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De la pondération

par Mahdi Boukhalfa

C'est le grand message de Bouteflika à l'occasion de la commémoration de la Journée nationale du chahid : l'Algérie a dans les circonstances actuelles beaucoup plus besoin de sécurité. Sans vraiment évoquer les soubresauts politiques qu'est en train de provoquer le scrutin du 18 avril prochain au sein des différentes couches sociales, formations politiques et associations, le président Bouteflika a donc saisi l'opportunité de «la Journée du chahid», cet événement solennel, pour rappeler aux Algériens et à certains milieux politiques que la sécurité de l'Algérie requérait «l'unité, l'action et le consensus national». Mieux, le chef de l'Etat estime que dans la conjoncture actuelle, il est important, sinon vital que tout le monde, au sens large, fasse prévaloir l'intérêt du pays «à chaque fois qu'il est question de sauvegarder notre indépendance politique, économique et sécuritaire».

Il rappellera ainsi à ceux qui l'auraient vite oublié que «la sécurité de l'Algérie ne suppose pas uniquement la force armée, mais également la maturité, l'unité, l'action et le consensus national». Dès lors, la messe est dite : la conjoncture actuelle marquée par les préparatifs de chaque camp et chaque candidat à titre individuel au prochain scrutin ne doit pas faire oublier à tous qu'au-delà des ambitions politiques personnelles ou collectives, au-delà des enjeux de cette élection présidentielle, il y a l'avenir du pays à ne pas hypothéquer par quelques postures maladroites. Par quelques comportements qui ne vont pas dans le sens d'un apaisement des esprits et des volontés à un moment politique et sociologique crucial avec cette échéance électorale. Et, si le chef de l'Etat revient avec insistance sur le consensus national, c'est surtout pour matérialiser son projet d'organiser, s'il sera réélu pour un 5ème mandat, une conférence nationale inclusive où seront discutées les grandes réformes politiques, économiques et institutionnelles qu'il a promises.

Bien sûr, le discours du président pèche par cet inévitable raccourci, dans sa forme comme dans son contenu, à la lutte de libération nationale, au sermon fait aux chouhada, comme pour rappeler que la conjoncture actuelle appelle tous les acteurs politiques, qu'ils soient dans le camp de l'opposition ou du pouvoir, à ne pas aller vers un affrontement inutile et contre-productif. A une guerre de positions qui se profile à l'horizon et qui ne profitera ni aux partis du pouvoir ni à l'opposition, encore moins à la tenue sereine d'une élection présidentielle qui ne doit pas prendre les contours angoissants de la négation de l'autre, encore moins laisser, sinon abandonner à la rue de faire ses propres choix stratégique et sortir dès lors des voies de la raison et de la pondération qui doivent guider tous ceux qui vont aller et ceux qui n'iront pas à ce scrutin. Car si boycotter cette élection politique est une position respectable et démocratiquement assumée, encore faut-il respecter le choix de ceux qui ont opté pour aller affronter, même à armes inégales, le candidat du pouvoir. La démocratie, c'est également cela, le respect des adversaires et, surtout, accepter ses différences, sans violences. Lorsque le président parle de veiller à préserver la sécurité du pays, il ne fait qu'exprimer cette angoisse qui s'est emparée des uns et des autres après ces marches «spontanées» contre le 5ème mandat.