Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les portraits géants des présidents portent malheur

par Amine Bouali

Progressivement, les portraits géants de l'ex-président se sont mis à trôner un peu partout en Algérie et son regard hautain semblait tirer sur tout ce qui se bouge dans ce pays. Comme il l'avait annoncé au début de son premier mandat, il s'est démené comme un diable pour être beaucoup plus qu'un trois-quarts de chef d'Etat. Apparemment, rien ne paraissait trop grand pour cet homme doué qui a été, juste après l'Indépendance, ministre à l'âge de 23 ans et qui a bénéficié jusqu'à mi-chemin environ de son parcours en tant que président, de la confiance d'une bonne partie du peuple algérien.

Pourtant, à Alger, au palais d'El-Mouradia, des ministres remplaçaient d'autres ministres sur des considérations parfois non objectives, les discours suaves succédaient aux envolées lyriques, de nouvelles directives contredisaient les précédentes décisions. L'argent récolté grâce à la montée du prix du pétrole permettait de financer de grands projets mais colmatait aussi les brèches que produisaient la rente et les différents fiascos et il aiguisait les appétits voraces de tous les loustics que comptait le pays.

Car - et c'est un des constats qui intriguent le plus aujourd'hui - les brigands de toute sorte n'ont pas eu peur de ce président qui ne voulait pas faire de vagues et n'hésitait pas à cacher la poussière sous les tapis de la République. Alors on a vu des responsables véreux toucher leur bakchich au vu et au su de tous. On a vu des pseudo-militants de partis de la coalition présidentielle, qui voulaient à tout prix devenir députés, carrément acheter leur siège. On a vu des élus faire des choix qui allaient à contre-courant de l'intérêt général. La blessure reste encore très vive : pourquoi notre cher pays est-il tombé si bas ?

Puis un jour, les portraits géants de l'ex-chef d'Etat ont été décrochés à la hâte, suite à sa démission imposée par le ressentiment populaire, et l'armée a pris les choses en main. Nombre de dirigeants politiques et économiques de l'Algérie se sont retrouvés en prison et n'ont pas très bien compris ce qu'il leur est arrivé. Les élections présidentielles à venir ont été fixées au 12 décembre mais le prochain président est d'ores et déjà prévenu : les portraits géants portent malheur et mènent droit au mur.