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Le goût à la vie

par Abdou BENABBOU

La grande erreur vers laquelle seraient enclins les Algériens serait de déduire que la frustration est terminée. D'aucuns se persuaderaient que la relative liberté de mouvements accordée par le gouvernement à partir d'hier s'identifierait à la faculté d'une aisance totale pour se mouvoir comme ils le voudraient et que le mal est définitivement passé.

La réouverture des mosquées, des cafés, des restaurants et des espaces d'oxygénation à l'air libre laisserait penser dans des esprits que la pandémie n'est plus qu'une histoire à oublier. Croyances et foi obligent, d'autres plus nombreux se sont résolus à s'en remettre à un remède particulier en s'inoculant le vaccin de la fatalité sans se rendre compte que la lutte menée jusqu'ici n'est en définitive qu'un combat contre cette même fatalité. Dans ce duel sourd dont l'extravagance est démontrée, la victoire contre la nature est hypothétique car elle se résume immanquablement à une confrontation de l'humain contre lui-même. Cette pénible mésaventure et ses pesants paradoxes nourrissent un désarroi extrême contraignant la majorité des Etats à s'engager tour à tour dans les extrêmes résolutions pour s'appesantir aussitôt sur leurs contraires.

Ce qui se passe actuellement en Europe et ailleurs est significatif du désarroi qui étrangle le monde. Le retour au confinement des pays comme l'Espagne ou la France qui avaient cru qu'elles pouvaient lâcher la bride est pour les Algériens un indicateur sérieux sur la nature et la force du virus. Son redéploiement fatidique recommande qu'il est mortel de s'aventurer à baisser la garde. Au vu de la nonchalance débonnaire et inconsciente d'une partie de la population observée avec regrets un peu partout, il devient certain que l'Algérie n'en a pas fini avec le drame. Se laisser aller à trop se complaire dans un volage inconscient à la faveur d'une liberté nouvelle de bouger et de se mouvoir n'est pas seulement un danger pour la santé de tous.

L'inconséquence du mauvais esprit des uns serait une autre agression contre ceux qui renouent avec leurs activités d'échanges et de commerce pour reprendre un tant soit peu goût à la vie.