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Abdelmadjid Tebboune: «Partenaires de l'UE mais pas au détriment de notre économie»

par Houari Barti

Accord d'association avec l'UE, mémoire nationale, projet de nouvelle constitution et réformes économiques, entre autres, sont autant de dossiers abordés par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lors de son entrevue avec des responsables de médias nationaux, dimanche dernier. Devenu une tradition depuis son investiture le 12 décembre dernier, l'exercice des questions-réponses avec les représentants de la Presse nationale a permis ainsi au chef de l'Etat de revenir sur un certain nombre de dossiers d'actualité de premier ordre, notamment celui relatif à l'accord Algérie-UE, qui prévoyait le démantèlement tarifaire en ce mois septembre 2020, avant que l'Algérie ne décide de revoir pour préserver sa production nationale.

Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune a d'abord tenu à souligner à ce sujet que l'Algérie ne renoncera pas à l'accord d'Association avec l'Union européenne (UE), mais procèdera à une révision du calendrier relatif au démantèlement tarifaire en fonction de ses intérêts économiques. «Nous ne pouvons pas renoncer à l'accord d'Association avec l'UE (...) l'Union Européenne étant un partenaire auquel nous nous attachons», a-t-il affirmé avant d'insister sur l'attachement de l'Algérie à ses intérêts économiques et ses efforts pour construire une économie indépendante de la rente. Après s'être interrogé sur le véritable taux de respect des accords avec l'UE, le Président Tebboune a souligné que cet accord ne repose pas uniquement sur le démantèlement tarifaire qui doit se faire progressivement.

«Nous allons revoir le calendrier (démantèlement) et ils (UE) sont d'accord concernant cette révision à laquelle s'attellent des économistes», a-t-il expliqué. «Nous sommes en principe des partenaires de l'UE mais pas au détriment de notre économie», a ajouté le président de la République.

Autre sujet d'actualité, les projets de révision de la Constitution et de la loi organique portant régime électoral. A ce propos, le Président Tebboune a exprimé son souhait de voir les citoyens «plébisciter le projet de révision constitutionnelle» pour qu'on puisse, a-t-il dit «passer directement à la révision de la loi portant régime électoral, laquelle sera soumise au Parlement pour donner naissance, si possible, à de nouvelles institutions élues avant la fin de l'année». Répondant à une question sur une éventuelle résistance aux changements escomptés, le président de la République a indiqué qu'il misait sur le poids du peuple, seul «décideur», rappelant qu'il œuvrerait à la moralisation de la vie politique, dans le sens de «l'équité entre citoyens, le peuple aura le dernier mot». A une question sur les voix qui se sont élevées sous le couvert du ?Hirak' pour appeler à l'abrogation de certains articles inhérents aux constantes nationales, prévus par la Loi fondamentale du pays, le président de la République a répondu que «la question de l'identité a été tranchée». «L'amazighité ne concerne pas une région donnée et l'Islam demeurera la religion de l'Etat».

Par ailleurs, et matière de lutte contre l'argent sale, le président dira que l'édification de l'Algérie nouvelle exige de garantir la transparence dans la gestion «de la base jusqu'au sommet, y compris pour le président». «Je ne serai en rien dérangé si l'Inspection générale des Finances venait procéder à un audit au niveau de la présidence de la République. C'est une chose tout à fait normale», a-t-il dit. «Nous vivons dans une République et non un royaume. Tout un chacun doit rendre des comptes au sein de cette République dans le respect de la loi», a soutenu le Chef de l'Etat.

Abdelmadjid Tebboune a, par ailleurs, annoncé la révision prochaine de la Loi sur la Monnaie et le Crédit 90-10 et l'engagement d'une réflexion sur la création de mécanismes pour couvrir les risques de change encourus par les opérateurs économiques en raison de la dépréciation de la monnaie nationale. «Nous nous dirigeons, aujourd'hui, vers une économie ouverte sur le monde. Il faut que la Loi sur la Monnaie et le Crédit soit révisée. Il faut aller vers une réforme bancaire et fiscale absolue et à fond», a souligné le chef de l'Etat. Répondant à une question liée à la dévaluation de la monnaie nationale par rapport aux principales devises étrangères et aux pertes de change qui en résultent pour les opérateurs économiques, M. Tebboune a mentionné comme mesures de soutien la création, par exemple, d'une «caisse de compensation», tout en soulignant, dans ce sillage, que «le capital a besoin de la stabilité politique, juridique et financière».

Le Chef de l'Etat a, en outre, annoncé l'ouverture d'ateliers économiques, immédiatement après les élections afin de réaliser un bond économique, et ce, en concertation avec tous les acteurs de la Société. Ces ateliers, a-t-il expliqué, seront organisés par une Commission nationale, dans le cadre d'un consensus. Le chef de l'Etat a mis en avant, dans ce sens, la nécessité de bénéficier et de s'inspirer des expériences menées à l'échelle internationale par d'autres pays dans le domaine des réformes économiques.

Le président de la République a appelé à l'impérative «réduction» du budget destiné aux transferts sociaux, oscillant entre 12 et 14 milliards de dollars par an, sans pour autant «attenter aux catégories défavorisées, aux pauvres et aux indigents». La révision constitutionnelle soumise à référendum le 1er novembre prochain, a-t-il souligné, préservera le caractère social de l'Etat, a rassuré le président Tebboune.

S'agissant des entreprises économiques impactées par la pandémie de Covid-19, le président de la République a souligné que la Loi de Finances, pour 2021, précisera tous les détails du soutien financier de l'Etat qui leur est réservé. Abordant le dossier de la mémoire nationale, le Président Tebboune a réaffirmé que l'Algérie ne renoncera point à la récupération des restes mortuaires des résistants à l'occupation française, dont le nombre avoisine la centaine, ni aux Archives relatives à cette période de son Histoire. Soulignant que les questions relatives à la mémoire étaient «complexes», le Président Tebboune a déclaré avoir perçu un signe «positif» auprès du président français Emmanuel Macron et de certains de ses conseillers qui ont affiché «une disponibilité et de la bonne foi quant à la résolution de ce problème». Il a rappelé, dans ce sillage, l'existence d'un «lobby qui se nourrit de la haine et rêve de retrouver le paradis perdu», qualifiant ceci de «perte de temps, d'autant que l'Algérie, libre et indépendante, ne renoncera jamais à sa souveraineté». Il a cité, en contrepartie, l'autre catégorie de Français qui «appellent à la cessation de tout sentiment xénophobe à l'égard des Algériens et à se focaliser sur le règlement des problèmes internes de leurs pays».