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Libye, la rue imposera-t-elle sa solution?

par Abdelkrim Zerzouri

Les lignes bougent en Libye. Va-t-on vers une solution politique tant voulue par une forte partie de la communauté internationale et par les Libyens eux-mêmes, usés par un conflit qui s'éternise ou vers un autre épisode de tumulte pour la prise de pouvoir ? Jusque-là, le sort de la Libye était discuté entre puissances étrangères, généralement influentes auprès de l'une ou l'autre des autorités rivales libyennes, mais cette fois-ci, c'est le peuple libyen qui semble imposer sa logique face aux velléités guerrières, qui ont finalement mené le pays à la ruine. L'empreinte du « Harak» libyen, qui a pour nom « Harak Al-Shabab 23/08 », qui a été initié par des manifestations à Tripoli, Misrata et Zawiyah à la fin du mois d'août dernier pour dénoncer les conditions de vie « insupportables » dans le pays, a mis dos-à-dos les autorités de l'Est et de l'Ouest. Un engagement de cessez-le-feu a été accepté par les deux parties à l'ombre de ces manifestations de colère, rappelant « le jour de la colère » d'un certain 11 février 2011, qui a entraîné la chute du régime de Mouammar Kadhafi, et qui aurait donné à réfléchir au gouvernement de Fayez Sarraj et ses rivaux à l'Est. On peut constater que c'est dans ce climat marqué par la descente des Libyens dans les rues qu'une cascade de démissions est en train de prendre forme pour laisser place à une solution politique durable. Le Premier ministre du Parlement à Tobrouk, Abdullah al-Zani, a annoncé sa démission au début du mois de septembre, suivi par le chef du gouvernement d'accord national (GNA), Fayez Sarraj, qui a annoncé mercredi dernier, alors que les pourparlers de paix s'accélèrent, et la rue gronde toujours, son intention de démissionner, en soulignant qu'il «remettrait le pouvoir à son successeur avant octobre». Soit après l'élection d'un nouveau Conseil présidentiel. Une élection qui focalise, désormais, tous les intérêts, notamment ceux des puissances étrangères engagées dans le conflit libyen. Ainsi, Saoudiens, Émiratis, Égyptiens, Russes et Français, les soutiens du maréchal Haftar, avec en face Turques et Qataris, soutiens du GNA de Sarraj, ne vont pas rester les bras croisés à attendre sur quoi aboutiraient ces prochaines élections. Et l'Algérie dans ce décor qui se dessine chez son voisin de l'Est ? Mis à part la volonté des autorités algériennes d'œuvrer pour une solution politique avec l'engagement de tous les Libyens, sa marge d'influence sur le terrain des évènements reste mince.

Il est vrai que l'Algérie n'a pas d'autre agenda que de voir la paix se rétablir en Libye, mais d'autres puissances étrangères, qui militent aujourd'hui pour la même solution, ne veulent pas pour autant rester en retrait de cette reconfiguration du pouvoir en marche.

Ou n'y a-t-il rien de tel à l'horizon qui mériterait qu'on s'y attarde ? Déjà, les observateurs dissertent sur la victoire de la Turquie aux dépens des Européens dans la précipitation des évènements, dont les démissions en série, l'éloignement et le retour rapide de l'influent ministre de l'Intérieur, Fathi Bashagha, et la poursuite des efforts en vue de booster les pourparlers interlibyens prévus en octobre à Genève, qui devraient aboutir au choix d'un nouveau    Conseil présidentiel. Quand d'autres font remarquer en même temps que la situation reste incertaine sur le terrain, avec une rue toujours en colère et des politiciens qui ne montrent pas tout leur jeu. On y va, mais on n'est pas encore arrivé à la sortie de la crise.