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Le message du président

par Mahdi Boukhalfa

C'est un message clair et ciblé qu'a délivré le président Bouteflika à l'ouverture de la traditionnelle réunion gouvernement-walis. Si le «check-up« sur l'état de la Nation attendra peut-être la fin de l'année, le président Bouteflika n'a pas ménagé sa peine pour décrypter, à sa manière, les jacqueries au sein de l'APN, du FLN et même au sein du gouvernement, sur fond de guerre préélectorale. Pourtant, la réponse du chef de l'Etat à ces crises internes, à ces passes d'armes entre cercles proches du pouvoir et au sein même du gouvernement, à quatre mois de la prochaine élection présidentielle, semble surréelle, et replonge le landerneau politique algérien dans les années 1970, au plus fort des fantasmes de l'idéologie du parti unique, ceux de l«'ennemi extérieur et de la main étrangère», qui sont derrière les tentatives de déstabilisation du pays. Sinon, comment interpréter le fait que le président Bouteflika accuse «des cercles de prédateurs» et «des cellules dormantes», qui ciblent «la stabilité de notre pays» et s'acharnent à attenter à sa crédibilité ?» Le chef de l'Etat, qui dénonce «les manoeuvres politiciennes que nous observons à l'approche de chaque échéance cruciale pour le peuple algérien«, verrouille sa cible et pointe du doigt des «aventuriers politiques« à un moment où le parti unique, porte-étendard d'un probable 5ème mandat, est secoué par des crises successives, et prend à témoin les chefs de l'exécutif des wilayas en leur confiant la mission importante de rester vigilants et «de vous attacher à permettre au peuple d'exercer sa souveraineté et de poursuivre son œuvre«. L'échéance du mois d'avril prochain est clairement énoncée, et les walis doivent se préparer à bien organiser cette étape dont l'enjeu est «plus grand» que «la succession des responsables et des personnes». L'allusion au récent charivari à l'APN et au FLN, ainsi que les départs mouvementés de leurs responsables, est claire. Le président Bouteflika recadre en fait le débat, expliquant que le départ d'Ould Abbès ou de Bouhadja, remplacés par une seule personne, n'est pas «un enjeu» du présent et de l'avenir. Les changements controversés au sein de l'APN et du FLN ont donc bien reçu la caution du président, et que la prochaine élection présidentielle ne devrait pas réserver de trop grandes surprises. Bien plus, les cercles et milieux politiques qui pensent autrement ne trouvent pas grâce aux yeux du président Bouteflika, qui prévient l'opinion publique contre cette menace, ces «aventuriers«, qui «dissimulent les faucilles du massacre, qu'ils n'hésiteront pas à utiliser pour faire basculer le pays dans l'inconnu». Décodée, l'intervention du président Bouteflika, qui ne s'est pas départi de sa réserve durant la crise à l'APN, puis au sein du FLN, ensuite face aux appels insistants de la société civile et les partis d'opposition contre le 5ème mandat, est une offensive grandeur nature contre tous les milieux, politiques et autres, qui se sont positionnés contre une probable candidature à un dernier mandat. L'enjeu de la prochaine élection présidentielle est bien là, épais et tangible.

Prenant de court ses adversaires politiques, le président Bouteflika montre ainsi qu'il reste autant le chef de l'Etat avec ses prérogatives, qui lui confèrent des missions importantes comme la relance du développement social et économique des territoires, la sécurité et la prospérité des Algériens, qu'un potentiel candidat, en parfaite harmonie avec la Constitution, à sa propre succession.