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![]() ![]() ![]() Algérie: l'or bleu et l'or solaire, la double souveraineté qui peut tout changer
par Salah Lakoues ![]() Alors que
l'Afrique du Nord est traversée par des vents géopolitiques contraires et que
l'Europe verrouille son avenir énergétique avec les Etats-Unis, l'Algérie dispose
d'un atout unique : elle est propriétaire de son gaz et de son soleil.
Cette double souveraineté pourrait faire d'Alger un pilier de la transition énergétique mondiale... à condition d'opérer un tournant stratégique majeur. Gazoducs : un modèle dépassé Nigeria-Maroc (AAGP) : 5/ 600/ km, 25/ Mds/ $, 15 à 20/ ans de travaux. Nigeria-Algérie (NIGAL) : 4/ 100/ km, 13-15/ Mds/ $, traversant des zones rouges au Niger et au nord du Nigeria. «/ Ces infrastructures arriveront à maturité au moment même où l'Europe sortira du gaz fossile. Ce sont des projets conçus pour un marché qui n'existera plus/ », avertit Fatih Birol, directeur de l'AIE. L'accord USA-UE (2025) Montant : 750/ Mds/ $ sur 10 ans. Volume garanti : 50/ milliards de m³/an de GNL US vers l'Europe. Conséquence : rétrécissement de la fenêtre commerciale pour l'Afrique. «/ L'Europe n'est plus l'eldorado gazier des années 2000. L'Algérie doit changer de paradigme/ », résume Thierry Bros, expert gazier. L'or bleu doit devenir chimique Exporter du gaz brut rapporte peu. Le transformer en produits pétrochimiques multiplie par 6 à 8 la valeur créée. Engrais azotés : +35/ % de demande mondiale d'ici 2035. Plastiques techniques : marges 4 à 6 fois supérieures à l'export brut. Méthanol et ammoniac : bases de la chimie fine. «/ Chaque mètre cube de gaz transformé en ammoniac est une souveraineté gagnée/ », souligne Abdelmadjid Attar, ex-ministre de l'Énergie. Projection : transformer 30/ % du gaz exporté = +20 à 25/ Mds/ $/an pour l'économie algérienne. L'atout solaire algérien Ensoleillement : 3/ 000/ h/an. Potentiel : 170/ TWh/an sur seulement 0,3/ % du Sahara. Hydrogène vert : 1,2-1,5/ $/kg d'ici 2030 (contre 2,5-3/ $/kg en Europe). «/ L'Algérie détient un double privilège : elle est propriétaire de son gaz et de son soleil. C'est une combinaison rare qui peut faire d'elle un géant énergétique du XXIe siècle/ », conclut un rapport de l'Agence internationale de l'énergie (2025). Un tournant de souveraineté Cette double souveraineté - or bleu et or solaire - n'est pas seulement un avantage économique. C'est une question d'indépendance nationale. Option 1 : persister dans la guerre des pipelines pour un marché en déclin. Option 2 : bâtir une puissance énergétique intégrée : pétrochimie, solaire, hydrogène vert. «/ L'indépendance énergétique de l'Algérie ne se jouera pas dans les volumes exportés mais dans sa capacité à transformer son énergie en puissance industrielle/ », insiste l'économiste Slimane Harchaoui. L'approche stratégique de l'Algérie en matière énergétique, telle que présentée avec la double souveraineté sur le gaz naturel (« or bleu ») et le solaire (« or solaire »), est une vision cohérente et prometteuse qui vise à positionner le pays comme un acteur clé de la transition énergétique régionale et mondiale. Voici une analyse approfondie et cohérente de cette démarche : Double souveraineté énergétique : un atout géopolitique et économique majeur Or bleu (gaz naturel) : L'Algérie est riche en gaz naturel mais fait face à un marché européen en déclin, notamment du fait de l'accord USA-UE de 2025 qui verrouille ce marché pour le gaz américain. La stratégie de transformation du gaz brut en produits pétrochimiques (ammoniac, plastiques, engrais) est une étape essentielle qui permettrait de multiplier la valeur ajoutée exportée, créant ainsi une souveraineté économique renforcée. Cela dépasse le simple revenu d'exportation brute et ancre une puissance industrielle locale. Or solaire (énergie photovoltaïque et hydrogène vert) : Grâce à un très fort ensoleillement (environ 3 000 heures par an) sur une faible superficie du Sahara, l'Algérie dispose d'un potentiel solaire exceptionnel, pouvant générer 170 TWh/an. L'énergie solaire offre une source propre et durable pour alimenter aussi bien la demande intérieure que la production d'hydrogène vert à bas coût, ce qui est clé pour les industries du futur et les exportations énergétiques décarbonées. Cohérence avec la stratégie énergétique nationale en 2025-2035 La transition énergétique algérienne vise une diversification progressive du mix énergétique, passant d'une dépendance forte aux énergies fossiles à une intégration croissante des énergies renouvelables. Le programme prévoit 15 GW d'énergie renouvelable installés d'ici 2035, avec un pas décisif en 2025 qui marque l'entrée en service de plusieurs GW de solaire photovoltaïque. Le développement du solaire qui s'appuie sur des projets très avancés (près de 4 GW de capacité imminente) est complété par des efforts sur l'efficacité énergétique et par la valorisation de la biomasse (biogaz), ce qui illustre une approche intégrée et durable. Adaptation au contexte géopolitique mondial Le récent accord commercial USA-UE limite le marché européen pour le gaz africain, ce qui pousse l'Algérie à réduire sa dépendance aux exportations de gaz brut vers l'Europe, tout en développant ses capacités de transformation industrielle chimique pour créer de la valeur sur place. Par ailleurs, le solaire et l'hydrogène vert ouvrent des perspectives pour créer de nouveaux marchés, notamment en Europe via des corridors électriques haute tension (HVDC) et la fourniture d'énergie décarbonée, permettant à l'Algérie de contourner le verrouillage gazier. Enjeux socio-économiques et environnementaux La stratégie favorise la création d'emplois locaux dans les secteurs de la construction, la maintenance, l'ingénierie et la production industrielle liée aux renouvelables et à la chimie avancée. Cette transformation contribue également à la réduction des émissions de gaz à effet de serre du pays, alignant l'Algérie sur les objectifs climatiques mondiaux tout en apportant des bénéfices économiques. Le haut potentiel solaire permet d'éviter la surexploitation des ressources fossiles et offre une énergie propre adaptée à une croissance durable. Défis et recommandations pour la réussite de cette approche Investissements et financement : La réussite dépendra de la capacité à mobiliser des financements suffisants, incluant des ressources nationales et partenariats internationaux, pour achever et maintenir les grands projets solaires et industriels. Développement des infrastructures : Nécessité de renforcer les réseaux électriques, notamment les interconnexions HVDC vers l'Europe, et de sécuriser les infrastructures gazières. Innovation et formation : Parfaire la montée en compétences locales dans les technologies renouvelables, la gestion industrielle, et l'ingénierie pour limiter la dépendance aux équipes étrangères. Gouvernance et planification intégrée : Adapter la réglementation, promouvoir l'efficacité énergétique et coordonner la stratégie entre secteurs énergétiques, industriels et environnementaux. L'approche algérienne basée sur une double souveraineté énergétique est à la fois réaliste et visionnaire. Elle répond à la fois aux enjeux géopolitiques, économiques, environnementaux et sociaux actuels. Sa cohérence stratégique est renforcée par la mise en œuvre progressive de projets concrets, un fort potentiel naturel et un alignement avec les tendances mondiales de transition énergétique. Cette stratégie peut faire d'Algérie un leader régional de la transition énergétique, en s'appuyant sur sa richesse naturelle mais aussi sur une transformation durable de son économie. Mon analyse met en lumière les principales critiques et limites stratégiques associées aux grands projets de gazoducs africains face à la transition énergétique mondiale et à l'évolution rapide du marché européen : Gazoducs transsahariens : une équation défavorable Viabilité géopolitique compromise Le projet Nigeria-Algérie par le Niger (NIGAL) est effectivement plongé dans une zone d'insécurité chronique : le nord du Nigeria et le Niger sont confrontés à des risques sécuritaires majeurs (instabilité politique, groupes armés, attaques sur les infrastructures). Cela implique des surcoûts constants (sécurisation, assurances, retards) qui renchérissent encore un projet déjà estimé entre 13 et 15 milliards de dollars pour 4 100 km de conduite. Délai de réalisation disproportionné : Les projections optimistes parlent de 10 à 15 ans pour la construction, mais le contexte régional laisse peu d'espoir d'un achèvement rapide - ce qui arrive au moment même où l'Europe réduit puis élimine sa demande de gaz fossile, conformément à ses trajectoires climatiques (Fit for 55, Green Deal). Nigeria-Maroc : un projet de prestige sans marché Tracé sur 5 600 km et 13 pays, traversant des zones aussi bien littorales que très instables (Afrique de l'Ouest), le AAGP (African Atlantic Gas Pipeline) cumule des obstacles géopolitiques (diversités de régulations, risques de transit), techniques et commerciaux. Le coût estimé à plus de 25 milliards de dollars est largement hors de portée pour un marché gazier européen en effondrement d'ici l'achèvement du projet (horizon 2040). Les chances de trouver ce financement sont quasi nulles auprès du secteur privé ou des institutions multilatérales dans le contexte actuel. Pays de transit désormais producteurs compétiteurs : Sénégal et Mauritanie accélèrent déjà l'exploitation de leurs propres découvertes de gaz (Grand Tortue, Yakaar-Teranga), ce qui réduit leur intérêt à dépendre d'un pipeline multinational et à en porter les risques. Mutation du marché européen : la fenêtre se referme L'Europe se détourne structurellement du gaz fossile : la demande européenne va chuter de près de 40% d'ici 2035, rendant tout projet qui ne serait opérationnel qu'au-delà de cette échéance inadapté à la nouvelle donne mondiale. Le Green Deal et la politique de décarbonation européenne ferment progressivement l'accès au marché, au profit de l'électricité propre et de l'hydrogène vert. L'accord USA-UE verrouille le marché à moyen terme pour le GNL américain, laissant très peu de place au gaz africain « supplémentaire » qui arriverait trop tard. Photovoltaïque solaire : un investissement d'avenir Rendement économique supérieur : Investir 10 milliards de dollars dans le solaire photovoltaïque en Algérie génère un parc de plusieurs gigawatts immédiatement connecté au réseau domestique ou à des sites industriels, créant de la valeur ajoutée instantanée, des emplois locaux, et un mix énergétique plus résilient et compétitif. Adaptation à la demande régionale et future exportation : Le solaire monte en puissance en Algérie, avec l'ambition de fournir, à terme, de l'électricité à faible coût pour alimenter les industries locales ou exporter via des corridors HVDC en pleine planification vers l'Europe et le bassin méditerranéen. Transition industrielle et climatique : Le solaire bénéficie de financements innovants (green bonds, financements multilatéraux, participation du secteur privé), d'externalités positives sur la santé publique, l'environnement et la compétitivité des économies africaines pour la prochaine décennie. La stratégie basée sur les mégaprojets de gazoducs apparaît désormais risquée et anachronique/ : trop chère, trop lente, trop dépendante des incertitudes géopolitiques et d'une fenêtre de marché en voie d'extinction. À l'inverse, l'investissement massif dans le photovoltaïque solaire, l'industrie chimique secondaire (valorisation du gaz sur place) et les interconnexions électriques régionales apparaît plus cohérent, moins risqué et créateur de valeur/ : il aligne l'Afrique du Nord et de l'Ouest sur la nouvelle donne énergétique mondiale et répond aux besoins locaux présents et futurs. L'Algérie bénéficie d'un avantage majeur par rapport à l'Europe concernant la contrainte de surface pour le développement solaire. Voici pourquoi : Surface disponible abondante en Algérie : Plus de 80% du territoire algérien est couvert par le désert du Sahara, une zone très peu peuplée et peu exploitée, avec un excellent ensoleillement (environ 3 000 heures/an, voire jusqu'à 3 600 dans certaines zones). Cette disponibilité permet d'installer facilement de larges centrales photovoltaïques sans conflits d'usages, contrairement à l'Europe où la densité de population élevée limite la disponibilité des espaces au sol pour le solaire à grande échelle. Potentiel solaire exceptionnel et concentré : Une faible surface (seulement quelques dixièmes de pourcent du Sahara) peut produire des quantités d'électricité énormes, bien supérieures aux besoins actuels nationaux et avec une capacité d'exportation vers l'Europe. Ce potentiel naturel est un atout stratégique unique, difficile à égaler en Europe où les surfaces libres adaptées sont limitées. Flexibilité dans le développement : L'Algérie mène des programmes d'installation ambitieux et rapides, avec environ 3 200 MW en chantier dès 2025 et un objectif de 15 000 MW (15 GW) de solaire photovoltaïque d'ici 2035. La disponibilité de terrains facilite la planification et la réalisation de projets à grande échelle, sans les blocages administratifs et les oppositions locales fréquentes en Europe. Co-localisation industrielle possible : En plus du territoire disponible, l'Algérie développe une industrie locale de production d'équipements solaires en partenariat avec des acteurs européens, ce qui renforce la dynamique industrielle autour du solaire. La contrainte de surface n'est pas un obstacle en Algérie, bien au contraire, elle est plutôt un levier majeur pour faire du pays un leader solaire régional et un partenaire clé pour l'exportation d'électricité verte vers l'Europe, là où la surface limitée en Europe est souvent un frein important au déploiement massif de solaire au sol. Ce facteur couplé à un ensoleillement optimal place l'Algérie dans une position privilégiée pour accélérer la transition énergétique solaire et devenir un fournisseur stratégique de l'énergie propre dans la région euro-méditerranéenne. Mon observation met en lumière un enjeu clé pour accélérer le développement du photovoltaïque solaire en Algérie, en particulier en intégrant efficacement les investisseurs privés et en contournant les freins bureaucratiques. Voici une proposition structurée de mode opératoire pour relever ces défis, en tenant compte du cadre actuel et des leviers institutionnels : Simplification et accélération administrative Création d'un guichet unique dédié aux projets photovoltaïques privés : centralisation des démarches (permis, raccordement, approbations réglementaires) pour réduire les délais et faciliter la coordination entre les différents ministères et Sonelgaz. Digitalisation des procédures avec suivi transparent en ligne, permettant aux promoteurs de suivre l'état d'avancement et de réduire les coûts administratifs. Cadre réglementaire clair et stable, renforcé par des décrets et arrêtés sectoriels dédiés aux petites et moyennes centrales photovoltaïques privées, avec des normes techniques simplifiées mais rigoureuses. Valorisation du potentiel privé indépendant dans le Nord Ouverture et structuration d'un marché de l'électricité décentralisée, où les producteurs privés (1 MW à 10 MW) peuvent injecter leur production dans le réseau Sonelgaz. Contrats d'achat garantis par l'État (Power Purchase Agreements, PPA) d'une durée longue, par exemple 15 ans, avec un tarif d'achat fixé ou indexé garantissant une rentabilité économique aux investisseurs, tout en tenant compte des coûts et du contexte algérien. Mise en place de mécanismes incitatifs complémentaires : garanties partielles de paiement, exonérations fiscales ciblées (TVA, droits de douane sur équipements), et possible accès facilité au foncier. Financement adapté et partenariats institutionnels pour les grandes centrales . Mobilisation des institutions financières nationales telles que la Nouvelle Banque de Développement (NBD BRICS) qui peut jouer un rôle de prêteur principal ou co-financeur, avec des lignes dédiées pour les renouvelables. Coordination avec des bailleurs de fonds multilatéraux et régionaux, notamment la Banque Africaine de Développement (BAD) et la Banque Islamique de Développement (BID), pour apporter des financements concessionnels, des garanties de risque ou des prêts à taux préférentiels. Facilitation du montage financier mixte public-privé autour de consortiums regroupant opérateurs algériens, investisseurs étrangers, et bailleurs multilatéraux. Développement des capacités locales et écosystème industriel Encourager la montée en compétence des PME locales spécialisées dans l'installation, la maintenance, et la fourniture d'équipements pour soutenir un déploiement efficace et durable. Promouvoir la collaboration entre acteurs privés, universitaires et instituts de recherche pour innover et adapter les technologies au contexte algérien (poussière, chaleur). Suivi, évaluation et pilotage Création d'un comité national de suivi des projets photovoltaïques privés rassemblant les ministères de l'Énergie, des Finances, l'Agence nationale des énergies renouvelables (ANDER), Sonelgaz, banques, et représentants du secteur privé. Mise en place d'indicateurs de performance clairs (délais de raccordement, nombre de MW installés par an, impact socio-économique) et publication régulière de rapports pour assurer transparence et adaptation continue du dispositif. Pour relever l'urgence de développement du photovoltaïque solaire privé en Algérie, il est indispensable de : Simplifier et accélérer les procédures, Garantir la stabilité du cadre réglementaire et la pérennité des contrats, Structurer un véritable marché décentralisé de l'électricité, Mobiliser les financements nationaux et internationaux adaptés, Accompagner la montée en puissance industrielle locale, Assurer un pilotage coordonné entre acteurs publics et privés. Cette approche pragmatique permettra d'attirer massivement les investisseurs privés, de diversifier la production solaire en intégrant les petites et moyennes centrales, et de contribuer efficacement aux objectifs nationaux de transition énergétique. |
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