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Blida: Des chiffres qui font peur

par Tahar Mansour

  Depuis le premier jour du confinement total imposé à la wilaya de Blida par ce virus qui va certainement changer la face du monde, je n'ai pas été aussi angoissé que ce mardi en fin d'après-midi quand j'ai lu, comme d'habitude, les derniers chiffres concernant les cas confirmés et les décès. C'était comme un coup dur reçu dans le cœur de tous les Algériens, le fil ténu d'un espoir confus risque de rompre quand nous lisons ces chiffres qui augmentent chaque jour un peu, que dis-je, beaucoup plus. Deux cent quatre-vingt-quatorze cas confirmés de personnes atteintes du coronavirus, 74 de plus que la veille et quatre morts, dont un jeune homme que ses amis pleurent via leurs pages Facebook. L'angoisse étreint tout le monde, surtout quand nous sortons un peu avant 19 heures et que nous trouvons tous les magasins fermés ou sur le point de fermer, les gens qui se tiennent près des portes de leurs maisons, les visages tristes contredisant les paroles d'encouragement qu'ils se lancent de loin. Même le manque de semoule ou de lait est relégué au second plan dans les discussions, personne n'ose en parler alors que cette rareté constitue un facteur grave pour la propagation du virus. Nous avons déjà écrit à maintes reprises sur ces chaînes de dizaines de personnes collées les unes aux autres, discutant visage contre visage, restant ainsi plus d'une demi-heure pour qu'elles voient arriver leur tour et se faire servir. Maintenant, outre les points de vente, ce sont certaines associations et institutions caritatives qui distribuent des produits alimentaires au niveau de leurs sièges et les gens, pauvres ou non, font encore la chaîne pour bénéficier d'un bidon d'huile, de viande ou d'un autre produit alimentaire. A ce niveau, le danger est multiplié par dix, le nombre de personnes âgées et malades étant plus important, la promiscuité plus grande, les bousculades sont légion et il n'y a personne pour leur dire de se tenir à distance les uns des autres. Les attroupements de plus de cinq personnes sont légion et les déplacements à l'intérieur des communes ne s'arrêtent qu'avec la nuit. Les policiers parcourent en véhicules tous les quartiers et appellent, en utilisant des haut-parleurs, les citoyens à rentrer chez eux car ils risquent d'attraper le virus et de l'emmener chez eux. Nombreux sont ceux qui jouent à cache-cache avec les services de sécurité, faisant mine de rentrer puis ressortent dès le passage des patrouilles, oubliant par-là que c'est avec leur santé et celle des leurs qu'ils sont en train de jouer. Il y a un phénomène qui s'est également installé depuis le début du confinement : il s'agit des aides alimentaires qui parviennent à la wilaya de Blida d'un peu partout. Des citoyens se sont insurgés pour dire que ce n'est nullement d'une famine qu'il s'agit mais plutôt d'une maladie grave, hautement contagieuse et mortelle. Il aurait suffi que le marché reprenne son rythme normal pour que tout rentre dans l'ordre, même les familles nécessiteuses et les travailleurs journaliers qui ont besoin d'assistance auraient été facilement aidés si des achats massifs de farine et de semoule n'avaient pas été faits par une certaine catégorie de personnes. La wilaya de Blida est dotée d'un tissu industriel conséquent et suffisant pour ses besoins en n'importe quelle circonstance et nous aurions au moins évité ces longues chaînes dangereuses qui favorisent grandement la propagation du virus à cause de citoyens inconscients et ignorants. Il y a aussi ces informations incontrôlables, plutôt fausses, lancées par certains énergumènes qui affirment que des familles entières sont contaminées et ne bénéficient d'aucune prise en charge hospitalière ni de protection, mais ils ne donnent aucune indication concernant leur identité ou leur lieu de résidence, ajoutant au désarroi des habitants. Bien sûr, il y a grand danger en la demeure, mais au moins qu'ils ne colportent pas de fausses nouvelles alarmantes. Nous sommes au neuvième jour du confinement, il ne reste officiellement qu'une journée, celle d'aujourd'hui mais il est évident que nous nous dirigeons vers une prolongation, peut-être comme celle des vacances scolaires, jusqu'au 19 avril prochain.