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La mémoire nationale: Le contentieux archivistique franco-algérien pris en otage !

par Nadir Hama*

Laissez les archives aux archivistes !

Entre l'isolement de la corporation des archivistes et la persistance du contentieux archivistique franco-algérien, la question doit être prise en charge par ses siens.

Nul ne disconviendra cette sentence. A chaque métier ses outillages et ses crânes.Pour cela, avec de nombreux intrus-professionnels dans le dossier de la mémoire nationale, le sentier professionnel s'avère épineux. Donc, il faut rendre à César, ce qui lui appartient ! Dans ce sens,le contentieux archivistique franco-algérien, cet lourd fardeau éternel porté par le peuple algérien, ne peut être dénoué en dehors des montages salutaires dessinés par la corporation des archivistes. Le bruit sémantique, la pertinence, le règlement y afférent et lesaccointances sont autant d'approuves estampillés, avec complaisance, maitrisées par la corporation. En dehors de celle-ci, le parcours de négociation s'envenime encore.

Certes, le dossier du contentieux archivistique franco-algérien ne date pas d'aujourd'hui. Puisque les différents gouvernements algériens successifs depuis l'indépendance ne cessaient de négocier la récupération de nos documents d'archives déportés par la France coloniale en 1962. A présent, le dossier en question refait surface. Une bonne intention politique ! ou bien une fuite en avant voire c'est de la poudre aux yeux. A ce sujet, les deux présidents antagonistes se sont entendus de se constituer en partie et encore discourir ce contentieux. Doit-on procéder à un bilan ? Quel bilan ! ou bien continuer à négocier «un acquis» non négociable. Deux hommes historiens seront-ils capables d'aboutir à étouffer ce vieux discontinu processus de négociation interminable ? Y a-il un Archiviste émérite en Algérie qui rapiécera notre mémoire nationale ?

Près de soixante ans après la proclamation de l'indépendance de l'Algérie arrachée au cout du sang d'un million et demi de Chahid, sans énumérer l'orphelinat, la déliquescence socio-économique et culturelle et les corpulentes pertes matérielles enregistrées. Cette indépendance obtenue au bout de sept ans de guerre de libération nationale menée par l'appareil politico-militaire FLN-ALN autour duquel le peuple algérien s'est déployé sans réserves en prévalant la déclaration du 1er Novembre 1954bien que la résistance fut imminente depuis 1830 . Néanmoins, cette indépendance reste amputée des pans de la mémoire nationale, à savoir, le rapatriement des archives produites sur la terre algérienne vers la France en 1962. On ne peut concevoir un état sans mémoire. Autrement dit, «Un peuple sans mémoire, c'est comme un homme sans langue» , dit l'adage populaire .Donc, une autre bataille portant restitution des archives serait entreprise. Une impérieuse bataille inachevée à ce jour ! . La restitution de ses archives nationales considérées une propriété intellectuelle de l'état algérien est un impératif d'efficience et de rigueur,qui soulagera l'esprit de nos valeureux martyrs. Un complément au conditionnel de la mémoire nationale voire la souveraineté nationale. Il constituera, un champ de bataille, sans relâches, pour le pouvoir politique en place. Certes, des expériences de négociation remontent aux premières années d'indépendance, mais le résultat demeure squelettique. En ignorant les véritables raisons de ce blocage, néanmoins, le scénario présente deux antagonistes : si l'Algérie réclame la restitution des documents d'archives sans réserves et en vrac, la France, de son coté, assurément a effroi flétrissure de relever sur preuves écrites ces homicides et crimes humanitaires commis par ses forces coloniales en Algérie à travers le historico-trajet de 132ans de colonisation. Alors que l'agression, quel que soit sa taille , sa durée et sa nature reste gravé éternellement dans la mémoire collective.

Pour cela ; il est judicieux ; en raison de l'inaboutissement du processus de négociation depuis longtemps et la vulnérabilité du dossier, le processus de négociation doit être inscrit sur plusieurs fronts. Si la négociation bilatérale demeure infructueuse, le contentieux doit être porté devant les instances régionales et internationales tels que le conseil international des archives et Archivistes sans frontières. La médiation pourra brandir ses fruits. Puisque l'expérience vécue par l'Algérie en matière de négociation bilatérale a montrée ses limites car la France propose des résolutions de deuxième degré. Or la variante de porter le contentieux devant les instances internationales, à savoir, CIA et ASF, pourra commander une résolution conforme aux principes de détention des documents d'archives : le principe territorial et celui du caractère juridique dudit document. Néanmoins, un travail de fourmille est nécessaire au niveau de ses instances internationales en partenariat avec les pairs qui souffrent de la même problématique. L'Algérie doit investir en matière primo par le tissage des relations multilatérales et en représentation au sein des commissions de fonctionnement de ses instances planétaires.

A l'ordre du jour des pourparlers, assurément sera inscrit : Négociation autour du contentieux archivistique franco-algérien ? A moindre échelle, peut ?on négocier un livret de famille appartenant à un individu dépouillé par un malfrat ? Donc, Sans ambages, les documents d'archives suivent le sort de la terre libérée. Aucun esprit sain n'accepte de négocier sa propriété ? La France est appelée à revenir aux triptyques principes, à savoir :

1-Le principe territorial, c'est que les documents d'archives rapatriés à l'aube de l'indépendance vers la France, sont produits sur la terre géographique du territoire algérien et qui régissent la vie communautaire des Algériens. La détention de ses documents est qualifiée d'infraction et d'illégalité. Entre la valeur possession et celle de propriété, la seconde prime.

2-Le principe juridique du fonds documentaire, Quel que soit les Acteurs, les évènements attestent, de point de vue juridique, que «Algérie» figure en tant qu'entité organique. Les documents indiquent le vécu amer ou mielleux des Algériens durant l'occupation coloniale française.

3-Le principe de droit et le devoir des générations après l'indépendance,les générations montantes ouvrent droit respectivement d'ornementer sur l'histoire de ses ancêtres et de réclamer à haute voix la restitution et/ou la propriété intellectuelle du fonds archivistique existant en France.

Sur un autre registre ; Pourquoi nos étudiants et chercheurs universitaires restent privés de cette masse documentaire comme références bibliographiques potentiels dans leurs travaux de recherche ? Egalement ; pourquoi la France maintient en extension toujours la durée de communicabilité des archives coloniales ? Bien que d'autres fonds archivistiques seraient conservés en vrac dans les salles scellées ? En matière d'écriture d'histoire, On recense que la production livresque en la matière en France dépasse celle de l'Algérie et ce, en raison de la disponibilité des références bibliographiques accessibles et inhérentes aux différents évènements survenus en Algérie. En termes simples : il faut rendre à César ce qui lui appartient. !

Invraisemblablement, le combat se présente rude. Les deux interlocuteurs auront des épreuves dures à surmonter. La rétrospective comme la prospective du dossier en question manque de visibilité politique partagée. Le pas est à mi-chemin. Formellement, le dispositif mis en place affiche plus d'indices renseignant sur la forme l'inaboutissement du processus de négociation, Par ricochet, le fonds reste inabordable. La vision des deux parties en conflit est a synchronique. Pis, Sans nomination d'un arbitre potentiel neutre et sans l'existence d'un code d'éthique défini au préalable dans un cadre institutionnel réglementaire, la négociation augure une fausse route comme le processus sera très long. Autrement dit, sur quel référentiel réglementaire les deux parties vont s'arc-bouter ?

Pour nous, la mobilisation des compétences nationales en la matière devient une nécessité impérieuse. Constituer un panel algérien consacré à la problématique du contentieux archivistique algérien avec les différents pays ayant transité à travers la trajectoire historico-coloniale devient également une démarche sage pour réussir l'aboutissement des négociations. S'engager à la prise en charge du dossier des archives au niveau local et national est une autre prévoyance à soulever ! L'activation des instances nationales demeurées à ce jour stagnées relève haut leur statut et valorise le patrimoine documentaire en question.

Enfin, Nul n'acceptera que sa mémoire nationale soit amputée. Vu que le processus de négociation bilatéral a montré ses limites depuis belle lurettes ;le résultat, en conséquence, est mince d'autant plus sur la forme. Donc, des efforts doivent être quadrillés sur plusieurs fronts en processus multilatéral attendu qu'à ce niveau, les intentions comme les convictions seront révélées et transcrites en actes de résolution. Si le résultat persiste toujours efflanqué, la voix diplomatique s'animera. Les relations bilatérales demeureront mouvementées.

*DPGS en Management des projets