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Oran et Saïda n'ont pas dû me jeter de l'eau !

par Sid Lakhdar Boumédiene

Demain matin, très tôt,          le retour vers Paris. À chaque fois, je me rappelle de cette vieille coutume de jeter de l'eau derrière les voyageurs en partance. À l'heure de cette publication, j'espère que mon arrivée est déjà accomplie avec sûreté. Mon fils n'étant ni du genre ni de la génération à avoir jeté de l'eau derrière ses parents, à leur départ (nous non plus). D'où vient cette pratique ancienne ? Ce qui est certain, après des recherches, certes modestes mais fréquentes, est que cela ne soit dans aucun texte religieux. Ou, si je me trompe, ce serait alors une interprétation très indirecte d'un épisode des écritures d'une des religions monothéistes. Il ne resterait donc que la superstition et la coutume comme explication. Se pose alors l'autre question, pourquoi l'eau ? J'oserais dire d'abord que c'est plus opportun qu'un sac de farine. Mais plus sérieusement, les explications que l'on trouve dans les nombreux commentaires à ce sujet sont d'une très grande évidence. Je pense qu'un collégien a largement la faculté intellectuelle pour avancer certaines hypothèses. Je dis cela, non par arrogance, mais pour rappeler que l'instruction a pour objectif de nous donner à tous, un socle de connaissances et de capacités de déductions qui mène à peu près aux mêmes interprétations ou hypothèses puisque la certitude n'est pas de ce monde. Ce sont ces socles qui fondent une culture, une civilisation. Et parfois, cela repose sur des rites aussi énigmatiques que l'eau jetée derrière les voyageurs. Cette convergence des interprétations reposerait sur au moins deux explications habituelles :

1. l'eau est le signe de la pureté et de la vie. Pas étonnant qu'une des religions monothéistes l'utilise pour le baptême à l'occasion d'une venue à la vie, en rattachement à la communauté.

2. l'eau est un fluide et représente l'image parfaite du mouvement, donc un aller comme un retour possible. C'est le cas des mers qui se retirent pour revenir éternellement.

Moi, j'ai quitté l'Algérie au début des très grandes pénuries d'eau dans les villes. C'est peut-être cela qui explique le non-retour. Mais les Saïdéens auraient pu le faire à mon départ de ma ville de naissance. Tout de même, c'est la ville de l'eau, non ? Alors, au jour où j'écris cette petite chronique, je vais acheter une petite bouteille d'eau à l'aéroport d'Alicante et demander à quelqu'un de le verser à notre départ. Et pas une bouteille en verre, elle risquerait de se briser et, malheur à nous de ne jamais revenir dans ce pays de soleil, le seul qu'il nous reste pour nous rappeler celui de notre enfance.