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Présidentielle: Une course contre la montre

par Ghania Oukazi

Les dates de la convocation du corps électoral et de la tenue des élections présidentielles sont étroitement liées aux amendements devant être apportés à la loi électorale 10-16 du 25 août 2016.

La décision du chef d'état-major de l'ANP de faire convoquer le corps électoral par le chef de l'Etat le 15 septembre prochain a fait des émules. Chaque partie y va de son soutien ou de son rejet, c'est selon les ambitions, les intérêts et les objectifs qui animent les uns et les autres analystes et animateurs de la scène politique. Si l'on se réfère aux discussions menées par le panel, tous ceux qui y ont participé sont d'accord avec Ahmed Gaïd Salah. Karim Younes fait part de 24 partis politiques et plus de 6.000 rencontres avec les représentants de la société civile et autres personnalités nationales (point de situation d'hier). Ce n'est pas rien même si l'Algérie compte 42 millions d'habitants. De ces millions, il faut soustraire de nombreuses catégories qui ne s'impliquent pas dans la politique soit parce qu'elles n'y croient pas, apolitiques, ou ce sont des enfants, des illettrés ou font partie de cette majorité silencieuse dont on parle mais qui ne s'est jamais exprimée. «Silencieuse» de par son absence sur les tribunes et aussi des bureaux de vote parce qu'elle refuse de voter pour qui que ce soit. Depuis que l'Algérie en parle, on n'en connaît pas l'importance ni en nombre, ni en situation sociale, ni en idées. Reste alors ceux qui animent la scène politique depuis toujours, depuis que le multipartisme est né, qu'ils soient soutiens du pouvoir, ses opposants ou les deux à la fois, selon les conjonctures. La médiation et le dialogue menés par le panel concernent pratiquement les trois quarts de cette catégorie qui acceptent de participer à la configuration de l'échiquier politique et d'en négocier les positionnements. Il faut croire qu'elle constitue la majorité de ceux qui «agissent ou réagissent». Le quart restant se contente de les contredire et rejette tout «consensus» pour une sortie de crise, vrai, faux ou supposé.

Diminuer le nombre de signatures pour les candidats

En tout état de cause, le panel en est à l'élaboration de son rapport final sur tout ce qu'il a entrepris comme action depuis son installation à la fin du mois de juin dernier. L'important pour le général de corps d'armée est que l'équipe que coordonne Karim Younes fait vite pour finaliser la loi de création d'une instance nationale, permanente, indépendante qui se chargera de la tenue des élections présidentielles. L'autre loi attendue, la loi électorale pour la confection de laquelle Younes a déclaré hier qu'il a fait appel à «l'intelligence juridique» des spécialistes en matière de droit pour éclairer le panel sur la centaine d'articles qui ont été soit revus, soit ajoutés. Vendredi, l'enseignant universitaire Mohamed Laagab nous disait que si l'on veut aller vers des élections présidentielles «dans les plus brefs délais», «il faut absolument réviser le nombre de signatures (parrainages) exigées aux candidats par la force de la loi et aussi le nombre de jours qui leur est accordé pour préparer et déposer leur dossier de candidature». Raccourcir ce délai est pour Laagab nécessaire «pour pouvoir tenir ces élections avant la fin de l'année». Il a calculé à partir du 15 septembre (si le corps électoral est convoqué) pour voir la date des élections fixée au 12 décembre prochain. Mais, nous a-t-il dit, «le 15 n'est pas sacré, on peut aller au 16, 17 ou 18 septembre, l'essentiel est que les 45 jours accordés à partir de cette date aux candidats à la candidature pour remettre leur dossier doivent être révisés à la baisse pour qu'on soit dans les délais». Pour ce qui est de l'instance indépendante réclamée par tout le monde, Laagab estime que si elle sera constituée de 20 membres comme retenu dans le projet de sa création présenté par le panel (voir article projet de création d'une instance paru le jeudi 5 septembre 2019), «elle sera inefficace en raison du nombre de missions et prérogatives qui doivent lui être assignées, il faut au moins qu'elle se compose de 50 membres au niveau central et de 10 au niveau local, chiffre qu'il faut conformer (en hausse) au nombre d'électeurs de chaque wilaya, c'est une instance qui devra faire tout, doit être partout et sur tous les fronts du processus électoral, c'est énorme».

Remake de l'option «d'un candidat du consensus» ?

A moins, dit-il, «qu'elle se réfère à des compétences et spécialistes pour pouvoir résoudre les problèmes qu'elle rencontrera et elle en aura, pour une première expérience, il faut prendre toutes les précautions possibles pour qu'elle ne flanche pas».

Il semble que les choses vont vite pour que le chef de l'Etat puisse donner une suite favorable à la demande du vice-ministre de la Défense. La question des candidatures ne fait pas encore la «Une» des discussions. L'on s'attend (en toute évidence) à ce que l'armée ait son candidat. L'on avance dans ce sens, l'entrée en lice de Ali Benflis sous l'étiquette de son parti «Talaie El Houriet» mais sous le sceau «candidat du consensus» issu de l'Est du pays (Batna).

Le nom de Abdelmadjid Tebboune (re)commence à être susurré dans certains milieux, lui aussi comme «candidat du consensus» mais du Sud-Ouest algérien (Boussemghoune, wilaya d'El Bayadh). Les supputations vont certainement commencer à enfler dans les prochains jours.

Abdelaziz Belaïd, Sofiane Djillali, Abderrazek Makri, à un degré moindre Moussa Touati ou Tahar Benbaïbèche sont des noms avancés pour donner «un sens» aux élections. Sûr que le «hirak» tapera des pieds pour rejeter une liste qui n'augure d'aucun changement. Mais l'on pense d'ores et déjà que le pouvoir va rassurer par le fait que le futur président devra se conformer -comme le veut la majorité des invités du panel- à une «période de transition» qui l'obligera à lancer «de grandes réformes», à prendre en charge les revendications populaires et à mettre en œuvre tous les engagements qui lui seront inscrits dans «une charte» qu'il aura dûment signée dès son intronisation à la présidence de la République.