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Le temps du pouvoir et le pouvoir du temps en Algérie

par Mohamed El Bachir Louhibi

23ème partie



Dans une tension telle que celle qui existait réellement ayant des causes politiques, économiques et sociales, l'incitation au racisme et a la violence était chose aisée pour la droite qui en faisait ainsi son fonds de commerce.

Au lieu de réprouver et de condamner les actes provocateurs, les israélites ripostèrent en jetant des projectiles sur les musulmans indignés à juste cause et tirèrent même des coups de feu sur eux d'où un enchaînement pour aboutir à un cycle de violences réciproques et regrettables.

Le 4 août, notables musulmans, juifs et notamment des élus se rencontrèrent pour déplorer et regretter une telle situation, rencontre suivie d'interventions simultanées pour calmer les esprits dans les 2 communautés.

Côté musulman, les choses allaient s'arrêter là, puisque le 4 août 1934 au soir, le Chikh Ben Badis et le Dr Bendjelloul prêchèrent le calme dans la grande mosquée de Constantine.

Dans le même sens, une réunion allait se tenir au lieu dit «Les Pins»,le 5 aout 1934 présidée par le Dr Bendjelloul. Pendant que les musulmans se rassemblaient en ce lieu,des coups de feu furent tirés Place des Galettes à partir d'une maison occupée par un israélite et plusieurs musulmans furent touchés ainsi que les militaires constituant le cordon de sécurité établi par l'armée pour séparer les quartiers des 2 communautés en attendant le retour au calme.

De là, les choses ont dégénéré en incidents regrettables et douloureux.

La responsabilité des extrémistes juifs fut largement confirmée par des rapports officiels et dont ceux du commissaire de police FUSERO et du commissaire central de Constantine MIQUET entre autres.

En résumé des faits,les conclusions qui s'en dégageaient furent l'objet du rapport Vigoureux sur les évènements de Constantine d'août 1934 et dont Aissa conservait un exemplaire outre quelques journaux de l'époque.

Annexe N° 13

Rapport Vigoureux sur les évènements de Constantine (Août 1934)

I) ?La thèse indigène :

«D'après la thèse indigène, les israélites sont à l'origine des évènements du dimanche :les incidents du quartier de la Place des Galettes sont la cause exclusive de l'émeute, en dehors de la nervosité, causés par l'anathème lancé au prophète et la profanation de la Mosquée. Le sac, de 8 heures à 9 heures 30, d'une dizaine de magasins situés dans le quartier israélite, les nombreux coups de revolver tirés par les juifs et le spectacle, dès 9 heures, d'indigènes blessés par balles, ont affolé les musulmans d'autant plus que, dans leur esprit ? et cette croyance est très répandue-chaque coup de feu entraîne mort d'hommes».

-BENDJELLOUL et les indigènes interrogés par la commission ont déclaré :

«Les évènements de Constantine sont des évènements purement locaux, dûs à des causes purement locales. On ne peut les rattacher ni à la politique de M. le gouverneur général CARDE, ni à la politique de la France?

Ces évènements n'ont aucun rapport,, j y insiste, ni avec la démarche entreprise l'année dernière à Paris par notre délégation, ni avec la politique suivie dans ce pays par M. le gouverneur général CARDE. Ils n'affectent en rien la cause française?»

«Ils ont fait remarquer que la haine du juif est une chose normale pour leurs coreligionnaires ruinés car ils voient tout naturellement en lui leur exploiteur : beaucoup d'israélites, en effet, pratiquent l'usure, d'autres sont des marchands de gros qui fournissent les petits revendeurs ; beaucoup sont porteurs de contraintes ou encaisseurs, ils ont dû, la crise survenant poursuivre leurs débiteurs, les acculer parfois à la faillite et leur ont paru ainsi être la source de leurs malheurs.»

II) La thèse israélite :

Pour les israélites le «pogrom» de Constantine aurait été préparé de longue main Leurs arguments les plus caractéristiques sont les suivants :

a) Le 24 juillet 1934,deux indigènes armés auraient tenté de provoquer des bagarres en menaçant des israélites sur la passerelle de SIDI M'CID et en blessant l'un deux ;le calme n'aurait pu être maintenu que grâce au sang froid de la population israélite.

b) Dans les campagnes, un coup de main sur Constantine aurait été annoncé plusieurs jours à l'avance.

c) Des soldats indigènes auraient déserté quelques jours avant l'émeute et auraient gagné le chef-lieu.

d) Un européen,Mr BONDURAND, garde général des Eaux et forêts aurait été arrêté un soir de la semaine précédente par deux indigènes paraissant menaçants qui lui auraient demandé s'il était juif.

e) Deux magasins de tabac appartenant à des Musulmans et sis rue de France, auraient été vidés entièrement le Jeudi 2 août, sous prétexte de transformations.

f) Certains magasins et bureaux israélites auraient été marqués à la craie avant les événements.

g) De nombreux indigènes de l'extérieur seraient venus le dimanche à la ville à pied, en autobus et en chemin de fer.

h) Aucun revendeur indigène ne s'est installé dimanche matin, 5 août contrairement à l'habitude, sur le marché de la place Négrier, situé dans le quartier juif.

i) Beaucoup de domestiques indigènes auraient prévenu leurs maîtres israélites qu'ils ne viendraient pas travailler ce jour-lâ.

j) Un laitier musulman n'aurait pas livré son lait le samedi 4 et le dimanche 5 août à ses clients habitant le quartier juif.

k) M. BENDJELLOUL ne serait pas allé aux «Pins» par tactique afin de mieux laisser courir le bruit de sa mort, répandu pour exciter la masse.

l) Le pillage aurait été organisé méthodiquement et effectué par des équipes de techniciens habillés uniformément de blouses bleues et fez rouges et munis d'un outillage perfectionné ; ces équipes auraient eu, chacune, un rôle défini à l'avance ; elles auraient été guidées par des gens connaissant bien la ville, pour la plupart, cireurs ou portefaix.

m) Une infirmerie aurait été installée à la plateforme du Koudiat par les émeutiers, puis brûlée, ainsi que les objets de pansement et les effets d'habillement qu'elle contenait.

n) Les pompiers de Souk-Ahras n'auraient été attaqués en route que parce qu'ils venaient au secours des israélites.

A suivre