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En présence de Tebboune et plusieurs autres responsables: Bouteflika inhumé à El Alia

par Ghania Oukazi

C'est dans l'harmonie de la mystique soufie «La Illah A ill Lah Mohamed Rassoul Allah» et les youyous des femmes que la dépouille de l'ancien président de la république a quitté, hier, la résidence d'Etat de Zéralda pour rejoindre sa dernière demeure

au cimetière d'El Alia.

Des images sonores tournent déjà sur la toile et montrent la présence de nombreux membres des confréries soufies à la résidence d'Etat de Zéralda. Ils ont tenu à être aux cotés de la famille Bouteflika en ce douloureux moment. Ils ont veillé le défunt en psalmodiant le Coran pendant plusieurs heures. Ils ont honoré sa mémoire par une tradition ancrée plus à l'ouest et au sud du pays. Tradition que préservent depuis des lustres les «tolba» et les « Samaa », en récitant le Coran dans les veillées funèbres ou devant les tombes à la mémoire des morts, selon des psalmodies qui leur sont propres. L'on note qu'étant lui-même adepte du samaa soufi, Abdelaziz Bouteflika a dés son arrivée aux commandes de l'Etat, réhabilité les zaouia à travers le pays en leur assurant soutien et assistance. L'on dit que Saïd Bouteflika a été ramené samedi soir de la prison d'El Harrach au domicile mortuaire pour pleurer son frère aîné et lui faire ses derniers adieux.

Couvert de l'emblème national, le cercueil du défunt a été porté de l'intérieur de la résidence au hall d'entrée par des éléments de l'Armée nationale populaire pour être posé sur un porte char tiré par un véhicule militaire où pendaient tout autour plusieurs couronnes de fleurs. « La Illah A illa Lah Mohamed Rassoul Allah », répétaient en cœur les Samaa marquant ainsi tout autant que les youyous des femmes, ce triste moment d'une profonde émotion.

Un long cortège funèbre officiel?

L'ancien président de la république a eu certes, droit à un cortège funèbre officiel, la mise en berne de l'emblème national pour trois jours dans l'ensemble du pays mais pas de deuil national. Les médias audiovisuels publics et privés n'ont rien changé à leur programme durant ces trois jours en particulier ceux musicaux et de divertissement.

C'est à partir de midi que le cortège a commencé à traverser la rocade reliant Zeralda au cimetière d'El Alia en passant par Bir Mourad Raïs, les fusillés et le boulevard de l'ALN. Il a ainsi contourné la capitale en laissant bloqués, longtemps après son passage, les automobilistes qui sortaient des bretelles et des rues adjacentes à ce parcours. Le cortège était passé tout près de « Djamaa Al Adham » à la construction duquel l'ancien président tenait tant. Il aurait tellement voulu l'inaugurer par une prière sous son somptueux dôme?

Plusieurs voitures de la gendarmerie nationale ont ouvert la route à ce long cortège mortuaire. Le cercueil du défunt était escorté par les gardes mobiles avec devant un camion militaire où se tenaient debout d'autres éléments de l'ANP. Il était suivi d'un grand nombre de véhicules officiels aux vitres fumées alignés en carré et escortés, chacun, par quatre véhicules de la gendarmerie nationale.

En l'absence d'une communication officielle, médias et réseaux sociaux ont supputé toute la journée du samedi sur comment aller se passer l'enterrement de l'ancien président décédé la veille, dans la soirée du vendredi 17 septembre. Et tous ont été obligés de suivre hier «à tâtons», l'itinéraire que devait prendre le cortège funèbre. Beaucoup de journalistes ont été tôt le matin au Palais du Peuple où, disait-on ici et là, devait être déposé le cercueil pour les derniers adieux d'officiels et de citoyens au défunt. Mais il semble que cette étape n'avait pas reçu l'aval des plus hautes autorités du pays. L'on craignait soit de grands regroupements populaires ou alors des comportements haineux. Supprimer la halte du Palais du peuple était plus rassurant.

Le Président Tebboune présent à l'enterrement

La rumeur de la présence du président Tebboune à El Alia a été confirmée. Il était arrivé à El Alia quelques instants plus tôt (11 minutes) avant l'arrivée du cortège funèbre. Mais avant, des groupes de citoyens occupaient les alentours du cimetière où ont été déployés de solides cordons sécuritaires en civil et en tenue officielle. Les éléments de la sécurité en faction ont empêché tout le monde de s'approcher de l'entrée. Des responsables civils et militaires sont venus en grand nombre parmi lesquels il est noté la présence de hauts gradés du MDN à leur tête le chef d'état-major de l'ANP, le général Saïd Chanegriha, le 1er ministre et des membres des gouvernements passés et actuels et les responsables d'institutions de l'Etat. Le ministre des Moudjahidine , Laïd Rebiga, a prononcé une oraison funèbre avant que la dépouille ne soit inhumée.

Des bus ont ramené un grand nombre de représentants des missions diplomatiques étrangères accréditées à Alger. Plus d'une centaine de membres de zaouia sont venus de plusieurs régions du pays pour assister à l'enterrement mais ils en ont été empêchés par les forces de l'ordre. Ce qui ne les a pas empêchés d'entonner des tahalif soufis à la vue du cortège funèbre.

Excepté les équipes de la télévision publique et de l'APS, les représentants des médias privés venus nombreux pour couvrir les obsèques ont été repoussés à plus de 150 m du portail du cimetière. Ils n'ont pu prendre aucune photo de près, aucune image des séquences de l'enterrement. De loin peut-être, ou des vidéos filmées à la sauvette pour être diffusées plus tard sur la toile.

Les premières images des télévisions privées montrent d'ailleurs des citoyens qui sont vite rentrés à l'intérieur du cimetière, tout de suite après le départ des officiels. Ils ont entouré la tombe du défunt, l'ont fleurie, lu la Fatiha et ont prié à la mémoire de celui qui a subjugué le peuple algérien jusqu'en 2013, année où il a été victime d'un accident vasculaire cérébral (AVC) qui a profondément changé sa vie et bouleversé dangereusement l'Algérie.