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Le G7 face à la stratégie planétaire de la Chine: Pétrole à + de 150 $ à défaut de sauver son hégémonie créer un équilibre monétaire mondial (1ère partie)

par Medjdoub Hamed*

Dans un article sur yahoo.news.com du 13 juin 2021, rubrique Économie, on lit : « Le G7 fait front commun pour contrer la nouvelle « Route de la soie » chinoise. »

«Les membres du G7 réunis en sommet en Angleterre se sont entendus samedi 12 juin pour proposer aux pays en développement un vaste programme en faveur de leurs infrastructures afin de contrer l'influence grandissante de la Chine. Si tous sont d'accord sur le fond du problème, certains pays redoutent de s'attirer l'hostilité de Pékin. [...]

Réunis samedi en sommet en Cornouailles, les membres du G7 se sont entendus pour proposer aux pays en développement un vaste programme en faveur de leurs infrastructures afin de contrer l'influence grandissante de la Chine à travers le monde.

Lancé par le président chinois Xi Jinping en 2013, le projet de nouvelle « Route de la soie » consiste à financer des investissements et des projets de développement de l'Asie à l'Europe et jusqu'en Afrique. Dans ce cadre, plus de 100 pays ont déjà signé des accords avec Pékin pour développer des liaisons ferroviaires, des ports, des autoroutes ou d'autres types d'infrastructures. Mais les projets chinois sont notamment accusés d'endetter lourdement les pays en développement ce qui les paralyse et les laisse politiquement redevables à la Chine, note The Guardian. [...]

Le contre-projet du G7 baptisé « Build Back Better World » (Mieux reconstruire le monde) ou « B3W » doit lui permettre de conclure des partenariats transparents en matière d'infrastructures pour combler d'ici 2035 des besoins estimés à 40 000 milliards de dollars dans les pays à revenus faibles et intermédiaires. »

La suite de l'article sur Courrier international.

Il a été présenté à l'initiative de Joe Biden qui a fait de « la contestation de l'hégémonie chinoise, la pièce maîtresse de sa politique étrangère », note le New York Times.

Selon la Maison Blanche, le programme B3W vise à mobiliser des fonds privés dans des domaines tels que le climat, la santé et la sécurité sanitaire, le numérique et l'égalité entre les sexes. Les membres du G7 se sont aussi entendus samedi sur la nécessité de trouver une approche concertée pour répondre à la concurrence déloyale exercée par la Chine et aux violations des droits de l'homme observés dans le pays.

Les hauts responsables du G7 « veulent prouver que les valeurs occidentales peuvent prévaloir », note le journaliste de la BBC Jon Sopel. Mais l'administration Biden a été vague concernant la contribution de l'Occident à ce plan d'infrastructure mondial ainsi que les délais dans lesquels il pourrait être mis en place. »

Interviewé par Al-Jazira, l'expert américain Ryan Patel a estimé que la mise en place du B3W « pourrait prendre du temps », « même si les puissances du G7 ont les capacités de créer une alternative » à la Route de la soie chinoise. « Ce que la Chine et les pays du G7 cherchent à faire actuellement », explique-t-il, « c'est de devenir plus indépendants », en diversifiant leurs partenaires commerciaux, surtout à la lumière du ralentissement économique provoqué par la crise du Covid-19.

Un G7 divisé

Des divergences sont néanmoins apparues samedi entre les pays du G7, selon le Washington Post. D'après un haut responsable américain qui s'est exprimé samedi sous le sceau de l'anonymat, la Grande-Bretagne, le Canada et la France ont rapidement soutenu le point de vue de Biden tandis que d'autres pays se sont montrés plus hésitants sur la manière d'agir, par peur de s'attirer l'hostilité de Pékin.

« L'Allemagne, qui exporte chaque année des millions de voitures vers la Chine, fait partie des alliés qui craignent qu'une position ferme contre la Chine ne se retourne contre elle », remarque le Washington Post. Le Japon, proche voisin et partenaire commercial de la Chine, s'est également montré méfiant. [...] Quant à l'Italie, elle a elle-même signé en 2019 un protocole d'accord avec la Chine pour rejoindre son projet de nouvelle Route de la soie que le G7 essaie maintenant de contrer. » » (1)

Que peut-on dire de cette nouvelle donne qui est à la fois inattendue et attendue et surtout qu'elle est cruciale pour l'Occident de réagir à la stratégie chinoise de la « Route de la Soie » sous peine de se trouver « distancé », sans recours pour renverser les donnes. Le risque est grand qu'il soit détrôné par la Chine de son rang de numéro 1 dans l'économie mondiale. Et qui dit économie mondiale dit monétaire, financier et concerne tous les autres domaines de puissance, à savoir technologique, militaire, nucléaire, spatial...

Après le robot américain Perseverance sur Mars, le 18 février 2021, la Chine a fait atterrir sur Mars le robot Zhurong, le 14 mai 2021, faisant d'elle la deuxième nation à poser un robot sur la planète rouge. Deux pays ont réussi cet exploit, les États-Unis et la Chine qui talonne sans relâche la première puissance mondiale. Le pouvoir chinois sait qu'il a tous les moyens scientifiques, technologiques et financiers pour s'imposer comme acteur majeur face aux États-Unis et à l'Europe. Comme on le lit dans Reuters, un article daté le 13 juin 202. « Le monde n'est plus dirigé par un « petit groupe de pays », dit la Chine au G7 »

Carbis Bay, Angleterre (Reuters) - L'époque où un « petit groupe de pays » décidait du sort du monde est finie depuis longtemps, a déclaré la Chine dimanche, en réplique à la volonté affichée par les membres du G7 réunis en sommet en Angleterre d'adopter une position unie face aux ambitions de Pékin.

« L'époque où les décisions mondiales étaient dictées par un petit groupe de pays est révolue depuis longtemps », a déclaré un porte-parole de l'ambassade de Chine à Londres.

« Nous avons toujours pensé que les pays, grands ou petits, puissants ou faibles, pauvres ou riches, sont égaux et que les affaires du monde devraient être traitées via des consultations entre tous les pays », a-t-il ajouté.

A l'occasion du sommet de Carbis Bay, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a animé samedi un débat au sujet de la Chine et il a appelé les autres dirigeants du G7 à parvenir à une approche unifiée face aux défis posés par Pékin, a dit une source.

Les membres du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie et Japon) se sont entendus samedi pour proposer aux pays en développement un vaste programme en faveur de leurs infrastructures afin de concurrencer l'initiative chinoise de nouvelle « Route de la soie ». » (2)

Que peut-on dire de ces deux prises de position ? D'abord du Groupe des sept (G7). Ne se sont-ils pas pris en retard pour proposer un plan alternatif mondial d'infrastructures pour les pays en développement pour contrer la « Route de la soie » de la Chine qui est mise en œuvre depuis au moins sept années ? L'idée de la nouvelle route de la soie a été dévoilée en 2013 par le gouvernement chinois. Elle a plusieurs nom « One Belt, One Road », en français, « une ceinture, une route », ou encore l'acronyme BRI, « Belt and Road Intiative », en français « Initiative et ceinture et route ». Ce plan en fait constitue une stratégie de développement lancé par la Chine pour promouvoir la coopération entre les pays des cinq continents dont l'objectif est de renforcer la position de la Chine sur le plan mondial, et par l'interconnexion économique, financière et monétaire, préparer son futur statut, à l'horizon 2030-2040, de première puissance mondiale.

A titre de comparaison, il faut rappeler qu'en 1980, le revenu par habitant et par an pour la Chine (en dollars US à parité de pouvoir d'achat) était de 763 dollars US. Alors que pour Hong Kong, le revenu était de 12 066 $, le Japon 17 057 $, la Corée du Sud 4847 $, les philippines 4153 $, la Thaïlande 2510 $, l'Indonésie 1462 $. C'est dire le bond phénoménal qu'a fait la Chine sur le plan économique, grâce au formidable réservoir de main-d'œuvre à bas coût qui se compte en centaines de millions de chinois. (3)

En 2019, le revenu par habitant et par an de la Chine s'élevait a au moins à 12 536 $, selon le journal français Le Monde. Et il ne cesse de croître. Le FMI prévoit même une croissance à deux chiffres pour la Chine, en 2021, avec +11%. (4)

Cependant cette montée en puissance économique de la Chine n'est pas venue ex nihilo. Elle relève aussi des forces historiques, essentiellement des guerres économiques, monétaires et financières intra-occidentales dont les trois principaux événements historiques ont été la crise de l'endettement mondial dans les années 1980, les délocalisations massives vers l'Asie et les accords de Plaza de septembre 1985, à New York, qui ont obligé le Japon à réévaluer sa monnaie internationale, le yen, compte tenu du poids de son commerce sur le plan mondial. Au milieu des années 1980, des médias occidentaux annonçaient déjà le Japon comme futur numéro 1 dans l'économie mondiale, supplantant les États-Unis.

Il y a les étrangetés historiques qui apparaissent comme des nécessités qu'il faut comprendre à leur juste valeur et en tenir compte. Par exemple, le Japon. A qui doit-il sa montée en puissance sur le plan économique ? Aux États-Unis ? Dans l'absolu, non ! Il le doit essentiellement à l'avènement de la Chine communiste en 1949 qui a commandé la volte-face de Washington, faisant de lui un allié majeur pour endiguer le communisme sur le monde. Une Asie communiste s'étendant à l'Afrique, à l'Amérique du Sud, à l'Europe et à d'autres régions mettrait en danger l'Occident.

De nouveau, le même processus entre le Japon et les États-Unis-Europe, mais celui-ci est inversé. Le Japon jugulé par les accords de Plaza de 1985, compte tenu du poids de son commerce extérieur qui menaçait les États-Unis, et sommé de réévaluer sa monnaie, le yen japonais (JPY), a été dirigé malgré lui vers le marché chinois. La Chine qui a converti son économie communiste en socialisme de marché a constitué en fait une opportunité pour le Japon pour contourner le rempart monétaro-économique européo-américain. Comment ? En délocalisant massivement la production japonaise à forte intensité de main-d'œuvre en Chine. Le made in China à bas coût par les firmes chinoises en joint-ventures avec les firmes japonaises a permis de lever ou du moins atténuer les obstacles qui gênaient le commerce extérieur japonais. Cette nouvelle donne constituera un tournant majeur pour l'économie mondiale.

En effet, le processus Chine-Japon va s'étendre à l'Europe et aux États-Unis. N'ayant pas d'alternative face à l'entrée de la Chine dans la compétition dans le commerce mondial, ils sont forcés de suivre l'exemple du Japon. D'autant plus que la crise de l'endettement mondial des années 1980 suivie de la chute de la demande mondiale faisait miroiter la Chine comme un débouché majeur pour relancer l'économie occidentale. Celle-ci précisément s'asphyxiait faute de débouchés dont la plupart des pays du reste du monde en proie aux programmes d'ajustement structurels du FMI pour assainir leurs économies étaient défalqués ou comptaient peu dans la demande mondiale.

On peut même dire que la hausse du taux d'intérêt directeur de la Banque centrale américaine et l'endettement mondial qui a suivi et ont poussé les États-Unis dans cette direction pour réduire drastiquement les liquidités internationales en dollars, avaient en fait une portée hautement géostratégique. En effet, ce faisant, cette politique monétaire restrictive US a permis doublement, d'abord d'endetter le bloc Est sous l'influence de l'URSS vis-à-vis de l'Occident, ensuite, par l'endettement du reste du monde, annihiler les débouchés (marchés) que le bloc Est avait avec ce dernier.

C'est ainsi, qu'à la fin de la décennie 1980, le bloc Est, l'Union soviétique et la fédération de Yougoslavie ont fini par imploser puis éclater. Et là encore étrangeté de l'histoire, c'est comme si les convulsions du bloc Est et la disparition qui a suivi étaient comme préprogrammées. L'éclatement de cette partie fermée du monde a duré presque toute la décennie 1990.

On comprend dès lors l'apport de la Chine, qui a devancé l'histoire, ou l'histoire l'a fait avancer en se convertissant au socialisme de marché. Avec une population de plus d'un milliard de chinois, la Chine, dans sa relance économique mondiale, était en quelque sorte un bol d'air frais à la fois pour l'Occident et pour le reste du monde. L'Occident, malgré ses délocalisations massives vers la Chine, a vu son économie croître par l'apport de produits massifs made in China issus, venus de sa propre technologie et de ses firmes de productions même de l'Occident, qui se sont trouvées forcées d'être transférées en Chine. Sinon ces firmes devaient fermer car non rentables, non compétitives dans le commerce mondial.

Une nécessité historique, doit-on dire. L'histoire commande-t-elle la marche de l'humanité ? La seule réponse plausible est que l'histoire est ainsi, elle relève des nécessités historiques qui font avancer l'histoire.

Après ce court rappel historique, revenons au plan mondial d'infrastructures proposé par le G7 aux pays en développement PVD. Comme on lit supra (1), le plan rencontre des obstacles. Des membres redoutent l'hostilité de Pékin, ce qui est naturel eu égard aux enjeux qui sont planétaires. L'Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis, l'Italie commercent avec la Chine. Certes lancer un plan mondial au profit des pays en développement PVD est une idée qui peut paraître séduisante. Il demeure cependant qu'il reste beaucoup d'obstacles à dépasser entre les pays du G7 et la Chine, puisque les deux parties sont confrontées au financement de la « Route de la soie » tant pour la Chine que pour l'Occident qui veut s'investir dans un contre-plan de la route de la soie chinoise.

Et à ce financement vient se conjuguer cette crainte de l'Allemagne, du Royaume-Uni, des États-Unis, et d'autres pays occidentaux de se trouver engagés dans un conflit avec la Chine. En réalité, cet affrontement Occident-Chine est mineur au regard des enjeux à l'échelle mondiale. Il est évident que l'économie chinoise est très dépendante du marché extérieur. L'emploi de centaines de millions de chinois est tributaire des échanges commerciaux avec l'Occident. Par conséquent, la Chine ne peut se priver de débouchés extérieurs comme il en va d'ailleurs pour les pays occidentaux. Le seul problème qui se posera portera sur la compétitivité.

Quand bien même la Chine est plus compétitive, son marché reste toujours lié au marché occidental. Il y a donc une interdépendance entre les deux grands pôles mondiaux.

Tout au plus, se posera un problème d'équilibrage, pour l'Occident qui cherchera à diminuer cette interdépendance avec la Chine en relocalisant ses entreprises de production en Occident ou dans des pays tiers comme l'Inde en Asie, ou en Afrique, en Amérique du Sud... Et encore, si cette relocalisation est rentable, viable. La Chine fera autant, relocaliser des firmes chinoises comme l'a fait le Japon dans le cadre de joint-ventures (coentreprises) avec des pays hôtes en Asie, en Afrique... et même en Europe quand c'est possible. Ce sera la course aux débouchés extérieurs via des joint-ventures.

Cependant la Chine est déjà gagnante sur pratiquement tous les plans depuis qu'elle s'est étendue commercialement à tous les pays des cinq continents. De plus, elle s'est haussée au rang de deuxième puissance économique mondiale, en 2010. Elle dispose des plus grandes réserves de change du monde. Enfin, le renminbi ou yuan, monnaie chinoise, a intégré, le 1er octobre 2016, le panier de monnaies qu'utilise le FMI pour la détermination de la valeur de son actif monétaire, le DTS (Droits de tirage spécial, l'actif constitutif des réserves du FMI)

Aujourd'hui, le renminbi avec le panier de monnaies internationales du FMI, et malgré qu'il ne fluctue pas sur les marchés, et toujours dirigé par la Banque centrale de Chine, il partage avec le dollar, l'euro, le yen japonais, la livre sterling, le dollar australien, le dollar canadien et le franc suisse le droit de seigneuriage sur le monde. Les huit monnaies internationales comptant sur les échanges internationaux, selon leur poids qu'elles ont chacune dans l'économie mondiale.

Il est évident que, par sa prodigieuse ascension dans le commerce mondial en moins de 40 ans, devenue désormais l'atelier du monde, la Chine vise naturellement à détrôner le dollar US qui lui détient le droit de seigneuriage bien plus massif que toutes les autres monnaies mondiales. Le dollar US compte massivement dans les réserves de change des Banques centrales du monde. Utilisé en monnaie de facturation des transactions pétrolières des pays exportateurs de pétrole et des autres pays OPEP, et aussi en monnaie de compte pour une grande partie échanges économiques dans le monde, les États-Unis, par ces droits massifs de seigneuriage, peuvent injecter autant de liquidités monétaires internationales que nécessaire dans le commerce mondial.

Et, par le seul pouvoir des émissions monétaires ex nihilo, ils financent monétairement leurs déficits extérieurs, et sans transferts de richesses physiques en contrepartie. Le dollar US règne donc en maître sur le système monétaire international. Ce qu'on appelle du reste le privilège exorbitant du dollar US sur le monde.

Avant de poursuivre plus loin l'analyse, il est très important de comprendre le processus monétaire que permet le pouvoir seigneurial massif qu'ont les États-Unis d'émettre autant que nécessaire de liquidités internationales en dollars pour répercuter leurs déficits commerciaux sur le reste du monde. En fait, le pouvoir seigneurial remonte au Moyen-Âge et même avant. A cette époque, rois et seigneurs étaient confrontés aux dépenses somptuaires dues aux festivités à l'occasion de naissances, mariages et autres cérémonies publiques dans tout le royaume. Et aussi aux guerres entre royaumes dans le but pour les souverains d'agrandir leurs territoires au détriment des royaumes voisins. Cette ambition de conquête était monnaie courante, à ces époques, et demandait financement. Un peu comme aujourd'hui, la Chine qui monte en puissance et cherche à détrôner les États-Unis de leur rang de première puissance mondiale.

Comment s'opérait le financement ? Comme ces royaumes étaient confrontés aux disettes, insuffisances de vivres pour la population et occasionnaient des famines, les cultivateurs étaient obligés de déposer leur blé dans les magasins du roi, ou granges à blé royales. Et comme ce sont les rois qui frappent la monnaie et émettent les liquidités monétaires nécessaires pour l'économie du royaume et donc assurent les échanges commerciaux entre les sujets du roi, le processus pour le financement des dépenses royales repose précisément sur la frappe de monnaie. Et la particularité des granges royales par le blé qu'elles contiennent et sert le plus grand nombre explique pourquoi le souverain a une prise presque absolue sur la population de son royaume. C'est leur dépendance du blé entreposé dans les magasins du roi qui assure leur existence. Moins de blé dans les entrepôts signifie menace de famine.

Précisément, cette dépendance permet au pouvoir royal de définir souverainement le régime de frappe des monnaies et de fixation des cours, selon les conjonctures politiques et économiques. Que les dépenses (festivités, guerre...) viennent alourdir le budget du royaume, le roi, grâce à la création monétaire ex nihilo (à partir de rien), et donc un surplus de liquidités monétaires adossé à l'augmentation du prix du blé, a toute latitude pour financer les déficits du Trésor royal. Le financement des dépenses somptueuses ou des guerres est répercuté sur la population par la hausse des prix. En fait, la stabilité du royaume, et peu importe que l'excès de frappe de monnaie soit équilibré par une hausse des prix du blé, est le prix à payer par ses sujets.

Que ce financement s'assimile à un impôt détourné, les peuples ne se rendent pas compte même si la production du blé est en hausse, alors que normalement, dans ce cas, le prix du blé doit baisser. Cependant, une guerre qui se déclenche entre royaume légitime dans un certain sens ces injections monétaires puisque chaque royaume qui entre en guerre s'efforce de protéger ses sujets. De même, par le système monétaire centralisé par les services royaux, c'est le souverain qui est garant de la stabilité de l'économie du royaume.

Ceci nous amène au droit de seigneuriage détenu par les pays occidentaux, c'est pratiquement le même principe. Pour la période récente, de 1944 à aujourd'hui, l'évolution peut être résumée en trois phases. La première, le dollar US a régenté le monde de 1944 à 1958, c'est la période de reconstruction et de remise à niveau économique de l'après-guerre. De 1958 à 1973, avec l'avènement des monnaies internationalisées par les grands pays d'Europe, partage du droit de seigneuriage avec les États-Unis. Le 15 août 1971, les États-Unis mettent fin à la convertibilité du dollar en or, le système monétaire du change fixe passe au change flottant.

C'est la fin des accords de Bretton Woods de 1944. Après deux années de tractations entre les États-Unis et les pays d'Europe pour régler le problème monétaire qui n'aboutissent pas, le monde passe à la troisième phase, 1973 à aujourd'hui. C'est la donne pétrolière qui est entrée en jeu. Désormais, le dollar US est devenu la monnaie de facturation des exportations pétrolières des monarchies arabes des pays du Golfe. Et comme le pétrole a la même particularité que le blé dans le sens qu'il est utilisé par tous les pays du monde, les États-Unis impriment des dollars pour tous les pays du monde qui en demandent, et importent du pétrole des pays arabes. Le dollar US est aussi utilisé par les pays exportateurs de pétrole du cartel pétrolier OPEP où les pays arabes sont majoritaires.

Certes, aujourd'hui, il est toujours détenu par les États-Unis, et dans leur sillage les pays d'Europe, et ce depuis les années 1970 avec cependant une différence de taille, un nouvel acteur est entré dans la course du seigneuriage, la Chine. Devenue une puissance économique, monétaire et financière mondiale, la Chine aspire à faire de son renminbi, une grande monnaie internationale.

A suivre

*Auteur et Chercheur indépendant en Economie mondiale, relations internationales et Prospective

Notes :

1. « Économie. Le G7 fait front commun pour contrer la nouvelle «Route de la soie» chinoise », par www.yahoo.com. Le 13 juin 2021

https://fr.news.yahoo.com/%C3%A9conomie-g7-fait-front-commun-043225529.html

2. « « Le monde n'est plus dirigé par un «petit groupe de pays », dit la Chine au G7 », par l'agence Reuters. Le 13 juin 2021

https://www.reuters.com/article/g7-sommet-chine-idFRKCN2DP07K

3. « La montée en puissance de la Chine et l'intégration économique en Asie »

https://www.cairn.info/journal-herodote-2007-2-page-62.htm

4. « Classement PIB : les pays les plus riches en 2021 », par le JDN. Le 20 janvier 2021

https://www.journaldunet.com/patrimoine/guide-des-finances-personnelles/1209268-classement-pib/