud Cherifi. On se rappelle sa phrase: «La ville a au moins un droit de regard sur (le devenir de) son port », en guise d'argument pour la tenue d'une rencontre-débat, ponctuée par la présentation de l'étude du plan d'aménagement du port, qui devait être organisée dès la finalisation « à très brève échéance » de ce document. Il n'en sera rien, l'idée étant partie avec son auteur.

LA «GRANDE» PRÉSENTATION QUI N'A JAMAIS EU LIEU

Ayant eu néanmoins un feedback largement positif, y compris sur les réseaux sociaux, quelques avis avaient même suggéré qu'il serait souhaitable, dans la forme, que le « workshop » prévu quitte les murs de l'hémicycle pour aller s'installer au sein même du port, histoire de voir les choses en 3D, en réel, après (ou avant) la projection vidéo de l'étude. Histoire aussi de donner cette symbolique de vouloir faire fondre les frontières entre la ville urbaine et la ville-port, entre la chose publique « lato sensu » et la chose portuaire « stricto sensu ». Il y a lieu de rappeler en outre que la première étude avait été ficelée peu de temps auparavant et avait été présentée à deux reprises au wali de l'époque, qui avait promis qu'« une fois l'étude finale me sera remise, elle fera l'objet d'une grande séance de présentation ». Sans s'attarder sur le contexte et les objectifs de ce projet, sur lesquels il s'était étalé à maintes occasions, l'ex-wali avait évoqué une « petite contrainte », selon lui, à savoir «les abris de pêche que nous devrions déplacer dans la perspective d'ouvrir tout cet espace, mais que les marins pêcheurs veulent qu'ils soient près d'eux, dans leur voisinage immédiat».          La wilaya avait ainsi demandé au BET de lui faire deux ou trois propositions afin d'élargir son champ d'intervention, en précisant que si une proposition ne fait pas l'objet d'adhésion de tout le monde, elle est alors vouée à l'échec. A l'issue de plusieurs séances de travail, un semblant d'adhésion générale autour d'une même idée s'est dégagé. Les choses en sont restées là. Au stade des bonnes intentions et des déclarations prometteuses, en l'occurrence.

Sur le terrain, rien du tout. Pourtant, l'étude définitive a été ficelée et remise par le maître d'œuvre et, entre-temps, une délégation ministérielle s'est déplacée à maintes reprises sur les lieux dans le but de dégager des solutions consensuelles aux problèmes qui se posaient dans le cadre de la mise en œuvre du plan de réaménagement du port d'Oran, et ce, avec le concours de tous les intervenants dans le processus, dont en premier lieu l'Entreprise portuaire d'Oran (EPE) sous la tutelle du ministère des Transports et dont le portefeuille est géré par la GSP SERPORTS SPA. En attendant de connaître les éléments-clés de ce plan d'aménagement lors d'une éventuelle séance de présentation, il ne fait aucun doute que ce plan devra apporter un design soigné aux différents espaces de l'enceinte portuaire, dont bien sûr le port de pêche.

LE RÊVE D'UN PORT INTÉGRÉ ET NON RENFERMÉ SUR LUI-MÊME

Avec à la clé un traitement paysager tout au long de la ligne de la grille longeant la route du port jusqu'au tunnel de la Pêcherie, qui adoucit visuellement cette fonction de barrière et offre par transparence une vue sur les activités d'industrie portuaire, de trafic de marchandises, de transport de voyageurs et de pêche, lequel équipement doit répondre en outre aux contraintes de sécurité internationales des zones portuaires (code ISPS). La réalisation d'une «terline» ferait partie intégrante éventuellement du projet, c'est-à-dire la création et/ou du réaménagement de zones tampons autour de cette zone portuaire pour favoriser son intégration avec une ville en expansion. Son impact visuel depuis plusieurs points de vue différents devrait être soigneusement évalué. Les pleins et les vides, les perspectives, les hauteurs des bâtiments et leurs formes volumétriques... sont autant d'éléments sur lesquels il est possible d'intervenir pour optimiser l'intégration des sites d'interface ville/port dans le contexte urbain et portuaire existant. Les réflexions permettront de préserver et/ou créer des perspectives visuelles sur l'eau, les bassins, sur le patrimoine portuaire réutilisé, sur le port et ses activités. Il faut noter par ailleurs qu'une étude a été lancée il y a quelques mois pour l'aménagement d'une petite marina au niveau du port d'Oran, selon la direction de l'Entreprise de gestion des ports et abris de pêche (EGPP) d'Oran. L'étude en question aura à déterminer les futures constructions à bâtir et leurs vocations et à définir également les aménagements urbains à apporter ainsi que les constructions d'utilité publique à réaliser comme un poste de police, le siège de l'EGPP, une antenne de la Direction de la pêche et des ressources halieutiques et des cases pour les pêcheurs. Les anciennes bâtisses donnant sur la mer seront rasées pour dégager la vue et seront remplacées par des restaurants, des terrasses, une aire de repos et autres structures qui ne doivent pas altérer la vue panoramique qu'offre ce site. Le budget, la durée des travaux et d'autres détails techniques devaient être définis à l'issue de la finalisation de l'étude de faisabilité. S'agissant d'un projet plutôt « léger » qui ne demande pas beaucoup de temps, il devra être réceptionné bien avant les JM-2021.

EN ATTENDANT... LE PORT DE PÊCHE DANS UN ÉTAT HONTEUX

En attendant, il est pour l'heure «urgent» de fédérer les compétences pour trouver des solutions garantissant d'une gestion pérenne de l'aire portuaire dédiée à la pêche et à la plaisance. Le port de pêche d'Oran est pour le moins dans une situation déplorable. Son plan d'eau offre aujourd'hui une image repoussante avec des huiles, des sachets et des bouteilles en matière plastique qui flottent en surface, de la boue et parfois même des épaves jonchées sur le terre-plein et dans le fond marin, sans parler des lacunes en matière de prestations et autres problèmes créés par les professionnels et les plaisanciers. Les actions de portée limitée n'ont pas apporté les éléments de réponse appropriés aux problèmes de cet espace, qui connaît une situation de saturation. Ultrasécurisé, recroquevillé sur lui-même dans une ville accueillante et en pleine métamorphose, le port d'Oran ne donne toujours pas le moindre petit signe d'une volonté de s'entrouvrir, de passer au-dessus de ses barrières et de se noyer dans le milieu ambiant. Si demain, espérons-le, un début d'ouverture il y aura, tout le monde est d'accord sur le principe qu'il n'y a pas une incompatibilité -encore moins une contradiction- entre la fonctionnalité du port et l'aspect sécuritaire qui, lui, est lié d'avec son ouverture sur la ville, mais certaines contraintes, au premier rang desquelles figure l'exiguïté de l'enceinte, sont de nature à limiter et à modérer les aménagements intérieurs susceptibles de donner à la marina un caractère touristique et convivial dans une certaine mesure. Cette éventuelle ouverture ne doit pas de toute évidence s'opérer aux mépris des impératifs liés à la vocation de cette structure portuaire et à sa fonctionnalité, même si une externalisation de certains services annexes et autres activités aval s'impose plus que jamais dans un port fort surencombré et qui peine à héberger même ses compartiments principaux que sont le port commercial et de voyageurs, le terminal à conteneurs et le port de pêche.