L'implication
directe du Premier ministre Ouyahia et
l'incarcération de deux anciens ministres de l'Industrie et des Mines, Bedda et Yousfi, alors qu'un troisième, Bouchouareb
en l'occurrence, est toujours en fuite, dans le scandale de l'enquête sur les
ateliers de montage de voitures, lève le voile sur la volonté manifeste de tout
un système politique de noyauter l'économie nationale en la livrant à une aventure
criminelle selon la définition de la justice algérienne. Le dossier du montage
automobile est avant tout une affaire politique, décidée en haut-lieu, qui
résume à merveille le fonctionnement d'un Etat voyou dirigé par une
organisation mafieuse au sens propre du terme, un gang où familles et intérêts
communs étaient les seuls leviers de commande d'une stratégie économique que Ouyahia et ses ministres ont vendue aux Algériens comme
étant le parfait palliatif aux recettes des hydrocarbures. En dehors des
tenants du pouvoir à l'époque, personne ne peut être rendu responsable des
dérives qui ont suivi l'application des largesses offertes à des investisseurs
triés sur le volet. Les cadres incarcérés dans ce dossier ne sont que des
victimes collatérales d'une justice qui a reçu l'injonction de faire le grand
nettoyage au risque d'éliminer les petites projections induites par les grosses
tâches. De fait, ce qui s'apparente à une opération mains propres commence à
prendre les contours des campagnes de moralisation de la vie économique menées
en 1996 par Ouyahia, alors chef du gouvernement. En
effet, de nombreux observateurs et ceux au fait des rouages du ministère de
l'Industrie et des Mines affirment que rien ne pouvait se faire sans l'aval du
ministre en place, particulièrement concernant ce dossier sensible. Des voix
s'élèvent ainsi pour s'interroger sur l'incarcération de ces cadres,
fusibles-alibis, au même titre que les patrons de groupes automobiles qui ont
bénéficié d'incroyables avantages fiscaux garantis par l'Etat. Le propos
n'étant pas de commenter une affaire encore en instruction mais beaucoup se
demandent où se situe la responsabilité des uns et des autres sachant
pertinemment que le décret exécutif fixant les conditions et les modalités
d'exercice de l'activité de production et de montage de véhicules précise que
l'agrément provisoire et définitif ne peut être signé que par le seul ministre
chargé de l'Industrie.
Pour les
défenseurs de ces cadres incarcérés, la responsabilité ne peut être diluée et elle
incombe aussi bien au ministre qu'au gouvernement en place à l'époque de la
délivrance des agréments, puisque le dossier du montage automobile est avant
tout celui d'une politique de prédation et de rapine instituée en haut lieu et
actée par un Conseil des ministres en bonne et due forme.