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MOURIR LENTEMENT POUR SAUVER SA VIE

par Abdou BENABBOU

Le dilemme n'en finit plus. Il n'est pas indiqué quelque part au milieu du magma des mauvaises nouvelles qu'un espoir est permis pour que chacun retrouve sa pleine liberté. Cette liberté d'ailleurs a toujours eu un profil mitigé dès lors qu'elle a été contingentée depuis la nuit des temps par les pressions et les accommodations du vivre ensemble. Le partage du libre mouvement dans toutes les sociétés a toujours posé problème se caractérisant sans fin par le tiraillement des gains des espaces sans jamais atteindre une plénitude. Cette éternelle vérité vient d'être rappelée par un virus intrépide pour que l'Homme cesse de s'attribuer le profil de la démesure.

Avec le retour du confinement, des secteurs entiers de la vie économique ont été mis dans l'obligation de remodeler leurs déploiements pour se conformer à de nouvelles règles d'activités pour que les vies soient sauvegardées. L'exercice renouvelé va encore une fois coûter très cher pour ceux qui avaient cru, l'espace court de quelques semaines, qu'une lueur d'espoir s'était présentée. Le partage, l'échange et la solidarité devront se soumettre à des us inaccoutumés et bien des gestes habituels seront contrariés jusqu'à faire craindre la dislocation des familles. Le solde gratifiant n'en rendra bénéficiaires que les téméraires et les débrouillards de tous les acabits.

L'ironie du sort face à la pandémie monstrueuse est qu'il est impossible pour le gouvernement de tenter de sauver des vies et en même temps circonscrire ce qui les préserve. Qui du boulanger ou du consommateur doit-on ligoter ? Comment concilier l'élargissement des espaces communs au nom de distanciation humaine obligée avec l'obligation de les restreindre en même temps ?

L'incongru et le plus difficile à s'expliquer est comment peut-on concevoir un resserrement dans le temps des moyens de transport en perdant de vue le regroupement plus dense fatalement induit des usagers ? Comment astreindre les vendeurs de boissons et de nourritures à d'obligatoires plis et en même temps fermer les yeux sur le fourmillement humain des marchés populaires où la population s'agglutine sans prudence ni retenue ?

Tout le monde est conscient que la vie doit s'articuler quel qu'en soit le prix. Le démentiel de la situation actuelle est d'obéir à l'hibernation forcée et accepter une mort lente pour sauver sa vie.