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L'espoir

par El Yazid Dib

Oui, c'est une nécessité vitale d'y croire. L'on s'y accroche. Pardi ! La politique tient en l'état tout le bonheur susceptible d'illuminer des visages et égayer des cœurs trop meurtris. 2019, une lueur ?

Rien n'est indissociable. La relativité se pratique jusqu'aux os. Tout s'enchevêtre. L'investissement crée l'emploi dit-on mais reste épouvanté à surpasser les clichés de l'entremise et de la complicité malsaine. L'on doute de tout. Tout s'est évadé de nos piètres pensées pour ramener ce tout à des comportements de responsables ou de minables élus. Il est cependant tout à fait vrai, que le sentiment de bonheur demeure un produit politique indirect. Quand dans sa ville, l'on voit un maire gérer sa commune comme une administration, laissant le soin des routes, de l'hygiène au sort et à la fatalité ; l'on ne peut se dire que c'est à cause de lui, de ses comparses, de ceux qui l'entourent, ceux qui l'ont mis au sommet et bien d'autres qui se taisent ou l'applaudissent que l'on est silencieusement malheureux. La vie avec ne se verra ainsi qu'engloutie par son pire aspect.

«Pour une meilleure vie ». Ceci rappelle le fameux programme anti-pénurie, alimentaire surtout. Le peuple n'était à cette époque qu'une chaîne humaine agglutinée le long des portes de souk el fellah ou des galeries algériennes. Ainsi, après avoir rempli l'estomac, la tête demanda aux langues de se diluer. Le besoin de parler, de vider ses grands sacs n'eut comme satisfaction qu'une illusion d'être écouté. Tout semble en ce jour bien marcher au même moment où tout s'arrête de fonctionner normalement. Tout le monde, omettant un présent pris pour un passé consommé, se lance vers l'hypothétique espoir à faire rattaché à un lendemain. Mais ce lendemain, incertain, obscur et mal illuminé tient mordicus à ravir l'attention que l'on s'oublie dans la morosité actuelle.

En pensant à l'avenir de nos enfants, l'on néglige vite les péripéties arguées d'obstacles et de gâchages de notre passé. Aucun leader n'a dit mot sur une thérapie apte à combattre l'anxiété et l'état dépressif général. Cet état du à la déperdition de repères provoque des phénomènes tellement connus et sus qu'il ne réagit par surprise qu'à l'occasion de pressions politiques, de marches populaires, de grèves ou de boycott. C'est dans son diamètre, conçu comme un salon restreint, que repose toute l'intelligence qui fait les pour et les contre de l'éruption. Il nous suffit en somme de bien regarder l'état économique de nos entreprises, de visionner lentement le planning politique de nos dirigeants et d'écouter régulièrement les râlements de nos cadres, pour qu'on puisse se dire en face et avec courage des vérités pas bonnes d'être des vérités à dire. Personne n'est heureux, pas même le président de la république. Tous les citoyens montrent une mine désespérante, un teint blafard et soufflent comme ils respirent des soupirs, et gémissent comme des remords des hélas et des complaintes. Tous bouffés par la mal vie, le régime ou ce système qui les a conditionnés à vie dans l'obligation de ne s'inscrire que dans l'espoir d'une vie meilleure. L'embellie ne semble pas pour demain. La violence silencieuse et gangrénante est plus dangereuse dans le long terme que celle exercée au grand jour. La menace du désordre est toujours imminente. L'on ne sent ni ressent plus ce plaisir de pouvoir continuer à servir L'Etat, tant que celui-ci se trouve entre des mains inappropriées. L'on ressasse encore et encore qu'il y a des hommes publics qui nous font aimer davantage ce pays; il y en a d'autres, ya latif qui nous le font fuir et nous font douter de notre patriotisme s'il ressemblait au leur.

La belle vie est cette existence sans soucis majeurs, sans ces visages de bluffeurs. Malheureusement elle n'est pas l'apanage de tous les créneaux sociaux. L'évolution humanitaire a fait apparaître, pour cette belle vie, une classe médiane. Les sociologues la qualifient de classe moyenne sans pour autant lui attribuer la quintessence morale et l'esprit petit-bourgeois qui sont censés l'animer tel que fut le cas vers la fin du siècle dernier. Cette frange qui, ayant reçu un minimum de confort social se sent fortement concernée par le maintien de l'ordre établi. A sa charge, cet agencement se pratique par elle et non pour elle. Elle en tire certes des dividendes, un peu d'apparat et point final. Pas d'opportunités de pouvoir gagner du terrain sur la parcelle de sa marraine. Comme elle refuse à son tour de se voir faire grignoter son espace par des ratatouilles. Pense-t-elle. Bien lotie dans sa tête de large fonctionnariat, de commerçants débutants, de nouveaux portefeuilles, elle fait à son tour graviter à ses alentours pour les mieux pignonnés, des sous-traitants du deuxième cercle de la première classe.

Mais en tout et pour tout c'est au nom de cette vaste société que les mentors semblent agir. Dans son intérêt, tiennent-ils à rassurer ou à la rassurer. Mais les guichets de banque, les lots industriels et les passe-droits légalisés ont grandement participé à la mutation, parfois contre-nature de l'échelle des valeurs. Il suffit d'un rien pour qu'un rien puisse devenir une somme. C'est tout à fait vrai que le sens des affaires fait partie d'une science bien établie. Mais à voir des affaires se faire sans science des affaires, que faudrait-il déduire, sinon l'escroquerie, la rapine et la diablerie. L'autre, classe dite inférieure n'aspire qu'à garder un sourire, avoir un toit et un lendemain ensoleillé. Cette classe est très abondante, ses membres sont nombreux, elle forme le grand des troupes démographiques qui aspire à une vie heure et sans heurts. Cette belle vie souhaitée est un acte à fabriquer impérativement par le pouvoir. Sa mission est ainsi de rendre heureux, ses administrés. Ce bonheur là, messieurs n'est pas forcement dans l'autoroute malgré ses pistes scabreuses ou dans les centaines de logements denses et manquant de « centralité » mais parfois il se situe tout simplement dans l'égalité devant la loi, le droit pour tous et le devoir à partager. Il ne peut aussi se confiner dans l'abondance de discours creux ou de vagues promesses, encore moins de ces visites de chantiers ou ces sorties sur terrain ne semant que la poudre aux yeux. Mais bel et bien dans un langage de vérité, mauvaise soit-elle et dénué de populisme ou de flagrante démagogie. Il y a de ces ministres, de ces walis qui croient que tout ce qu'ils débitent est cru. « ahki'ha lbibit »

En fin, le peuple aspire à un bonheur constitutionnel, une joie institutionnelle, une mutation du régime, et surtout un nouveau personnel en charge de lui offrir des sourires, de l'espoir et du bon rêve. C'est l'unique caractéristique rêveuse dont fait montre l'esprit éternellement chevaleresque du peuple algérien, c'est qu'il ne tire pas sur les ambulances, il ne réprimande pas les stationnés au poste de l'agonie et sait attendre.