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Rupture de ban

par Kamal Guerroua

La pandémie va-t-elle s'installer dans la durée ? Question difficile à résoudre dans la mesure où aucun indice probant ne montre où va s'arrêter ce virus planétaire, lequel a jeté le doute au sein même de l'OMS et les grands labos du monde. Chez nous, les choses rentrent dans une affligeante routine : les gens plongent dans ce repli d'un autre genre. Le confinement est devenu, en ce mois de jeûne, un mot-valise que certains incorrigibles pessimistes se transmettent de bouche à oreille, comme pour rajouter une note dramatique à notre malaise collectif. Oui malaise, car la décantation des choses n'a pas encore été faite pour que le citoyen lambda puisse distinguer la bonne graine de l'ivraie et tracer sa route vers l'avenir.

En haut lieu, nos têtes pensantes semblent se débarrasser de la stridulation constante du hirak qui, au bout d'un an de bouillonnement, leur aurait donné du fil à retordre, mais restent sur le qui-vive quant à l'évolution, jusque-là inquiétante, de la courbe de la pandémie. En revanche, un pseudo-dynamisme pour les réformes, en particulier la révision de la Constitution, s'enclenche ces jours-ci, comme pour passer à la trappe toute la léthargie de l'ancien système déchu. Quoique, sur le volet des libertés, la question délicate des prisonniers d'opinion, ternit cette bonne foi que certains optimistes-laudateurs prêtent à l'équipe Tebboune. Au bout du compte, une chose étant sûre : les solutions conjoncturelles que propose le palais d'El-Mouradia aux Algériens ne peuvent, en aucun cas, offrir une vraie réponse aux problèmes structurels dont souffre le pays. Puis, les miens, rompus aux fausses promesses, ne se font pas trop d'illusions et savent par expérience que ceux qui tiennent les manettes sont capables de mille et une métamorphoses. Ce qui fait que, d'un côté (régime) comme de l'autre (peuple), la méfiance est là, un feu qui couve, risquant d'allumer le brasier à tout moment. L'écho de cette distanciation-répulsion mutuelle est renforcé, hélas, par la déstructuration du tissu associatif et l'insupportable absence de l'opposition sur la scène politique. Autrement dit, la disparition de tout un tas de maillons de la chaîne, à même de jouer le rôle des médiateurs sociaux.

En rupture de ban, la société, poussée auparavant déjà dans ses derniers retranchements de survie, se sent confinée dans un ghetto insulaire, peinant à se réconcilier avec ceux qui lui servent de tuteurs. Comme dans un couple qui se prépare au mariage, la confiance chez nous n'est jamais une mince affaire. La construire prend du temps, trop de temps même et il suffit d'un petit faux geste, fût-ce seulement mal interprété de la part de l'un des deux partenaires, pour que tout le projet tombe à l'eau.