Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Relations avec l'Europe: L'Algérie n'accepte aucune ingérence dans ses affaires

par R.N.

Le président de la République a instruit hier les chefs de missions diplomatiques et consulaires algériennes à l'étranger «d'accorder la priorité au statut d'observateur de l'Algérie au sein du Conseil de sécurité de l'ONU pour 2024-2025, préserver l'Union africaine contre les tentatives de sa déstabilisation et de faire du sommet de la Ligue arabe de mars prochain à Alger une opportunité pour réactiver l'action commune arabe et l'initiative arabe pour la paix».

Abdelmadjid Tebboune a donné hier aux représentants du corps diplomatique national à l'étranger, les grandes orientations pour «une diplomatie offensive» en ces temps de menaces sécuritaires, de manœuvres dangereuses et de tentatives de déstabilisation de l'Algérie et de la région. «L'Algérie est ciblée par une guerre de 4ème génération dans le cadre d'un large plan qui englobe l'Afrique et le Moyen-Orient(...), notre diplomatie doit s'engager à se sacrifier pour répondre fermement aux manœuvres qui visent l'Algérie», recommande-t-il aux participants de la conférence de Ramtane Lamamra qui se tient depuis hier au Palais des Nations de Club des pins à Alger. Le corps diplomatique algérien est appelé ainsi à être «un acteur actif au plan international, régional, à renforcer le multilatéral(...)».

Pour le président, la priorité de l'action diplomatique doit être accordée au statut d'observateur que l'Algérie aura au Conseil de sécurité durant la période 2024-2025, ceci, a-t-il indiqué, «pour renforcer le rôle de l'ONU en ce qui concerne ses responsabilités en particulier envers les peuples palestinien et sahraoui». Il recommande en outre au corps diplomatique de «déployer des efforts avec les Etats africains pour faire échouer les tentatives mal intentionnées en vue de détruire l'Union africaine, il faut renforcer nos relations avec nos partenaires stratégiques comme le Nigeria et l'Afrique du Sud avec qui nous sommes d'accord sur les questions d'intérêts communs comme la crise en Libye et le conflit armé au Sahara occidental(....)». Les diplomates sont en même temps instruits pour «renforcer l'action arabe commune au sommet de la Ligue arabe prévu en mars prochain à Alger en faveur de la cause palestinienne et réactiver l'initiative arabe de la paix (annoncée au sommet de Beyrouth en 1982 qui accepte de reconnaître Israël à condition d'employer le principe de la terre contre la paix ndlr)».

«On exige le respect de notre souveraineté»

Tebboune veut aussi que la diplomatie algérienne réussisse à arracher l'engagement des pays membres de la Ligue arabe pour amorcer sa réforme tout autant que celle de l'Union africaine, deux organisations qui doivent activer, a-t-il dit, «en faveur de la paix et la sécurité au plan régional, en Libye, au Sahel, au Sahara Occidental(...)». Les corps diplomatiques accrédités à l'étranger doivent développer les relations de l'Algérie avec «nos principaux partenaires en Europe et en Asie, la région des Caraïbes (Cuba, Venezuela...) et d'en faire une nécessité particulièrement pour des relations équitables avec l'UE et l'UA». Tebboune affirme que «l'Algérie n'accepte des Européens aucune ingérence dans ses affaires internes, on exige le respect de notre souveraineté(...)».

Le président a tenu à «insister sur deux sujets stratégiques importants, la communauté internationale et la diplomatie économique». Il recommande aux diplomates de «traduire d'une manière effective l'importance accordée à la communauté nationale à l'étranger, non seulement pour répondre à ses besoins mais pour la faire participer dans le renforcement de nos relations avec les pays hôtes (...)». Il a décidé à ce que les ambassades mettent au service des ressortissants algériens à l'étranger «un numéro vert et un cabinet d'avocats pour les aider à régler leurs problèmes, on fera face à tous ceux qui veulent leur nuire». Il veut en outre qu'il soit procédé au rapatriement des dépouilles des ressortissants qui décèdent à l'étranger «le plus tôt possible, les papiers au niveau des ambassades et consulats viendront après».

La diplomatie économique pour lui c'est «de positionner les sociétés algériennes auprès de celles étrangères et sur les marchés internationaux, l'essentiel est que nos produits nationaux peuvent être exportés». Il exhorte les diplomates à «prendre attache pour cela auprès du 1er ministre et aussi avec les entreprises algériennes elles-mêmes».

Tebboune estime qu'ils doivent «défendre l'intérêt suprême de la Nation, sa réputation, la dignité de ses ressortissants(...) sur la base des principes d'autodétermination des peuples, la non-ingérence dans les affaires internes des Etats, le règlement pacifique des conflits, l'indépendance des Etats et des peuples».

«Je préfère pécher par excès de vigilance que par manque de vigilance»

Le président a proposé d'ailleurs aux diplomates de tenir leur conférence «une ou deux fois par an pour qu'on évalue ensemble la place et l'image de l'Algérie dans les pays où vous êtes accrédités». L'on note qu'en plus des diplomates, la réunion de Lamamra s'est tenue en présence du chef d'état-major, le général de corps d'armée Saïd Chengriha, le général Medjahed, les représentants des services de la sécurité intérieure et extérieure, du directeur général de l'Agence nationale de coopération, Boudjemaa Delmi, l'ex-envoyé spécial pour le Sahel et l'Afrique, qui a remplacé Chafik Mesbah, et de spécialistes des questions sécuritaires.

Avant le discours du président de la République, le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger avait rappelé «le dernier mouvement diplomatique où il y a eu la nomination de près de 80 chefs de missions, on a aussi 7 envoyés spéciaux chargés de dossiers précis pour défendre les intérêts et les priorités de l'Algérie». Ramtane Lamamra prévoit d'autres nouvelles nominations et annonce en même temps l'ouverture prochaine du concours des affaires étrangères pour le recrutement d'attachés et de secrétaires d'ambassades. Le ministre a appelé à «réactiver la diplomatie en coordination avec les institutions de l'Etat et aussi les opérateurs économiques publics et privés».

Dans l'après-midi, des responsables de la sécurité intérieure et extérieure ont mis en avant la détérioration de la sécurité au plan régional et international, particulièrement dans le Maghreb et la région du Sahel. Tous s'accordent à dire que «l'Algérie se situe dans un espace géostratégique perturbé et instable(...), certaines forces étrangères manœuvrent contre les peuples de la région, la recrudescence du terrorisme, le marécage libyen, la situation préoccupante au Mali, la situation inquiétante en Tunisie, la Mauritanie qui risque de devenir une zone de repli pour les groupes terroristes, les dangereuses actions d'hostilité du Maroc contre l'Algérie (cybercriminalité, conflit armé avec le Sahara Occidental...), et ses accords avec Israël, un facteur aggravant et dangereux(...)». Pour ces spécialistes des questions sécuritaires, «les facteurs de riposte contre le Maroc doivent être bien pensés et efficaces».

Au cours du débat, Lamamra interroge «est-ce que l'Algérie est ciblée ? Est-ce de l'alarmisme ?» Pour répondre tout de suite, «pourquoi l'Algérie serait-elle immunisée alors qu'un grand nombre de pays arabes a été ciblé, ceux du front du refus, ce n'est pas de l'imaginaire(...)». Ce qui le laisse affirmer «je préfère qu'on pèche par excès de vigilance que par manque de vigilance».