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Des notables et des «potables» !

par El-Houari Dilmi

La consultation populaire pour la révision de la loi-mère étant fixée pour la date symbolique du 1er novembre, le premier magistrat du pays franchira-t-il le Rubicon pour appeler à des élections législatives anticipées d'ici la fin de l'année en cours ? Qui veut bien y croire ?!

Question à une cinéraire piégée derrière un isoloir hyalin : qu'est-ce qu'un notable ? Celui qui a la culture et le raffinement en guise de talon... d'Achille et les poches pleines aux as, un peu comme un fil d'Ariane capable de faire traverser le grand désert à un béquillard malvoyant ? Ou celui qui a le ventre gros comme une fausse carte de visite, le double menton comme passe-partout et le cou gras en guise de puissance léonine ? Sinon, qu'est-ce qu'un homme « notable »: celui qui mérite d'être noté, comme on note un mauvais potache pistonné; ou celui qui arrive à tout acheter sans sous ni argent, y compris le « silence » des sourds et la parole des muets ?

Acte I : Sous nos latitudes désappointées, un notable, c'est d'abord un peu comme cette douce moitié qu'est la femme qui sourit avec son minois avant de bouger ses lèvres, une villa qui tape à l'œil au point de faire passer le soleil pour une ampoule anémique, une voiture qui dit « écartez-vous S.V.P. ! » avant que son conducteur n'ait le temps d'actionner ses mâchoires, un compte en banque aussi gros qu'un coffre-fort à la combinaison introuvable, et un portefeuille distributeur semi-automatique d'oseille à tout va.

Même si un notable peut, ensuite, être dégradé d'un demi-galon en devenant une « notabilité », c'est-à-dire une espèce de satrape, à mi-chemin entre l'argent qui « roupille » et la quête éperdue d'une virginité perdue. Un notable, alter ego déprimé d'une « notabilité » accablée, c'est aussi un homme qui a ses « entrées lisses » là où la valetaille n'a que ses « sorties revêches ». Vers le rien. L'insignifiant. Le néant. Le vide. Le zéro.

Acte II : Face à un notable, que pourrait valoir un « potable » ? C'est que le potable est un faux visage de faux; que l'on peut approcher sans danger pour la santé, mais avec un risque avéré « d'infréquentablilité » chronique. Un « potable », c'est un homme certes « buvable» mais jamais « gobable ». Un potable, marchant dans l'ombre chinoise d'un notable, peut même faire à ce dernier la courte échelle pour mieux monter sur son dos arrondi. Un « potable » est un bipède qui peut vous passer par le chas d'une aiguille pour rejaillir, avec le plat du jour, à l'exact milieu d'une fosse aux lions, déjà repus. Un « potable », c'est, surtout, un homme qui sait faire actionner le sas entre une prière qui ne porte pas et un « coup de patte » qui projette loin, du bon côté de la barrière. Un « potable », copie (in) conforme d'une « potabilité » scannée, est le seul capable de couper les ailes à un vautour, juste pour lui voler une rémige. Poser un piège à un loup pour lui happer le bon morceau. Monter sur un dromadaire pour éviter de se faire mordre par un clebs. Nager avec une baleine pour mieux noyer le petit poisson. Un « potable », ça peut même monter jusque sur le toit d'un gratte-ciel pour redescendre aussitôt avec un patronyme aseptisé et des « entrées » avec issues de secours multiples. Aussi vrai que la meilleure plume est celle d'un oiseau; lui, au moins, sait l'utiliser pour prendre de la hauteur; parce qu'un notable et un « potable » sont les deux mauvaises faces d'un sou traître. N'est-ce pas vrai que perdre de l'argent est une perte banale, perdre son honneur est une perte notable, et perdre son ardeur est une perte notablement... « potable »... ?!