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Travaux post-intervention inexécutés: Un linéaire de 78 km de voirie non remis en état

par Houari Saaïdia

  Le vrai-faux argumentaire du «mal utile» est devenu un leitmotiv dans le milieu entrepreneurial -et institutionnel même parfois - pour faire taire toute voix s'insurgeant contre les dégâts de voirie occasionnés par des travaux très approximatifs et peu regardants sur l'impact urbain.

En principe, l'argument «c'est un mal nécessaire», en vogue depuis l'ère Tahar Sekrane, ex-wali d'Oran, par lequel l'on rétorquait à chaque constat de dégradation de la voirie urbaine par tel chantier, devait perdre de sa force de pertinence, par abus d'usage à tout le moins. Ce prétexte tout fait ne tient plus la route aujourd'hui. «Ce n'est pas l'exécution de travaux sur et sous le sol, avec son lot inévitable et irréductible d'actes d'intervention sur la voirie et de désagréments pour la ville et les citoyens, qui est blâmable, mais précisément la non-remise en état du domaine public endommagé, en fin de chantier. Personne ne peut être contre une opération d'utilité publique, telle la rénovation d'un réseau AEP, la mise en place de la fibre optique, le déplacement d'une ligne de gaz ou d'électricité pour les besoins d'un projet structurant. Mais, en revanche, il est intolérable qu'on prenne ses cliques et ses claques en laissant les tripes de la voirie en l'air». Un chiffre, à lui seul, donne une idée sur le taux très faible, à Oran, de l'observation des dispositions de la remise en état : rien qu'en 2019-2021, un total linéaire de 78 km de voirie a été laissé tel quel après des travaux entrepris par les différents concessionnaires de réseaux. Soit, donc, presque la distance Oran-Mostaganem laissée chaussée éventrée, par endroits, et parsemée de nids-de-poule et tranchées, par d'autres. Les artères entrant en ligne de compte dans ce bilan noir sont nombreuses, et on peut en citer, à titre d'exemple, la route de Ras El-Aïn ayant fait l'objet de travaux d'assainissement (réseau pour la partie basse d'Oran), l'avenue Sidi Chahmi, axe longitudinal et ruelles transversales comprises, à l'occasion de la réfection du réseau d'adduction d'eau potable, la route du port entre l'ancienne usine «Bastos» et l'entrée principale du port à la faveur des travaux de réseaux Sonelgaz. «C'est bien qu'on rénove et remette à niveau le réseau d'alimentation en eau. C'est à saluer ! Mais encore faut-il rétablir la voirie, et dans les délais, sinon on aurait réglé un problème pour en créer un autre», regrette le gérant d'une entreprise de services, pignon sur avenue Sidi Chahmi.

LA NON-REMISE EN ÉTAT QUASI GÉNERALISÉE

Faute, donc, d'une prise en charge par les concessionnaires de réseaux et leurs sous-traitants respectifs, de la remise en état de la voirie endommagée, c'est l'Etat lui-même qui s'en occupe, pour ne pas dire qui «paie les pots cassés». Y aura-t-il en fin de circuit une facturation du coût de l'opération au nom de l'opérateur contrevenant ? C'est très souvent l'une ou l'autre commune du grand groupement urbain d'Oran (Oran, Bir El-Djir, Es-Sénia) et la direction des Travaux publics (DTP) qui prennent en charge conjointement un programme via un montage financier APC-DTP-Fonds de wilaya, qui consiste en la réfection de la voirie endommagée. D'ailleurs, les opérations de réfection et de mise à niveau des routes ont bénéficié d'une enveloppe supplémentaire de 30 milliards DA pour l'exercice 2021. Une opération similaire a été consacrée à la réalisation des travaux de mise à niveau des réseaux de la voirie urbaine, totalisant un linéaire de 40 km. Une autre opération est dédiée exclusivement au réseau des grands ensembles urbains relevant du grand groupement d'Oran, d'un montant de 60 millions DA, prélevé du budget communal de la ville d'Oran et soutenu par une aide financière de la wilaya. La DTP s'est vu, d'autre part, confier une autre opération de réfection des routes et voiries et l'enfouissement des trous à l'intérieur des cités et quartiers à la commune d'Oran ainsi que le réseau des grands boulevards et des périphériques.

L'ÉTERNELLE PROBLÉMATIQUE

«Inscrivez les nids-de-poule et les tranchées sur votre tableau de bord. Je veux une prise en charge substantielle de l'entretien de la voirie», disait un ex-wali d'Oran à l'adresse des neuf chefs de daïra. Mais c'est a priori l'éternelle problématique de la non-remise en état de la voirie par les concessionnaires de réseaux, à l'encontre desquels on avait beau brandir la menace de l'action en justice, visant les contrevenants en tant que personnes physiques, concernant les dispositions réglementaires et légales relatives à l'intervention sur la voirie (Ndlr: le décret exécutif N°04-392 du 1er décembre 2004, relatif à la permission de voirie), notamment celles ayant trait à la remise en état de la voirie, mais cela n'aura servi presque à rien, semble-t-il. Plusieurs années après, il semble a priori que les opérateurs Sonelgaz, Seor et Algérie Télécom n'ont pas appris la leçon au regard des cas de «récidive» qui se comptent par centaines à travers le réseau routier communal, départemental et même national. On aura beau injecter de l'argent dans le développement et la mise à jour du circuit routier local, cela reste non suffisant, voire même inutile, si le maillon entretien ne suit pas. La maintenance routière n'est pas du consommable mais un mécanisme en soi. Cependant, à quoi sert la réalisation d'une infrastructure routière, quel qu'en soit le gabarit, si celle-ci n'est pas régulièrement entretenue par la suite. Une route neuve aujourd'hui, c'est une route vieille demain. La route vieillit plus vite qu'on ne le pense. Sa durée de vie et sa rentabilité dépendent du degré de soin qu'on lui accorde», estime un membre de la commission de la circulation et du transport de l'APW d'Oran.

DES USIR DÉPASSÉES PAR L'AMPLEUR DU PLAN DE CHARGE

Il faut rappeler que la DTP s'est dotée en 2015-2016 de 12 unités de surveillance et d'intervention routière (USIR), et devait porter cette flotte à 20 à la fin 2017, pour couvrir un réseau routier de 1.100 km, consistant en 20 km d'autoroute, 580 km de routes nationales (RN), 580 km de chemins de wilaya (CW) et 275 km de chemins communaux (CC). Ces unités devaient être réparties sur les quatre subdivisions de la wilaya, à savoir : Oran (188 km), Arzew (315 km), Es-Sénia (300 km) et Aïn El Turck (300 km), sachant que chaque USIR est équipée d'un camion de 2,5 tonnes, un pick-up, un outillage, des fournitures de voirie, des accessoires de sécurité routière et de signalisation temporaire. Au vu de l'état physique du réseau routier local, notamment les chemins intercommunaux, le moins qu'on puisse dire, c'est que l'impact du dispositif USIR est limité. D'aucuns estiment en fait que le plan de charges dépasse, et de loin, les moyens d'intervention effectifs mis à l'œuvre. Et quand on y ajoute le manque, voire l'absence, de coordination intersectorielle, notamment «collectivités locales-secteurs intervenants», le résultat ne peut être que négatif.