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L'école des gourous

par Ahmed Farrah

Ce que nous renvoie l'école algérienne est paradoxal et inquiétant à la fois. D'un côté, une jeunesse universitaire qui semblait léthargique, inconsciente et aucunement concernée par son destin qui se faisait sans elle, et son admirable sursaut qui a surpris tous ceux qui croyaient l'avoir définitivement bernée et poussée à l'exil et au repli sur soi. De l'autre, un archaïsme ancré dans les esprits de ceux qui ont une emprise, certaine, sur l'école et qui manipulent, dès avant l'âge de la scolarité, des générations d'enfants, face à la permissivité ambiante d'une société plongée dans l'ambiguïté et les confusions culturelles et identitaires et les faux projets d'un État. L'école est une institution trop sérieuse pour la confier à des courtiers et à des altérés sans crédibilité morale et sans lien culturel avec l'universalité. Et si elle est devenue le théâtre idéal à des prestations sataniques et à des pratiques charlatanesques, c'est parce que les mentalités sont rendues fascinées par les mystères qui sèment l'ignorance et dressent les obstacles à l'émancipation intellectuelle. Il est temps de dégager la voie à nos enfants et petits-enfants pour espérer les délivrer de la spirale de l'aliénation à la pensée étriquée et réagir au plus vite pour dénoncer ces énergumènes qui les cernent de toute part. Pendant que le quotidien ramadanesque des Algériens se charge d'intrigues politico-judiciaires et de misère culturelle, une scène très grave a lieu dans une école primaire et diffusée sur une chaîne de télévision privée habituée -au sensationnel qu'elle véhicule- et largement reprise sur les réseaux sociaux, montrant dans une salle de classe une douzaine d'adultes hagards entourant un gourou en action et des enfants paniqués et choqués, qui déliraient à cause de ce qui arrive à l'un de leur camarade soumis à un exercice macabre, supposé exorcisant. Ce n'est pas cette école malmenée par les tiraillements et les antagonismes d'une extrême violence, qui serait en mesure de donner au pays une élite capable de comprendre et d'intégrer les bouleversements qui se préparent déjà, dans un monde où il n'y a aucune grâce pour les faibles... Mais est-ce qu'il y a une volonté politique forte et durable pour aller vers une société intelligente tirée vers le haut par une école capable d'agir et influencer les mutations du XXIe siècle et ne pas les subir ? Nous n'en sommes pas encore là.