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Revue annuelle du fonds monétaire International: Les recommandations du FMI à l'Algérie

par R.N.

Bien qu'il avance « une reprise graduelle » et « une croissance économique projetée de 3% cette année », le FMI recommande aux autorités algériennes de «recalibrer la politique économique pour corriger les équilibres macroéconomiques, faire transiter le pays vers un nouveau modèle de croissance et diversifier les sources de financement budgétaire y compris par le recours à l'emprunt extérieur ».

Contrairement aux années précédentes, une mission du FMI a mené au titre de l'article IV, des consultations pour l'année 2021 avec les autorités algériennes, par visioconférence pour des raisons évidentes de pandémie. « Les consultations ont eu lieu du 25 septembre au 3 octobre, elles ont été très particulières parce que c'est la première fois qu'elles ont été virtuelles », a précisé Mustapha Benabderahim, directeur général des études à la Banque d'Algérie. Le responsable de l'institution bancaire a assisté hier, en tant qu'observateur, à la visioconférence qui a regroupé à partir de Washington, Geneviève Verdier, cheffe de mission pour l'Algérie et cheffe de division du Moyen-Orient et de l'Asie Centrale (MCD) depuis 2020 et des journalistes algériens. Verdier a lu à partir de Washington le rapport qu'elle a élaboré après s'être entretenue avec le 1er ministre et ministre des finances, Aïmene Benaberrahman, Rosthom Fadli, gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Arkab, ministre de l'énergie et des mines, Kamel Nasri, ministre des travaux publics, Kamel Rezig, ministre du commerce et de la promotion des exportations, Abderrahmane Lahfaya ministre du travail, de l'emploi et de la sécurité sociale, Kaouthae Krikou, ministre de la solidarité nationale, de la famille et de la condition de la femme, ainsi qu'avec d'autres hauts responsables du gouvernement et de la banque centrale et des représentants des secteurs économiques et financier, de la société civile et des syndicats.

«Les autorités algériennes ont pris plusieurs mesures pour atténuer les répercussions de la pandémie de la COVID-19 et ont intensifié leur campagne de vaccination depuis le mois de juillet, commence par relever la mission du Fonds dans son communiqué de presse qu'elle a rendu public hier.

« Une marge de manœuvre considérablement réduite »

Mais au-delà de ce bon point qu'elle accorde à l'Algérie, la mission de l'institution de Breton Wood passe tout de suite aux « conseils » et fait savoir aux autorités algériennes qu' « il est urgent de recalibrer la politique économique pour corriger les déséquilibres macroéconomiques tout en protégeant et renforçant le soutien aux tranches les plus vulnérables de la population ». Elle leur préconise « la transition de l'Algérie vers un nouveau modèle de croissance (qui) requiert la mise en œuvre d'un vaste ensemble de réformes structurelles, dont des mesures visant à améliorer la gouvernance économique et à favoriser l'émergence d'un secteur privé dynamique et la création d'emplois ».

Geneviève Verdier a expliqué dans le détail la nécessité de telles recommandations. A l'issue de ses entretiens virtuels avec les autorités algériennes, elle a ainsi déclaré à Washington, qu'« à l'instar des autres pays, la pandémie mondiale de la COVID-19 a durement frappé l'Algérie. La mission du FMI tient à exprimer sa solidarité aux Algériens touchés par la crise sanitaire et à ceux qui ont travaillé sans relâche pour venir en aide à la population ». La mission se dit « heureuse de constater que des mesures sanitaires opportunes et l'accélération de la campagne de vaccination depuis le mois de juillet ont aidé à réduire l'impact de la troisième vague qui a frappé le pays l'été dernier ». Dans son compte-rendu à Washington, Verdier a noté que « la pandémie et la baisse concomitante de la production et des prix du pétrole ont eu de graves répercussions sur l'économie l'année dernière, entraînant une forte contraction du PIB réel de 4,9% en 2020 ». Elle a ainsi constaté qu' « en sus des mesures sanitaires pour freiner la propagation de la pandémie, les autorités ont mis en œuvre un vaste ensemble de mesures visant à atténuer son impact sur l'économie notamment des reports d'impôts, une augmentation des dépenses de santé, des allocations de chômage, un transfert ponctuel aux ménages à faible revenu, des réductions du taux directeur de la banque centrale et du ratio de réserves obligatoires, ainsi que l'assouplissement des règles prudentielles applicables aux banques ». Elle estime que ces mesures ont permis de protéger l'économie, mais la pandémie a encore mis en évidence les facteurs de vulnérabilités de l'économie algérienne ». Elle explique qu' « en raison de déséquilibres macroéconomiques de longue date, les décideurs disposent d'une marge de manœuvre considérablement réduite ».

Les vulnérabilités de l'économie nationale

La politique budgétaire «expansionniste menée depuis plusieurs années, a dit-elle contribué à porter les déficits extérieurs courants à des niveaux élevés, malgré une politique de compressions des importations, et a entraîné de vastes besoins de financement qui ont été, dans une large mesure , satisfaits à travers la banque centrale ». Ce qui lui fait dire que «les déficits budgétaires et extérieur se sont encore creusés en 2020, alors que les réserves internationales, qui demeurent à un niveau adéquat, ont baissé de 62,8 milliards de dollars en 2019 à 48,2 milliards de dollars à la fin de 2020 ». Bien qu'elle relève «une reprise graduelle est en cours, avec une croissance économique projetée à plus de 3% cette année, soutenue par la reprise des prix à la production des hydrocarbures », elle pense cependant que « la croissance devrait s'essouffler à moyen terme du fait de l'érosion probable de la capacité de production dans le secteur des hydrocarbures dans un contexte de réduction des projets d'investissements décidée en 2020, et des politiques actuelles qui limiteraient le crédit au secteur privé ». La mission du FMI estime en parallèle que « l'inflation s'est accélérée pour atteindre 4,1% en moyenne annuelle en juin 2021, en partie sous l'effet d'une augmentation des cours internationaux des produits alimentaires et d'un épisode de sécheresse en Algérie ».

Elle affirme que «malgré le rebond de l'activité économique et la nette amélioration du solde extérieur en 2021, il reste urgent de rétablir une stabilité macroéconomique et une marge de manœuvre, tout en protégeant les groupes les plus vulnérables et en soutenant la reprise ».

De l'avis de l'équipe de la mission, dit Geneviève Verdier, « la persistance de déficits budgétaires élevés à moyen terme engendrerait des besoins de financement sans précédent, épuiserait les réserves de change et présenterait des risques d'inflation la stabilité financière et le bilan de la banque centrale ». Autre contrainte relevée par la mission « globalement, la capacité des banques à prêter au reste de l'économie serait fortement entravée, ce qui aurait des conséquences négatives pour la croissance ». Elle recommande alors « un ensemble complet et cohérent de politique budgétaire monétaire et du taux de change afin de réduire les vulnérabilités de l'Algérie ».

« Le financement monétaire doit être interdit »

La mission juge qu'« un ajustement budgétaire général, qui donne en même temps la priorité aux mesures de protection des plus vulnérables, devrait être entamé en 2022 et s'échelonner sur plusieurs années pour maintenir la viabilité de la dette ». Cet ajustement, explique-t-elle encore, « devrait être étayé par des politiques visant à améliorer le recouvrement des recettes, à réduire les dépenses et à accroître leur efficacité ». La mission affirme que « le financement monétaire doit être interdit afin d'endiguer l'augmentation de l'inflation et l'épuisement des réserves de change, tout en diversifiant les sources de financement budgétaire y compris à travers le recours à l'emprunt extérieur ».

Et considère qu' « une plus grande flexibilité du taux de change contribuera à renforcer la résilience de l'économie aux chocs externes et un resserrement de la politique monétaire permettra d'endiguer les pressions inflationnistes ». L'équipe du FMI fait savoir que les autorités algériennes partagent son avis que «la transition de l'Algérie vers un nouveau modèle de croissance passe également par la mise en œuvre de réformes fondamentales visant à renforcer la transparence et la gouvernance des institutions juridiques, budgétaires et monétaire dans l'ensemble du secteur public et à réduire les obstacles à l'entrée dans l'économie formelle ». Elle estime ainsi que « l'application de la loi organique relative aux lois de finances constitue une étape importante dans l'amélioration de la gouvernance budgétaire ».

La missions ne manque pas de saluer « les efforts des autorités pour réduire les restrictions à l'investissement direct étranger et leurs plans de modernisation du cadre juridique de l'investissement et de la concurrence, ce qui contribuerait à diversifier l'économie et réduire sa dépendance aux hydrocarbures et à favoriser l'investissement du secteur privé et la création d'emplois ». Elle salue en dernier, «les annonces récentes concernant des plans de réduction des charges administratives et les réformes à venir pour réduire la vulnérabilité à la corruption ».