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Blida : confinement total, jour 2

par Tahar Mansour

En ce deuxième jour de confinement - au fait, pourquoi ne pas parler de mise en quarantaine de toute une wilaya ?-, la pluie qui a commencé à tomber la veille mardi semble ajouter à la morosité et à la tristesse ambiante une note supplémentaire de ras-le-bol collectif. Ou, peut-être, est-ce pour nous donner l'impression que nous restons chez nous à cause justement de la pluie ? Déjà, et malgré la pluie, nous avons entendu à partir de la deuxième partie de la nuit des machines et des véhicules qui répandaient du désinfectant, en laissant de grandes taches blanches sur le sol que l'eau ruisselante agrandissait puis menait ailleurs, comme pour aider les employés de Mitidja Nadhafa à toucher toutes les parties avec le désinfectant. Dans les maisons, les enfants, enfermés depuis plus d'une semaine se lèvent tôt et commencent à se chamailler en faisant grand bruit. Tous les voisins sont obligés de se lever à cause des chaises renversées, des tables et des lits déplacés et des cris qui se faisaient entendre partout. Le froid a repris sa place saisonnière après les grandes chaleurs que nous avons connues durant les trois derniers mois et on aspire très vite à un croissant (à défaut de Khobz F'tir de notre enfance) et les gens commencent à sortir pour ramener les gâteaux, le pain ou autre chose. Avant de sortir, nous ne pouvons nous empêcher de jeter un coup d'œil pour voir s'il y a des gens dehors, s'il n'y pas de policiers qui nous intimeraient l'ordre de rentrer chez nous.

Une fois dehors, c'est un grand bol d'oxygène qui nous attend, et personne ne songe à utiliser un parapluie pour se couvrir, trop content de sentir la pluie lui mouiller les cheveux et le visage. En milieu de matinée, la circulation automobile devient plus dense en direction et en provenance de la ville, les piétons aussi étaient de plus en plus nombreux, avec des sacs en plastique contenant du pain, des fruits et légumes et des produits de consommation courante. Les marchés couverts sont fermés mais une multitude de marchands proposaient sur les bords des routes et à l'intérieur des quartiers des fruits et des légumes, les buralistes avaient ouvert leurs devantures et on pouvait acheter le journal ou recharger des unités pour le téléphone en toute facilité.

Au niveau des épiceries, nous pouvons trouver toutes sortes de produits de première nécessité et même les autres, mais aucun kilogramme de semoule ou de farine. Des commerçants nous ont fait part d'un sentiment de frustration qui les prend quand un client leur demande de la semoule ou de la farine : « il y a eu, durant les premiers jours, une ruée sans pareille sur ces deux produits essentiels de notre nutrition mais le phénomène aurait dû s'arrêter, la majorité des familles ayant acquis ce dont elles avaient besoin en farine et semoule. Mais lorsque nous nous présentons auprès des grossistes pour ramener ces deux produits, on nous avance qu'il n'y en a pas, à n'y rien comprendre. Moi, je pense que c'est encore ce phénomène de rétention qui fait encore fureur chez certains grossistes qui n'ont aucun sens humanitaire, même s'ils cherchent à nous faire croire le contraire », nous a affirmé un épicier questionné à ce sujet.

Pour ce qui est des mesures de prévention, les citoyens commencent quand même à mesurer la gravité extrême du danger et très peu d'enfants sortent, très peu de femmes aussi. Pour les hommes, ils se contentent de faire leurs emplettes et rentrent aussitôt chez eux, juste le temps de chasser le stress. Un autre comportement positif a été observé hier, c'est celui de la distance de sécurité que s'imposent les gens, même lorsqu'ils font la queue pour acheter du pain ou autre chose. Les serre-mains et les embrassades sont bannis, les gens qui se rendent chez des parents ou des amis pour présenter leurs condoléances le font durant une minute et repartent en se tenant toujours loin des autres et personne n'ose inviter qui que ce soit à un mariage. Il faut dire aussi que même les visites entre membres d'une même famille se limitent au strict obligatoire et le téléphone est très utilisé pour avoir des nouvelles les uns des autres. Une lueur d'espoir pointe à l'horizon et chacun la cite, c'est qu'il n'y a pas eu de décès dû au Covid-19 durant les trois derniers jours. Espérons que cela dure et que ceux qui sont à l'hôpital guérissent le plus vite possible. Amen !