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Mission d'intendance et procès d'intention

par Abdelkrim Zerzouri

L'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) s'est-elle innocemment embourbée dans une situation embarrassante en se faisant assister par une commission gouvernementale pour l'organisation du référendum sur la révision constitutionnelle ? Quand on sait que les Algériens, échaudés par la fraude électorale quasi systématique depuis l'avènement du multipartisme, sont généralement allergiques à toute implication de l'administration dans le processus d'organisation des élections, non sans raison, donc, ne valait-il pas mieux pour cette « Autorité », au-delà de toute considération, éviter de s'afficher aux côtés d'une commission gouvernementale ?

La création d'une commission gouvernementale chargée d'assister l'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) pour l'organisation du référendum sur la révision constitutionnelle ne peut que susciter des interrogations, y compris pour les esprits conciliants. En sus, de donner de l'eau au moulin de sceptiques endurcis, qui jettent l'opprobre et le doute sur la probité des élections sans même avoir besoin d'arguments convaincants, la trouvaille de l'ANIE, puisque c'est sur sa proposition qu'on a mis sur pied cette commission, risque d'entacher sa crédibilité auprès des électeurs qui lui accordaient leur confiance. La remise en cause de l'indépendance de l'ANIE par rapport à la création de cette commission est balayée par M. Charfi, expliquant que la mission de la commission en question se limite à une assistance matérielle, une mission d'intendance, qui ne peut en aucun cas remettre en cause l'indépendance de l'ANIE, ou donner lieu à un procès d'intention. Une explication qui ajoute plus encore à la confusion si l'on tient en considération que l'assistance matérielle lors du référendum ou toute élection est assurée de facto par le gouvernement.

Dans cette optique, le président de la République avait invité les autorités administratives, lors de son allocution à l'ouverture de la réunion Gouvernement-walis, à se préparer à l'étape du référendum, afin de garantir les meilleures conditions et moyens matériels et psychologiques à même de permettre au citoyen d'avoir son mot à dire sur l'avenir de son pays. Cela serait compréhensible si l'ANIE se déleste carrément du chapitre « approvisionnement », en le concédant aux autorités administratives, pour se concentrer sur sa mission essentielle, notamment l'encadrement des bureaux de vote et le dépouillement, comme l'a plaidé M. Charfi, mais se faire assister dans cette tâche par une commission gouvernementale n'est pas très audible et ajoute à la suspicion.

Comme l'est cette insinuation du président de l'ANIE qui laisse croire que le président de la République puisse abandonner le référendum sur la révision de la Constitution, qu'il a farouchement défendu à maintes occasions, et se contenter du seul vote du Parlement.

Une telle déclaration est juste quand elle repose sur l'aspect des procédures juridiques en vigueur, qui offrent effectivement la latitude au président de la République de recourir au référendum ou de se contenter du vote des parlementaires, mais le président a, sans ambages, tranché la question en optant pour le consensus le plus large sur la révision de la Loi fondamentale, en l'occurrence le référendum. Bien sûr, dans les deux cas, le référendum pour la révision constitutionnelle passe par le Parlement, mais là également, sans chercher à lui donner une quelconque teneur de suspense, et sans chercher à éviter d'offusquer cette auguste institution, il ne sera que « pédagogique », selon la perception du président de la République.