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La continuité des coups d'Etat

par Abdou BENABBOU

Il est à déduire qu'une teigne inguérissable sévit depuis plus d'un demi-siècle en Afrique. Un sempiternel coup d'Etat militaire se répète en ce moment au Soudan où l'armée revient à la charge pour prendre le pouvoir et ce ne sont pas les semblants cris d'orfraie de quelques Etats et organisations officielles réclamant un retour à la pondération qui dérouteront l'implacabilité d'une règle devenue désormais presque établie.

Les coups de force se répètent sans intermittence en changeant de lieux pour parfois embraser des fragiles pays africains pour permaniser les crises dans un continent constamment bouleversé. Affirmer que l'incandescence des bouleversements répétés est née avec l'ère des indépendances n'est pas une vue de l'esprit. La colonisation a bien semé des ivraies souillant des cultures ancestrales pour que l'homme africain perde son profil et la droiture des actes de la gouvernance.

Dans la plupart des jeunes Etats, la décolonisation n'a malheureusement laissé une place privilégiée derrière elle qu'à la force du fusil et il devenait évident qu'il ne pouvait fatalement en être autrement. Les peuples longtemps soumis au dénuement, à la misère et à la famine ne pouvaient disposer de moyens pour se ressourcer pour renouer avec une sérénité légitime. Il est souvent dit, à tort ou à raison, que la discipline des populations avait un prix.

Rester braqué sur les emphases des modèles démocratiques et sur la litanie des conseils préliminaires n'est pas suffisant pour des populations à la recherche de leurs âmes. L'effort exigé est titanesque pour que le fusil et la baïonnette soient définitivement rangés. Les dégâts laissés par le colonialisme sont incommensurables et ses acteurs sont mal placés pour prodiguer aujourd'hui des conseils de retenue, de civilité et de bienséance. Se plier aux humeurs et à l'opportunisme des caporaux en mal de puissance, détenteurs de canons et de mitraillettes grâce auxquels ils imposent leur vérité suspecte n'est pas non plus salvateur.

Le dilemme est cependant si lourd que l'unique issue des peuples africains pour se relever est dans la trouvaille du génie nécessaire capable de leur rendre leur dignité. A défaut, comme au Soudan aujourd'hui, les coups d'Etat continueront.